Angèle, princesse belge de la pop, admet «la pression» d’un deuxième album qu’elle défend actuellement sur scène, portée par l’«euphorie» des festivals.
Après le succès de son premier opus, Brol (1,5 million d’exemplaires vendus), on pouvait penser que la chanteuse se voyait à 26 ans comme établie. Mais la pochette de son second disque, Nonante-Cinq (sa date de naissance), qui la montre dans un grand huit, livre déjà un indice sur un vécu plus complexe. «Il y a plus de doute qu’avant», confie Angèle. À ses débuts, elle fonçait «un peu tête baissée, quoi qu’il arrive». «Mon retour avec Nonante-Cinq a été vu comme celui d’une grande artiste confirmée : c’est très flatteur, mais très flippant.» «Comme si je n’avais pas le droit à l’erreur, alors qu’en fait c’est seulement mon deuxième album, ma deuxième tournée.»
«Le premier album a placé la barre super haut, les ventes, c’était indécent. Mais je n’avais pas forcément la recette, des choses m’ont échappé», déroule cette enfant de la balle, dont la mère, Laurence Bibot, est comédienne, le père, Marka, est chanteur, et le frère, Roméo Elvis, est rappeur. Le doute est donc «toujours là, bien installé». Mais elle apprend «à travailler autour de la confiance, de la légitimité, à essayer de comprendre pourquoi le doute a sa place». «Le doute fait avancer», souffle-t-elle.
«Addict» aux réseaux
Elle questionne aussi «la place trop importante» des réseaux sociaux dans sa vie. L’artiste y est née, postant des reprises d’autres artistes au tout début. Sa notoriété s’est nourrie d’une exposition exponentielle. Mais l’autrice-compositrice en paye ensuite le prix, adulée ou détestée par vagues dans ce «vortex de plus en plus puissant». «J’ai appris à me protéger, avant je n’avais aucune conscience de ce que je montrais, notamment pour ma vie privée. Maintenant, j’ai mis des limites, mais je n’ai pas encore la force mentale de m’en extirper.» Elle se décrit «addict» : «Parfois, ce n’est pas moi qui commande, c’est mon corps qui prend le téléphone. Je dois m’astreindre à une discipline face à ça.»
«Avec les réseaux sociaux, l’engouement positif ou négatif prend le pas sur la réalité», ajoute-t-elle. Angèle a pu en parler avec la superstar britannique Dua Lipa, avec qui elle a enregistré le duo Fever, sorti à l’automne 2020. «Ayant le même âge, étant deux femmes repérées assez jeunes grâce aux réseaux, très adorées et très critiquées, à des échelles différentes, ça me rassure qu’une artiste comme elle soit face aux mêmes craintes que moi.»
Retour aux festivals
Même si Nonante-Cinq est plus introspectif et mélancolique que Brol, plus festif, le lien avec le public est toujours là en concert. Les spectateurs sont restés tard dans la nuit de jeudi à vendredi pour reprendre à tue-tête ses hits à l’Aluna Festival, à Ruoms (Ardèche). On imagine qu’il en sera de même lors de ses passages, courant juillet, au festival Europavox de Clermont-Ferrand, aux Francofolies de La Rochelle ou à l’incontournable festival de Dour, en Belgique.
L’interprète du tube Balance ton quoi est ravie de replonger dans les festivals d’été et cette «euphorie que tu ressens dans le public et sur scène». Elle y avait goûté comme simple festivalière à 17 ans, avec sa meilleure copine au festival belge Pukkelpop, en mode «nuits sous la tente, sur place autant pour la musique que pour la fête». Devenue artiste, son premier grand festival fut We Love Green, en 2018, à Paris. Elle s’attendait tout au plus à mille personnes. «Je tourne la tête, c’était rempli!» Soit plus de 30 000 personnes. «C’était catastrophique, rien n’allait, mon pantalon tombait, mon boîtier (NDLR : micro) ne tenait pas», rit-elle aujourd’hui. Vue du public, elle convainc à l’époque, sans album encore sorti.
Accompagnée par groupe et danseurs, son show est désormais rodé, entre «chansons calmes» et celles pour «embarquer» le public. Comme la première du concert, Plus de sens, qui colle «au retour du public» après deux saisons rognées par la crise sanitaire.