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Automobile : en route vers le «zéro émission»


La révolution de la mobilité verte va peu à peu se concrétiser ces prochaines années.  (Photo : archives lq/didier sylvestre)

C’est décidé. Le Parlement européen a approuvé le texte interdisant la commercialisation des voitures avec des moteurs thermiques (même les hybrides) à partir de 2035.

À quoi ressembleront les routes européennes en 2035, quand 100 % des véhicules neufs devront être «zéro émission», selon un texte adopté par le Parlement européen mercredi ? Automobilistes – et industriels – devront changer leurs habitudes face à cette révolution automobile. Après des mois de débats et d’intense lobbying, les eurodéputés ont voté la fin des ventes de voitures (neuves) à essence, diesel et hybrides en 2035. De facto, seules les voitures électriques pourront être vendues, hors marché d’occasion.

Les véhicules à essence et diesel pourront quoi qu’il arrive toujours rouler dans l’UE après 2035. La loi concerne seulement la vente de véhicules neufs. L’Europe sera le premier marché majeur à basculer devant la Chine et les États-Unis, mais la Norvège a déjà fixé une date butoir en 2025 et Israël en 2030. Sous l’effet des normes européennes, de subventions publiques et de la multiplication de l’offre en hybrides et électriques, les véhicules à essence reculent déjà. Ce qui a surtout profité aux hybrides légères (essence et diesel), qui représentaient un quart des ventes européennes au premier trimestre 2022. Les hybrides rechargeables représentaient 8,9 % du marché, et les électriques 10 % (+53,4 % sur un an).

Hybride ou électrique, la prochaine voiture d’une majorité d’européens

Plutôt haut de gamme pour le moment, elles sont de plus en plus nombreuses sur les routes hollandaises, suédoises ou allemandes, notamment. Mais elles sont loin d’être zéro émission, leurs émissions étant même comparables ou pires que celles d’une voiture à essence si leur propriétaire ne les recharge pas. Une majorité d’Européens pense désormais que sa prochaine voiture sera hybride ou électrique, selon un sondage de la Banque européenne d’investissement. Reste une grande question : «Qu’est ce qui va pousser un foyer à passer à deux véhicules électriques?», lance Eric Kirstetter, du cabinet Roland Berger. «Les gens vont probablement s’accrocher à un véhicule à combustion par crainte des trajets du week-end ou des vacances.»

L’auto, un produit de luxe?

Les prix des voitures électriques, aujourd’hui bien plus élevés que ceux des thermiques, pourraient baisser assez vite à mesure qu’elles sont produites en masse, et que le coût des batteries baisse. Le groupe Stellantis (Peugeot, Fiat…) estimait début 2022 que la parité pourrait être atteinte entre 2025 et 2030, mais les prix de nombreuses matières ont explosé depuis. «L’électrique restera structurellement assez coûteux pendant un moment. On va vers un marché qui s’adresse de plus en plus à des gens qui ont plus de moyens», prévient Eric Kirstetter. Sur le marché de l’occasion, qui concerne la plupart des automobilistes, les modèles électriques commencent aussi à se multiplier. De l’autre côté, le prix des voitures thermiques devrait augmenter avec des malus gouvernementaux croissants. Des thermiques pourraient alors connaître un effet d’aubaine sur le marché de l’occasion, selon Eric Kirstetter.

« Une opportunité inédite »

France, Allemagne, Espagne, Italie… Dans chacun de ces pays, l’industrie automobile représente une part importante des emplois industriels. Mais la fabrication de véhicules électriques nécessitant moins de main-d’œuvre que les thermiques, la transition énergétique pourrait détruire de nombreux emplois, malgré l’implantation d’usines de batteries. En France, par exemple, le passage à l’électrique pourrait faire perdre 65 000 emplois sur les 200 000 que compte la filière, selon la plateforme de l’automobile (PFA).

Cette transition est également une «opportunité inédite» pour des start-up comme Tesla et pour les constructeurs chinois, soutenus par leur gouvernement et par un marché local en expansion, souligne Felipe Muoz du cabinet Jato. «Les véhicules électriques alimentés par de l’électricité bas carbone offrent le principal potentiel de décarbonation des transports terrestres, en analyse de cycle de vie», c’est-à-dire même en incluant la fabrication des batteries, soulignent les experts climat de l’ONU (GIEC). Sans gaz d’échappement, la voiture électrique ne pollue pas non plus l’air des centres-villes. Mais elle n’est n’est pas «verte» pour autant, car il faut produire l’électricité qui l’anime, ce qui est fait avec des centrales à charbon dans certains pays. Quant à la fabrication des batteries, ses composants principaux proviennent de l’extraction minière, dans des pays aux règles sociales souvent inexistantes ou lacunaires. Les extraire et les transformer crée de nouvelles dépendances stratégiques, à la Chine par exemple, et les recycler reste coûteux.

Des aides à prolonger selon les professionnels luxembourgeois

La House of Automobile, qui rassemble les professionnels de l’automobile au Luxembourg, a réagi à la décision du Parlement européen d’interdire complètement la vente de nouveaux véhicules émettant du CO2 à partir de 2035. La House of Automobile a indiqué par voie de communiqué soutenir toutes les initiatives ayant comme objectif la lutte contre le changement climatique et la pollution. «Maintenant que ces décisions ont été prises, nous appelons à ce que les mesures qui doivent encadrer la mise en application de cette stratégie au niveau national soient abordées avec une urgence certaine», ajoute l’association de professionnels.

Pour elle, il faut assurer que l’infrastructure de charge soit rapidement et significativement renforcée sur tout le territoire et ceci non seulement pour les bornes publiques, mais surtout pour les bornes privées et professionnelles. «Des investissements très significatifs et un programme de soutien seront nécessaires tant au Luxembourg, que dans les autres pays de l’Union européenne», estime-t-elle. Les professionnels poursuivent en estimant qu’il faudra tout faire pour garantir que la mobilité propre ne soit pas réservée à une population à revenus plus aisés, mettant à l’écart la partie de la population ayant des revenus plus modestes. Les véhicules électriques sont beaucoup plus chers que les véhicules thermiques. Pour la House of Automobile, «les aides étatiques pour l’acquisition d’un véhicule propre doivent s’inscrire dans la durée».