Vous vous rappelez de décembre 2020 ? Les toutes premières livraisons de vaccins anticovid avaient été accompagnées d’une surenchère des pays riches pour s’adjuger un nombre suffisant de doses.
L’Allemagne a frôlé une crise gouvernementale, car Berlin avait décidé de rejoindre l’initiative de l’UE d’acquérir les vaccins à 27, au lieu de négocier à part une livraison massive de doses produites par BioNTech, laboratoire dont le siège se trouve à Mayence.
Au Luxembourg, il y a eu une polémique à propos de certains administrateurs d’hôpital qui avaient obtenu leur sérum sans figurer parmi le personnel de santé de terrain, priorisé dans la campagne de vaccination.
Les grands oubliés étaient à l’époque les pays à revenus faibles et moyens, incapables de concurrencer ceux qui sont les mieux lotis. Début 2022, 34 États du continent africain affichaient encore un taux de vaccination inférieur à 10 % de leur population.
Entretemps, 16 d’entre eux ont passé ce cap, dont 4 qui atteignent les 20 %. À la mi-octobre, seuls 24 % de la population du continent avaient terminé leur primovaccination, alors que la couverture est de 64 % au niveau mondial. Au rythme actuel, l’Afrique devra attendre… avril 2025 pour atteindre l’objectif mondial de 70 % de personnes primovaccinées.
Pendant ce temps, les pays européens sont submergés de vaccins. Pire, des centaines de milliers, voire des millions de doses périmées doivent être jetées à la poubelle. Au Grand-Duché, quelque 78 900 doses ont dû être détruites depuis décembre 2021. Si la commande communautaire a fini par faire ses preuves, le système mis en place, conditionné par les producteurs de vaccins, cause désormais des effets pervers. Des besoins qui sont à estimer à long terme, au vu des délais de livraison de 12 à 15 mois, expliquent ce phénomène. Cela ne doit cependant pas être une excuse pour laisser perdurer ce gâchis.
La redistribution des doses inutilisées doit devenir une priorité absolue. Car même si le covid est sur le recul, le risque d’une recrudescence existe. «Tant que l’Afrique sera loin derrière (…), il existera une dangereuse lacune que le virus pourra exploiter pour revenir en force», souligne le Dr Matshidiso Moeti, directrice régionale de l’OMS pour l’Afrique. Cela a le mérite d’être clair.