L’OKaJu, le défenseur des droits des enfants, fait état d’une hausse des demandes de protection internationale, qui complexifie l’accueil des réfugiés les plus jeunes.
Toujours dans la perspective de ne pas faillir à son mantra, «Veiller, écouter, intervenir», l’Ombudsman fir Kanner a Jugendlecher (OKaJu) et son équipe ont présenté leur rapport annuel, dédié à l’accueil des enfants issus de l’exil au Luxembourg. La thématique est au diapason de la conjoncture internationale et des différents événements de l’année 2022, qui ont généré de nombreux flux migratoires, à l’instar de la guerre en Ukraine. De sa position d’acteur de référence en matière des droits de l’enfant, l’OKaJu s’est donc livré à son traditionnel travail d’observation afin de déterminer si le Grand-Duché répond, ou déroge, aux principes directeurs établis par la Convention relative aux droits de l’enfant des Nations unies, laquelle a été ratifiée par le Luxembourg en 1993.
L’exercice, qui peut s’apparenter à une distribution de bons et de mauvais points, ne s’arrête pas là, puisque le rapport présente une liste de préconisations dont le gouvernement peut se saisir. Au moyen d’entretiens avec des acteurs clés et en se livrant à une étude approfondie du terrain, l’Ombudsman fir Kanner a Jugendlecher a examiné différents centres d’hébergements accueillant des enfants issus de l’exil. Au regard de la situation générale et en dépit des progrès réalisés, «la plupart des structures ne sont pas conçues dans une perspective de droits de l’enfant et comme lieu de vie pour ces derniers».
Faire face à l’augmentation des flux
L’avant-propos de ce bloc de 148 pages place la focale sur l’Ukraine pour rappeler que des millions d’enfants, de tous horizons, sont forcés de fuir leur foyer au rythme des guerres et des persécutions. Nombre d’entre eux, parfois des mineurs non accompagnés, s’établissent au Luxembourg et effectuent une demande de protection internationale (DPI). Depuis l’été, ces demandes ont «augmenté de manière significative, avec 205 personnes ayant introduit une DPI en août et 297 en septembre». En deux ans, 1 134 jeunes mineurs d’âge, principalement syriens, érythréens ou afghans, ont déposé une demande, parmi lesquels 235 ont obtenu le statut de réfugié. Ils sont ensuite redirigés vers des structures temporaires provisoires ou de primo-accueil : «Nous avons analysé 23 des 55 centres gérés par l’Office national de l’accueil, Caritas et la Croix-Rouge qui, au total, affichent un taux d’occupation moyen de 94,4 %», explique Charel Schmit, l’OkaJu.
Anciens bâtiments reconvertis, hôtels ou encore structures modulaires, ces hébergements présentent des conditions hétérogènes, mais un mode d’aménagement souvent similaire, basé notamment sur des lits superposés. Si le rapport fait également état de locaux propres et en respect avec les principes d’hygiène de base, il déplore un risque en matière de sécurité dû à l’impossibilité de verrouiller les portes des installations sanitaires. «Le chemin vers les toilettes est trop long, sombre et inquiétant. Je ne me sens pas en sécurité la nuit», raconte une des résidentes d’un foyer dans le rapport.
La qualité de l’alimentation dans les réfectoires, qui ont supplanté les cuisines individuelles et collectives, a également été la cible de nombreuses critiques : «Les plats froids servis le soir sont souvent difficiles à digérer et ne rentrent pas toujours dans les habitudes alimentaires des résidents», communique Charel Schmit, qui déplore par la même occasion des difficultés d’accès aux services des soins, souvent loin des hébergements.
Mieux concevoir l’espace
En matière d’accueil, la structure d’hébergement de Mersch fait figure de mauvais élève. Le bâtiment Creos, ancien hall de stockage, a été transformé en foyer d’une capacité de 328 places en 2017 : «C’est un mauvais exemple d’infrastructure d’accueil, qui certes répondait à une nécessité, mais ne présentait aucune fenêtre ni de lumière, fustige Charel Schmit. De fait, ça n’entre pas en conformité avec ce qui est prôné par le Haut-Commissariat pour les réfugiés.» Malgré le soulagement survenu à l’ouverture du centre de Weilerbach, les transferts et sorties pour les familles nombreuses se complexifient au foyer de Mersch, ce qui génère des tensions avec l’équipe sociale.
Le cas exhibe ainsi les problèmes de surpopulation et d’aménagement, pour lesquels l’OKaJu a formulé des éléments de réponse : «Dans un premier temps, il ne faut pas que les familles séjournent plus longtemps que nécessaire dans les centres de premier accueil ou les logements collectifs. Il faut donc investir davantage dans les logements sociaux, préconise l’Ombudsman fir Kanner a Jugendlecher, avant de compléter : Un guide officiel sur la construction de structures d’hébergement adaptées devrait être conçu et accessible aux architectes.»
Cette dernière requête s’appuie également sur l’obligation de répondre pleinement au droit aux activités récréatives des enfants, en aménageant des aires de jeux et des salles de séjour pour les jeunes, afin d’offrir un lieu de vie convenable : «À ça, il faut ajouter la nécessité de renforcer les liaisons avec les associations sportives, les maisons de jeunes et les points relais pour les inciter à sortir et adopter une posture inclusive», pose Charel Schmit.
Malgré les quelques conclusions amères de l’OkaJu, également portées sur le manque d’un organe de gestion des plaintes, le rapport tient à saluer les efforts réalisés par l’État et les organismes responsables pour répondre à la forte demande, sur le front notamment du recrutement. Des problématiques d’ordre organisationnel et politique demeurent, à l’exemple des longs délais d’attente ou de la difficulté à opérer le regroupement familial. Autant d’éléments qui justifient la demande de l’OKaJu portant sur l’instauration d’un statut spécifique pour les mineurs non accompagnés dans la perspective de l’aide à l’enfance et en dehors de toute demande de procédures d’asile.