Espace de recherche, d’expérimentation et de soutien de la jeune création, le Casino Display s’intègrera, à la rentrée, au cursus scolaire d’étudiants et jeunes diplômés. Dès septembre, une «classe» de six élèves bénéficiera ainsi de ses largesses.
Depuis 18 mois et son ouverture en lieu et place de l’historique galerie du Konschthaus Beim Engel, le Casino Display s’en tient à sa philosophie, inscrite à même sa porte : être un lieu de «travail, de recherche, d’échange et d’orientation» qui promeut et soutient «les jeunes créatifs d’aujourd’hui et de demain». Une doctrine louable et nécessaire qui s’est concrétisée sur plusieurs points : d’abord à travers des résidences d’artistes qui, sur place, laissent libre cours à leur imagination, sans pression, ni obligation de résultat. Ensuite par des rencontres et échanges avec les écoles d’art de la Grande Région, dont quatre «partenaires» principaux : l’Ensad (Nancy), la HEAR (Strasbourg/Mulhouse), la HBKsaar (Sarrebruck) et l’ÉSAL (Metz/ Épinal).
Un îlot de liberté voulu et dessiné par son grand frère du Casino afin de répondre aux problématiques propres au milieu : soit favoriser les contacts avec le milieu de l’art et aider les jeunes artistes à trouver des débouchés – d’autant plus utile face aux maigres perspectives offertes par le Luxembourg. Et parallèlement, donner aux écoles, confrontées à de fortes contraintes administratives et structurelles, un espace indépendant de travail, de recherche et d’exposition. «Elles ont un vrai intérêt pour cela, mais elles se heurtent à certaines limites», confirme Claire Buchler, coordinatrice d’un nouveau projet qui répond à la question lâchée par Kevin Muhlen, directeur du Casino : «Comment participer de manière plus directe à cet échange et ne pas être seulement un lieu d’accueil?».
«Un cursus indirect, supplémentaire»
La réponse est évidente : «En devenant acteur!». Ainsi, dès septembre, le Casino Display va évoluer vers quelque chose de plus «pédagogique», tout en restant «alternatif», continuant de privilégier une démarche axée sur la «recherche et la production de connaissances». Concrètement, six étudiants, recrutés après un appel à candidatures, participeront à trois semaines d’activité (une en septembre, une en novembre et en février), composées de séminaires et d’ateliers animés par des intervenants internationaux. «Un cursus indirect, supplémentaire», explique la coordinatrice, dont les «thématiques plus vastes» viendraient «enrichir leur exploration artistique». Celle retenue pour cette première rentrée scolaire reste clairement dans le ton : soit l’inconnu et la notion de flou ou d’imprécision comme moteur de recherche.
Afin de rendre concret toutes ces intentions, à la fin de chaque semaine de formation sera organisée un «open lab» durant lequel le public sera amené à découvrir le résultat de ces expériences préliminaires. Mieux, une documentation continue, suivie d’une publication dédiée à ces rencontres et ces réflexions seront gérées par l’Institut Page, cellule de l’école d’art de Nancy, qui traite de l’édition. Reste une seule inconnue au milieu de ces ébauches d’idées et concepts esquissés : ce que vont faire les étudiants (ou jeunes diplômés) de ce lieu : «Il leur est entièrement réservé, insiste Claire Buchler. On ne sait pas ce qu’ils vont faire!».
«L’important, c’est le processus, pas le résultat»
D’ailleurs, le Casino Display restera en état après leurs différents passages car «ce qui est important, c’est le processus, pas le résultat!», ajoute-t-elle. Au point, selon Kevin Muhlen, de voir le lieu comme une sorte «d’électron libre, malléable en fonction des besoins et des envies». Ce laboratoire a en tout cas un double mérite : il donne aux jeunes créateurs la possibilité d’aborder la recherche artistique par un «engagement pratique» avec le matériau, la matière ou l’objet d’étude, loin de la théorie pure ou des cours universitaires. «En tant que lieu en dehors de l’école, il leur permet de développer une autre méthode de travail», continue-t-elle, sachant qu’aujourd’hui, selon elle, «la théorie et la pratique sont de plus en plus liées», et dans ce sens, l’exploration artistique doit prendre «une part importante».
Il offre également une transition quasi vitale pour les jeunes diplômés ayant fraîchement quitté les bancs d’école. «La pratique personnelle, c’est là qu’elle se met en place! On peut vite tomber dans un trou», précise Lynn Klemmer, en résidence depuis le mois de mars au Casino Display. Dépourvue d’atelier, l’artiste de 28 ans, née à Luxembourg et formée à l’école nationale d’art de Dublin a justement, sur place, expérimenté de nouvelles pratiques comme en témoigne sa première exposition («I will not return to a universe of objects that don’t know each other»). «Ici, ils peuvent élargir leur palette», enchaîne Claire Buchler, surtout si leur pratique est «transdisciplinaire».
«Planter une graine et voir comment elle évolue»
Cela dit, comme le reconnaît Kevin Muhlen, «on n’a pas réinventé la roue!». À preuve, à l’époque, le Casino avait déjà mis en place un programme intitulé «Art Workshop», qui «partait sur le même principe» – en l’occurrence, une résidence d’une semaine avec conférences, rencontres et exposition à la clé. Sans oublier les autres «modèles» du genre, bien moins modestes et bien plus implantés, comme celui de l’Institut des hautes études en arts plastiques à Paris (Iheap) ou ceux post-diplômes d’Amsterdam ou de Gand. Ce qui fait dire au directeur du Casino : «Il faut bien démarrer à un moment… et quelque part! On a un lieu qui a du potentiel : à nous alors de proposer une nouvelle dynamique et de forger notre propre identité!».
Toutefois, derrière ces généralités, il y a une vraie préoccupation : comment ce programme peut-il s’intégrer dans l’écosystème local? En somme, comment le Luxembourg peut-il en profiter? Selon Kevin Muhlen, les possibilités sont multiples, comme le racontent les expériences concluantes en Belgique ou aux Pays-Bas, mais il faudra se donner du temps, «deux ou trois ans», selon lui. Car la liberté a un prix, simplement… «On n’a pas voulu ancrer ça dans quelque chose de trop formel. Car dès que l’on va dans cette direction, il y a une tonne de choses à cadrer, à la fois administratives, académiques et financières.» Il prend ainsi pour exemple les récentes discussions qu’il a menées avec le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. «On a tout de suite senti qu’il fallait respecter des cahiers de charge. Si on s’était engagé sur cette voie-là, le projet aurait mis dix ans pour démarrer!», précisant ne pas vouloir «plonger sans expérience dans ces méandres». Non, son idée est autre, et pourrait assez bien définir ce qu’est l’acte de recherche artistique : «Planter une graine et voir comment elle évolue.».
www.casino-display.lu
«I will not return to a universe
of objects that don’t know each
other», de Lynn Klemmer.
Jusqu’au 6 août.