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Gaz : «Pour l’instant, pas de crise aiguë»


«Il est important de continuer à faire preuve de solidarité nationale et européenne», souligne le ministre de l’Énergie, Claude Turmes.  (Photo: editpress/fabrizio pizzolante)

Grâce aux économies déjà réalisées, une pénurie de gaz naturel semble improbable. Le gouvernement se prépare toutefois à toutes les éventualités. L’effort d’épargne doit rester commun.

Le Luxembourg a fait ses devoirs à domicile à l’approche de l’hiver. Les réservoirs de gaz sont remplis à plus de 95 %. En août et septembre, le niveau de consommation a diminué de 37,2 % et 26,3 % (en gigawattheure) par rapport à la moyenne 2017-2022. Le Grand-Duché respecte très largement l’objectif de l’UE, fixé à -15 %.

Le danger d’une pénurie de gaz est-il donc levé? Le ministre de l’Énergie, Claude Turmes, admet «dormir mieux aujourd’hui qu’au mois de mars», peu après le début de l’invasion russe en Ukraine. Le bémol suit sans tarder : «Si, pour l’instant, il n’y a pas de crise aiguë, il est important de continuer à faire preuve de solidarité nationale et européenne. Une pénurie serait non seulement problématique pour l’industrie, mais aussi pour d’autres pays de l’UE, comme la Slovaquie, l’Autriche ou l’Allemagne, qui sont dans une situation bien plus précaire que le Luxembourg.»

Les ménages, écoles et hôpitaux protégés

Voici donc le contexte dans lequel le gouvernement a approuvé, hier, le nouveau plan d’urgence relatif à la sécurité d’approvisionnement en gaz naturel. Les grands principes ne changent pas. En cas de crise majeure, les ménages, les hôpitaux, les structures d’habitation pour personnes âgées ainsi que les écoles vont figurer parmi les «clients protégés» profitant de la plus haute priorité. «Ils seront privés de gaz en tout dernier lieu», souligne Claude Turmes.

De l’autre côté de l’échelle se trouvent les gros consommateurs de gaz, avec en tête l’industrie. Le plan d’urgence a été élaboré en étroite collaboration avec la Fédération des industriels (Fedil) et l’Union des entreprises (UEL). Il est prévu qu’en cas de pénurie, les 50 plus grandes entreprises industrielles soient obligées de réduire leur consommation de 15 %.

Assurer l’approvisionnement jusqu’en 2024

Le modèle se veut néanmoins flexible. «La Fedil a proposé que les entités économisant plus que les 15 % puissent proposer le gaz restant sur une bourse d’échange, accessible aux autres gros consommateurs», résume le ministre de l’Énergie.

Les jalons sont donc posés pour affronter les mois à venir, en espérant que le pire pourra être évité. «Pour l’instant, une alerte, même précoce, n’est pas déclenchée», souligne Claude Turmes, dont le regard se tourne déjà vers l’hiver 2023. «L’incertitude sur le marché du gaz naturel liquéfié sera plus importante en 2023. La demande va rebondir en Chine. Le gaz va ainsi devenir plus rare», explique-t-il, soulignant l’importance d’assurer l’approvisionnement jusqu’en été 2024.

Le port de Zeebruges visé par des saboteurs?

La plateforme pour l’achat groupé de gaz à l’échelle de l’UE est fortement saluée par le Luxembourg. Les doutes restent plus importants sur un plafonnement du prix. «On risque qu’un navire rempli de GNL qui doit rallier l’Europe depuis le Qatar change de cap pour accoster en Chine, si le prix payé est plus élevé que le prix plafonné européen», met en garde Claude Turmes. Les tractations vont se poursuivre aujourd’hui et demain au sommet européen à Bruxelles.

En attendant, le Grand-Duché dispose d’un atout majeur. «Aussi longtemps que le port de Zeebruges est alimenté en gaz liquéfié depuis la Norvège et le Royaume-Uni, on est dans le bon», clame le ministre de l’Énergie. Deux gazoducs rallient le Luxembourg à la côte belge (voir carte ci-contre). Que faut-il pour que la situation dégénère? «Le sabotage du gazoduc norvégien ou une cyberattaque contre le port de Zeebruges», répond Claude Turmes. «Le degré de vigilance est élevé», tient-il à rassurer. Personne ne connaît pourtant les plans du Kremlin…

«Le moment critique arrive»

Il est bien trop tôt pour crier victoire. Si le Luxembourg a réussi, lors des deux premiers mois de la campagne d’économie d’énergie, à réduire solidement sa consommation de gaz, «le moment critique n’arrive que maintenant». Le ministre Claude Turmes renvoie vers les pics qui se situent d’ordre général en novembre, décembre, janvier, février et mars. «Sur la journée, ce ne sont pas l’industrie qui consomme le plus, mais bien les particuliers. En tête, on retrouve les bâtiments, où le besoin de chauffage monte en flèche lorsque les températures tombent», avance-t-il.

Le gouvernement souhaite éviter de devoir déclencher un des trois niveaux d’alerte prévus par le plan d’urgence (alerte précoce, alerte, urgence). Au pire, des mesures de réduction de la consommation seront rendues obligatoires par la loi. Pour l’instant, ramener la température des bâtiments publics à 20 °C ou la baisser dans les bassins de piscine se font sur base volontaire.

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