Le Premier ministre grec sortant Alexis Tsipras, vainqueur des législatives en Grèce avec son parti de gauche radicale Syriza et désireux de mener rondement son retour, devrait former dès lundi un gouvernement durable chargé de mettre en œuvre le difficile plan d’aide au pays accepté à contre-coeur en juillet.
«Dès demain, nous nous retroussons les manches pour travailler dur», a lancé dimanche soir Alexis Tsipras à ses sympathisants au centre d’Athènes, après avoir gagné un triple pari en ramenant aisément son parti de gauche radicale Syriza au pouvoir, en reformant une coalition avec la droite souverainiste et en se débarrassant complètement de l’aile gauche de son parti.
Sur la quasi totalité (90%) des bulletins dépouillés, Syriza était crédité de 35,53% des voix contre 28,05% au parti de droite Nouvelle Démocratie (ND), dirigé par Vangelis Meïmarakis, soit une avance de plus de sept points. Alexis Tsipras devrait être nommé Premier ministre lundi alors que les créanciers souhaitent voir son gouvernement rapidement opérationnel pour appliquer l’accord de réformes et de mesures budgéraires conclu cet été.
Le patron de l’Eurogroupe des ministres des Finances de la zone euro Jeroen Dijsselbloem s’est d’ailleurs fendu d’un tweet de félicitations au futur chef de l’exécutif, ajoutant attendre la «formation rapide d’un nouveau gouvernement» pour «continuer le processus de réforme».
Malgré une forte abstention (autour de 44%), les Grecs ont donc donné une deuxième chance à celui qui avait fait le pari de démissionner en août après avoir perdu sa majorité au Parlement, en espérant obtenir un nouveau mandat plus solide.
Remplacé par un chef de gouvernement par intérim pendant ce mois de campagne, Alexis Tsipras avait défini dimanche son futur gouvernement comme «un gouvernement de combat», prêt «à mener des batailles pour défendre les droits de notre peuple».
Arrivé au pouvoir en janvier, dans un grand mouvement d’espoir d’un peuple épuisé par six ans de crise profonde, M. Tsipras, premier chef de gouvernement européen issu de la gauche radicale, avait démissionné après l’éclatement de sa majorité parlementaire lors du vote par les députés du troisième plan d’aide au pays par l’UE et le FMI en cinq ans, d’un montant de 86 milliards d’euros.
Alliance de la carpe et du lapin
Alexis Tsipras avait signé ce plan sous la contrainte, comme un pis-aller, explique-t-il depuis, pour éviter au pays une sortie de l’euro. L’ambiance très sage à son QG de campagne, qui n’a pas drainé dimanche soir de nombreux supporteurs comparativement à janvier, contrastait avec le sourire radieux affiché sur scène par le leader de 41 ans.
Car, et c’est son deuxième pari gagné, il va pouvoir en outre reconstituer exactement la même alliance que lors de son premier mandat, souvent décrit par les analystes comme l’alliance de la carpe et du lapin, avec les Grecs Indépendants (ANEL), un parti de droite souverainiste dont la plupart des sondages prédisaient qu’il n’accéderait pas au parlement.
Les autres aspirants à entrer dans une coalition, le parti centriste To Potami («la Rivière»), créé en 2014 par un ancien journaliste de télévision, Stavros Theodorakis, et le Pasok, le parti socialiste autrefois puissant, ont pris acte que Alexis Tsipras n’avait pas besoin d’eux, et se sont déclarés dans l’opposition.
Les projections donnent 145 sièges à Syriza et 10 à ANEL (contre 149 et 13 dans le Parlement sortant), soit 155 sur 300 dans le nouveau Parlement.
Débarrassé de fortes personnalités
De surcroît, et c’est le troisième pari gagné par Alexis Tsipras, Unité populaire, qui rassemble les députés dissidents du Syriza, n’a pas réussi à trouver assez d’électeurs pour entrer au parlement. Ces frondeurs étaient opposés à l’accord européen du 13 juillet.
«Je ne comprends pas, s’interroge à haute voix Kostas, 19 ans, je pense que les gens ont eu peur car tout le monde est opposé à ces nouvelles mesures qui vont désintégrer la société».
Alexis Tsipras est ainsi débarrassé de personnalités aussi fortes que l’ancien ministre de l’Energie Panayiotis Lafazanis, favorable à un retour à la drachme, ou l’ex-présidente du Parlement, la pasionaria Zoé Konstantopoulou, qui prônait de ne pas rembourser la dette du pays.
Son retour au pouvoir sera suivi avec une attention particulière par les créanciers de la Grèce, UE et FMI, mais aussi par les dirigeants politiques européens.
Dès l’annonce des premiers résultats, Alexis Tsipras s’est entretenu au téléphone avec Martin Schulz, le président du Parlement européen, le président français François Hollande et le chancelier autrichien Werner Faymann. François Hollande a même annoncé une visite à Athènes «sans doute dans les prochaines semaines».
Cette nouvelle victoire sera aussi surveillée de près en Espagne, au Portugal et en Irlande, très touchés par la crise et où se déroulent d’importantes élections dans les prochains mois. «Les Grecs ont dit très clairement qui ils veulent comme Premier ministre», a twitté le secrétaire général du parti espagnol de gauche anti-libérale Podemos, Pablo Iglesias, félicitant son «ami» Alexis Tsipras. Il avait partagé la tribune de son dernier meeting de campagne vendredi à Athènes.
Par ailleurs, à la faveur de la crise des migrants, le parti néonazi Aube dorée semblait, selon les résultats partiels, conforter sa place de troisième parti du pays, avec 6,96% et 18 députés (un supplémentaire).
AFP/M.R.