Hausse des ventes dans les magasins discount, recherche des meilleures promotions, boom de la seconde main, coupes dans les dépenses… Face à l’inflation qui frappe l’Europe depuis plusieurs mois, les consommateurs s’efforcent d’adapter leurs habitudes pour préserver du mieux possible leur pouvoir d’achat.
Les discounters à la fête
C’est tout un symbole : au Royaume-Uni, l’Allemand Aldi est devenu à la rentrée le 4e supermarché du pays, dépassant le plus que centenaire Morrisons, derrière Tesco, Sainsbury’s et Asda. Le mouvement est commun à toute l’Europe : les magasins moins chers, ou perçus comme tels, conquièrent actuellement beaucoup de nouveaux clients.
« En France, nous gagnons 500 000 clients sur chaque période » analysée par le panéliste Kantar, explique Michel Biero, directeur exécutif achat chez Lidl. « Les enseignes qui marchent le mieux, c’est Leclerc, Aldi, Lidl et Hyper U qui sont les moins chères aujourd’hui », a aussi estimé Michel-Edouard Leclerc, le président du comité stratégique des magasins E. Leclerc.
Pour faire face, Carrefour, jugé plus cher par les spécialistes du secteur, a insisté début novembre sur son offre « discount » lors de la présentation de son plan de vol pour les années à venir.
En Espagne, Mercadona, à mi-chemin entre discounter et supermarché (avec de grandes surfaces de vente mais un assortiment assez réduit), détient plus du quart du marché, loin devant Carrefour (9,6 %) et Lidl (5,8 %). Mais la concurrence avec ce dernier et avec Aldi a été exacerbée ces derniers mois, selon Kantar.
Arbitrages et bonnes affaires
Autre réflexe des consommateurs : une hiérarchisation des dépenses, consciente ou non. « Tout ce qui est produit non essentiel, par exemple le vin ou le champagne, le miel, la beauté » est en baisse plutôt forte, note Stéphane Roger, du panéliste Kantar. Pour autant, tous les consommateurs n’ont pas les mêmes priorités : en Chine ou en Corée du Sud par exemple, le segment de la beauté est considéré comme « plus essentiel » qu’en Europe, poursuit le spécialiste.
Moins de bonbons, moins de petits cadeaux… C’est aussi sur ce genre d’achats que les coupes sont flagrantes chez les clients. « Nos ventes en non alimentaire ont clairement baissé », confirme Michel Biero.
Comme ce qui est moins prioritaire est repoussé à plus tard, les vêtements pour les enfants qui grandissent continuent de se vendre mais l’habillement adulte rencontre beaucoup moins de succès. L’euphorie qu’ont connue le bricolage et l’aménagement, en plein essor pendant l’épidémie de Covid-19 quand chacun, confiné chez soi, s’occupait de son chez-soi, est retombée.
« Dans tous les pays européens, le volume des ventes baisse avec l’inflation », dit aussi Emily Mayer, experte en produits de grande consommation du cabinet spécialisé IRI. Elle rappelle toutefois qu’il « ne faut pas tout lier à l’inflation », ce reflux pouvant aussi s’expliquer par des ventes en supermarchés plus élevées en 2021 quand le covid perturbait encore les repas hors domicile.
Et la restauration justement ? « Les consommateurs prévoient de dépenser mieux, plutôt que pas du tout, comme en 2008 », estime Maria Bertoch, du cabinet d’études NPD Group. Lors de cette précédente crise inflationniste, en Allemagne, Grande-Bretagne, France, Italie, Espagne, les ventes en la matière s’étaient plutôt maintenues, ne baissant au final que de 2,3 % en 2009.
Les factures du quotidien passées au crible
Facture de téléphone, assurance automobile, abonnement à la salle de sports… Plutôt que de « rogner sur les courses », comme dit 60 Millions de consommateurs qui a consacré un numéro spécial aux recettes pour « retrouver du pouvoir d’achat », de nombreux consommateurs ont fait le tri dans leurs dépenses récurrentes. « J’ai appelé SFR pour passer mes nerfs et j’ai obtenu 5 euros de remise par mois », confie par exemple Mathilde Guillerme, mère de famille lilloise.
Renégociation de crédit immobilier, des assurances habitation… Pour 60 Millions de consommateurs, les gains peuvent se chiffrer en centaines d’euros par mois pour les ménages.
Si les dépenses sont scrutées à la loupe et hiérarchisées, il en va de même des rentrées d’argent : la baisse du pouvoir d’achat sur fond d’inflation galopante nourrit les revendications salariales à travers l’Europe, avec des grèves nationales dernièrement en Belgique et en Grèce, où « la cherté de la vie est insupportable », selon le plus grand syndicat local.