TOUR DE GUADELOUPE Vainqueur de la dernière étape, son premier succès pro, 6e du général, Ivan Centrone a des jambes de feu. Et compte bien en profiter.
Ivan Centrone n’est pas le coureur le plus chanceux de la terre : «C’est vrai que j’ai souvent la poisse», reconnaît celui qui porte cette saison les couleurs de la modeste équipe Geofco-Doltcini. Obligé de passer par la case opération à l’automne dernier pour soigner son artère iliaque (le même mal dont ont souffert Bob Jungels et Michel Ries), il a mis du temps à récupérer et retrouver une condition digne de ce nom.
En manque de courses, obligé de se débrouiller tout seul en passant par des kermesses, il avait retrouvé un peu le sourire à l’occasion de la Flèche du Sud, en participant notamment à une belle échappée et en signant un top 10 (6e) lors de la dernière étape. Il espérait profiter de cette forme lors du Tour de Belgique. Mais la guigne s’en est à nouveau mêlée : «J’ai été testé positif au covid le jour de la présentation. Je n’ai pas pu participer, j’ai raté une semaine d’entraînement avant les championnats et je ne savais même pas si j’allais y participer.»
Cela ne l’empêchera pas d’aller chercher une belle sixième place. Un bon présage. C’est donc en confiance qu’il s’est présenté au départ du Tour de Guadeloupe (5-14 août) : «Dès le début de la saison, on savait que l’équipe y participerait. J’avais coché cette course, je m’étais dit qu’il fallait que j’arrive en forme.» Et dès le prologue, qu’il termine 7e alors qu’il le dispute sans vélo de chrono, il sent que les jambes répondent bien : «Je suis à vingt secondes du vainqueur, donc je perds environ deux secondes au km. Avec les gains marginaux, j’ai vu que j’étais vraiment bien.»
Confirmation quelques jours plus tard : «C’était la quatrième étape, je suis parti à 6 km de l’arrivée et je me fais reprendre par le peloton à… 50 m de l’arrivée. Mais j’y ai cru jusqu’au bout!». Placé au général, il est même quatrième avant un gros chrono de 30,6 km. Il a donc tenté le coup : «On a récupéré un vélo de chrono, on nous a prêté une roue lenticulaire.» Seulement évidemment, ça ne pouvait pas se passer normalement : «J’ai eu une crevaison lente après 16 km. J’ai attendu d’être vraiment à plat pour m’arrêter après 24 km. À ce moment, Bennett (NDLR : Stéfan, vainqueur sortant et auteur du doublé sur ce Tour de la Guadeloupe) arrivait par l’arrière. Comme on n’a pas de vrai porte-vélo, ça a mis du temps pour récupérer un vélo, bref, c’était le bordel», résume Ivan Centrone.
«Je n’ai jamais gueulé aussi fort de ma vie!»
Redescendu à la 7e place au général, il va vivre une neuvième et avant-dernière étape compliquée au cours de laquelle il fera pratiquement 120 km tout seul avant de terminer 11e à 9’25″ du vainqueur, le Canadien Robin Plamondon.
Mais le meilleur restait encore à venir. Lors de la dernière étape, le Luxembourgeois de 26 ans avait décidé de prendre ses responsabilités : «On est d’abord partis à la pédale à deux. Ensuite, on s’est retrouvés à six ou sept. Sur le circuit final, je place une nouvelle attaque et on n’est plus que trois. On se dit qu’on allait au bout, qu’on ne faisait pas de bêtises et qu’on s’expliquerait dans le final.» Et c’est Ivan Centrone qui a le dernier mot : «Le peloton est revenu très proche, mais j’ai réussi à faire le dernier jump pour aller chercher la victoire.» Un premier succès pro qui l’a rendu extatique : «Je n’ai jamais gueulé aussi fort de ma vie! Depuis la Flèche, je savais que j’étais en bonne forme, mais je n’avais pas encore eu l’opportunité de le montrer. J’ai su la saisir sur cette dernière étape.» La récompense d’une vie de labeur et de sacrifice pour le coureur grand-ducal : «C’est une vie de boulot qui est récompensée sur cette journée et j’espère que c’est le début.»
En fin de contrat à l’issue de la saison, Ivan Centrone s’est fixé l’objectif de passer pro à l’issue de cette saison… ou de raccrocher définitivement : «J’ai 26 ans. Ce n’est pas évident financièrement, je dois m’autofinancer. Et à un moment, il faut que l’argent rentre. C’est un sport très dur. Je vis dans le sacrifice. Il faut être honnête avec soi : soit ça paie, on performe et on continue. Soit on passe à autre chose. Je veux vraiment trouver un vrai contrat pro.»
Forcément une victoire pro au palmarès peut faire avancer les choses. Mais le principal intéressé ne veut pas s’arrêter en si bon chemin : «Je vais participer à quelques 1.1 en Belgique. Mais le but principal, c’est le Tour de Luxembourg. Depuis la Flèche du Sud, je tanne Frank Schleck (NDLR : coordinateur sportif de la FSCL et impliqué dans le Tour de Luxembourg organisé par son frère Andy) pour faire partie de la sélection avec l’équipe nationale. Je lui ai dit « je vais en Guadeloupe, si je gagne une étape, tu fais une équipe? ». Je sais qu’avec ma forme, je peux viser très haut sur le Tour de Luxembourg. Ce serait le highlight d’arriver là-bas en bonne condition et d’en claquer une. J’espère vraiment qu’on arrivera à organiser un truc.»
Pour Ivan Centrone, ce sera soit le Tour de Luxembourg, soit… rien : «Ma saison ne va pas durer longtemps. On n’a pas eu beaucoup de courses et il y en a très peu en fin de saison. Quoi qu’il en soit, elle devrait s’arrêter aux alentours des dates du Tour de Luxembourg.» La balle est maintenant dans le camp de Frank Schleck…