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Thionville : une enseignante porte plainte contre un enfant de 4 ans


L'enseignante et les parents de l'enfant ont rendez-vous le 22 septembre devant la Chambre civile du tribunal de grande instance de Thionville. (photo : Google Maps)

Une enseignante est en arrêt de travail depuis qu’un enfant a sauté sur ses jambes. Elle réclame réparation devant le tribunal de Thionville.

D’un point de vue juridique, cela apparaît simple. D’un point de vue humain, l’histoire est une souffrance. C’est celle d’un accident dans une classe qui cristallise, depuis plusieurs mois, les tensions entre une enseignante de maternelle et les parents d’un enfant de quatre ans. Ils ont rendez-vous le 22 septembre devant la Chambre civile du tribunal de grande instance de Thionville.

Le début. Le 17 octobre 2014, la maîtresse est assise, dans un coin de la classe de moyenne section quand, brusquement, Nathanaël s’élance vers elle. «Peut-être pour lui faire un câlin», confie dans une attestation son assistante maternelle. L’enfant saute sur les jambes croisées de l’adulte. Qui ressent de fortes douleurs, notamment au niveau du bassin.

L’enseignante est, depuis ce jour, en arrêt maladie. D’après le dernier certificat médical, elle ne reprendra pas avant novembre. Sans qu’un médecin mette pour l’instant de nom à ce mal qui la force à marcher avec des béquilles et l’empêche de conduire un véhicule. L’inspection académique a classé l’épisode en accident du travail.

De façon très classique, la maîtresse a lancé une procédure en responsabilité civile. Et s’est retournée vers l’assurance des parents du petit Nathanaël. En tant que représentant légal, ils sont responsables des actes de leur enfant, même si aucune faute ne lui est imputée.

En juin, nouveau courrier. Cette fois, l’enseignante assigne l’assurance et les parents devant le tribunal pour obtenir une expertise médicale. Elle réclame aussi une provision de 20 000 euros à valoir sur son préjudice définitif. « Cela a agi chez nous comme un déclic », assure aujourd’hui Cathy, la maman de l’enfant. « On s’est demandé jusqu’où tout ça pouvait aller…» Les parents auraient pu laisser leur assurance traiter le dossier. « Mais on a décidé de contester les demandes, parce qu’on a l’impression, dans cette affaire, qu’on se sert du handicap de notre fils », poursuit-elle dans un long sanglot.

«Il a 4 ans et pèse 18 kilos»

Nathanaël souffre de troubles de l’attention et d’hyperactivité. L’enfant est agité. « Mais très attachant », disent ses proches. Il est virulent, capable parfois de gestes « brutaux, c’est vrai », reconnaît sa maman. Il est suivi, encadré au quotidien pour l’aider. Ses parents ont reçu cette assignation comme une attaque qui stigmatise les difficultés de leur enfant.

« Et ça, on ne peut pas l’accepter. On met nos enfants à l’école en faisant confiance aux enseignants à qui on les confie. Et ensuite, on le fait passer pour dangereux. Il a quatre ans, pèse 18 kilos… »

Dans ses écritures, l’avocate de la famille évoque une procédure abusive. Elle s’appuie sur des témoins qui mettent en doute la véracité des blessures de l’enseignante. « Pourtant, un médecin expert lui a octroyé le statut de protection des fonctionnaires. Cela apparaît clair », rétorque le bâtonnier Marc Hellenbrand, avocat de l’enseignante (lire ci-dessous).

Pour les parents de l’enfant, le sujet dépasse désormais le cadre strict du tribunal. «On se doit de protéger notre enfant. On veut éviter qu’on utilise ses problèmes à des fins personnelles.»

Kevin Grethen (Le Républicain lorrain)

« Aucune rancœur »

De cette affaire d’accident à l’école transpire beaucoup d’incompréhension. Des parents de l’enfant concerné, qui s’interrogent sur l’ampleur des demandes de l’enseignante. Incompréhension aussi pour cette maîtresse qui «souffre énormément», selon son avocat, et qui se demande pourquoi «les parents de l’élève sollicitent des attestations pour la mettre en doute». «La demande de ma cliente est de plein droit», réagit Me Marc Hellenbrand.

«Les faits ont été classés comme accident de travail. Elle réclame aujourd’hui la réparation du préjudice subi, cela apparaît tout à fait normal.» Le bâtonnier thionvillois insiste sur une chose : «Il n’y a aucune rancœur envers l’enfant. L’enseignante aurait pu porter plainte, elle ne l’a pas fait. Il y a, je crois, une réelle méprise sur le sens de sa démarche. Elle est en arrêt maladie depuis près d’un an quand même. Qu’importe ce qui est arrivé ce fameux 17 octobre, ce n’est même pas la question. Mais il y a un préjudice certain. Les conséquences physiques ne sont pas encore consolidées, c’est pourquoi ce préjudice ne peut pas être établi.»

Un expert nommé par le tribunal de Thionville devrait aider à y voir plus clair.

K. G. (Le Républicain lorrain)