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Un hommage au vivre-ensemble à la synagogue de Luxembourg


Des paroles fortes ont été prononcées hier à la synagogue de Luxembourg, en mémoire des dix-sept personnes assassinées à Paris, en présence des représentants des cultes musulman, protestant et catholique.

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À l’appel de la communauté juive, les responsables politiques et religieux du pays étaient réunis hier soir à la synagogue de Luxembourg pour condamner une nouvelle fois les attentats de Paris. (Photo : Hervé Montaigu)

« On ne tue pas pour une idéologie, on ne tue pas pour des dessins. C’est un acte barbare, inacceptable », s’indigne Danièle, 20 ans, autour de ses camarades des scouts juifs du Luxembourg, quelques minutes avant d’allumer dix-sept bougies en mémoire des victimes des attentats de Paris, sur l’autel de la synagogue de Luxembourg.

Hier soir, la communauté juive du pays avait invité chacun, sans distinction de religion, à une cérémonie de solidarité face à « l’obscurantisme » qui « menace nos démocraties ». Une façon de prolonger les rassemblements du week-end dernier. Un office simple d’une petite demi-heure, qui a notamment réuni les représentants des communautés religieuses du pays autour de valeurs universelles. « Je suis là pour la paix », glisse ainsi sœur Régina, religieuse catholique à l’HPPA de Belair, au moment d’entrer dans la synagogue.

À l’heure des prises de parole, sobres mais fortes, des mots ont été mis sur « l’après », comme un plaidoyer en faveur du vivre-ensemble. Claude Marx, président du Consistoire israélite de Luxembourg a évoqué en ce sens « une nouvelle guerre qui doit être menée solidairement par tous les États », en refusant – « sans aucun compromis » – les « conflits communautaristes » qui opposent « les composantes de notre société ».

Présent dimanche à Paris à une marche qui l’a « impressionné », le Premier ministre, Xavier Bettel, a appelé hier soir à ce qu’une telle manifestation « qui mobilise des millions de gens » ne soit « pas oubliée dès le lendemain ». « N’oublions pas que le fait de reprocher à l’autre d’être différent est à l’origine de la Seconde Guerre mondiale, dont nous célébrerons cette année les 70 ans de l’armistice », a rappelé le chef du gouvernement, se définissant comme le « Premier ministre d’un pays où la différence fait notre force ». « Vouloir confondre islam et islamisme serait donner raison à ceux qui veulent nous diviser », a ajouté Xavier Bettel, pour qui « l’éducation » est le meilleur rempart face aux germes du terrorisme.

> « C’est l’ignorance qui permet les amalgames »

« Il est temps d’entrer en résistance, sans transiger, face à la haine, aux amalgames, au découragement », a poursuivi le pasteur protestant Volker Strauss, soulagé de voir « des gens qui se lèvent au lieu d’être anéantis ». « Gardons-nous des discours exaltant les peurs. La fraternité est la seule voie possible. Au bout du compte, nous gagnerons. »

Le grand rabbin Alain Nacach a, de son côté, fait sienne l’affirmation selon laquelle « la force d’une religion se mesure à sa capacité de rire d’elle-même ». Mais d’appeler à un sursaut collectif : « Le politiquement correct nous tue littéralement. En sortir est la seule issue. Chacun d’entre nous doit avoir le courage de définir les choses sans ambigüité. »

Sur les bancs de la synagogue, hier soir, les représentants de la communauté musulmane du pays ont tenu à « répondre à l’appel et à participer au deuil après ces événements tragiques ». L’occasion pour Jean-Luc Karleskind, vice-président de la Shoura, kippa sur la tête hier soir, d’adresser un message clair : « Nous condamnons sans aucune réserve ce qui a été fait à Paris. C’est inacceptable. C’est d’autant plus inacceptable que cela a été fait au nom de Dieu. » Une condamnation « évidente » mais qui « n’a pas été assez entendue », selon le représentant des musulmans du Luxembourg.

À ses côtés, Claudio Clori, président du centre culturel islamique de Mamer, renchérit : « Il n’y a absolument aucune zone d’ombre. Aucune religion ne pousse à commettre de tels actes. » Regardant l’avenir, il ajoute : « On doit faire confiance à l’intelligence de l’être humain. C’est l’ignorance qui pousse à faire des amalgames. Il y a des efforts à faire sur l’éducation, pour le vivre-ensemble, la tolérance. Se connaître l’un l’autre, c’est important et c’est le sens des cours sur les religions et du dialogue inter-religieux, qu’il faut accentuer. »

Représentant l’archevêque du Luxembourg, Erny Gillen, vicaire général de l’Église catholique du Grand-Duché, ne dit pas autre chose : « Ce soir, nous sommes tous juifs, tous chrétiens, tous musulmans. Nous sommes des hommes. Nous diviser serait diviser l’humain. Il n’y en a pas un qui soit meilleur ou pire. Il faut dire les choses telles qu’elles sont : la violence n’a rien à voir avec les religions. »

De notre journaliste Sylvain Amiotte