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Everything Everywhere All at Once : un gros trip dans le métavers


Depuis que Mark Zuckerberg, le patron de Facebook, raconte que son grand rêve serait la création d’un métavers, l’idée fait son chemin et devient concrète.

Sur grand écran, récemment, l’intérêt pour ces mondes parallèles s’est manifesté particulièrement à deux reprises, pour un résultat inégal : d’abord avec Spider-Man : New Generation (2018), film d’animation hautement inspiré dans lequel l’hommearaignée se retrouve confronté à plusieurs autres variantes… de lui-même – deux suites sont programmées pour 2023 et 2024. Ensuite avec la saga Doctor Strange, où Benedict Cumberbatch mime des mouvements de tai-chi pour pourfendre ses adversaires à coups d’images de synthèse…

Pour un tel sujet aux multiples possibilités, c’est triste. Mais contrairement à la franchise Marvel, Daniel Scheinert et Daniel Kwan (surnommés Les Daniels) ne manquent ni d’audace ni d’imagination. Deux attributs que l’on retrouve dans leur premier film commun, Swiss Army Man (2016), avec un Paul Dano suicidaire qui fait équipe sur une île déserte avec Daniel Radcliff dans le rôle… d’un cadavre! Preuve que le tandem ne recule devant rien et Everything Everywhere All at Once en est une stupéfiante démonstration.

Pourtant, tout commence avec l’histoire banale d’Evelyn Wang (Michelle Yeoh, la reine du cinéma d’action asiatique, vue dans Tigre et Dragon), mère de famille à bout de nerfs. Branchée sur 4 000 volts, elle voit autour d’elle sa famille se déliter. Son mari demande le divorce. Son père, revenu de Chine, réclame toute son attention. Et sa fille compte affirmer son homosexualité au bras de sa compagne. Il y a aussi cette laverie automatique à gérer et ce contrôle fiscal à subir, qui pourrait tout leur faire perdre. Coincée entre les papiers qui s’accumulent sur la table, les clients à satisfaire et les nouilles à préparer, elle n’en peut plus. «J’ai la tête qui va exploser!», reconnaît-elle.

C’est là, alors que les ennuis la plombent, qu’il convient de s’accrocher : elle tombe en effet nez à nez avec une version alternative de son époux, appelé Alpha Waymond. Il lui révèle que «chaque décision» que l’on prend ouvre de multiples chemins parallèles, comme autant d’existences différentes que l’on aurait pu mener. Dès lors, toutes les expériences et les savoirs accumulés cohabitent en nous. Il suffit de savoir aller les chercher… Cela devient une nécessité quand elle apprend qu’elle est la seule à pouvoir sauver le monde des forces obscures et, au passage, à préserver sa famille. «L’univers est bien plus grand que tu ne l’imagines», confirme sa fille, devenue alors une puissante rivale. «C’est complètement fou!», lui répond-elle, un brin secouée. Et elle est encore loin de la vérité…

Avec son titre (que l’on pourrait traduire par «tout, partout et en même temps»), Everything Everywhere All at Once ne cache pas ses ambitions : s’amuser du métavers comme personne ne l’avait fait jusque-là, dans une liberté plusieurs fois rappelée dans le film : «Ici, on peut faire ce que l’on veut, plus rien n’a d’importance!» Une philosophie appliquée au pied de la lettre, avec un film qui, sorti dans l’anonymat en mars aux États-Unis, va connaître le succès : il a aujourd’hui son diminutif («EEAAO» pour les intimes) et pourrait finir 2022 comme la production la plus rentable. Pourquoi? Parce que Les Daniels se lâchent dans un trip qui joue, comme son héroïne, sur plusieurs tableaux : la comédie (parfois trash), l’action pure (en mode kung-fu), la SF (à la Matrix) et le drame social.

Tout ici tient du délire : il y a ces actions improbables à effectuer pour faire un saut à travers l’espace-temps (manger du baume à lèvres, se faire pipi dessus…). Il y a aussi ces mondes parallèles dans lesquels est projetée Michelle Yeoh, où elle se retrouve cuisinière, maîtresse en arts martiaux, actrice, amante aux doigts remplacés par des hot-dogs (eh oui) et même en gros caillou! Face à ces incarnations, une mention spéciale revient à Jamie Lee Curtis, notamment pour son rôle de vieille inspectrice aigrie à l’affreux sous-pull jaune moutarde…

Des sœurs Wachowski à Wong Kar-Wai, de Bruce Lee au cinéma des «eighties», les références fusent comme les absurdités : un sac banane devenu nunchaku, un bagel sacré, un cuisinier inspiré de Ratatouille… Ça fait quand même beaucoup pour parler, au bout du compte, de l’importance de prendre sa vie en main tout en se tournant vers les autres. Après plus de deux heures intenses et folles, on sort en effet rincé, comme passé dans une machine à laver des Wang. Avec en tête, toutefois, l’idée qu’un tel ovni pourrait devenir une référence. Dans un monde parallèle?

Everything Everywhere All at Once de Daniel Scheinert et Daniel Kwan

avec Michelle Yeoh, Ke Huy Quan, Jamie Lee Curtis…

Genre action / comédie

Durée 2 h 19

 

Ici, on peut faire ce que l’on veut, plus rien n’a d’importance!