Elle enseigne depuis 14 ans selon les principes de la pédagogie inclusive. Un ovni dans l’univers scolaire luxembourgeois, un laboratoire de l’État quelque peu oublié. Et pourtant, ça marche.
Au dixième anniversaire de l’établissement expérimental de la rue des Maraîchers au Kirchberg, peu de politiques avaient fait le déplacement, même pas le ministre de l’Éducation nationale, Claude Meisch, qui s’était fait représenter. Hier, lors d’une interpellation de Déi Lénk consacrée aux inégalités scolaires, c’est la députée socialiste Francine Closener qui a rappelé ses pairs au bon souvenir du projet-pilote Eis Schoul, «un modèle qui fonctionne», dit-elle à la tribune de la Chambre des députés.
L’école est un ovni dans le monde de l’enseignement fondamental public. Un projet de l’ancienne ministre socialiste Mady Delvaux, qui a donné comme mission à l’établissement de développer de nouvelles formes d’apprentissage et d’enseignement, le tout en fonctionnant selon les principes d’une pédagogie inclusive.
Le bilinguisme au centre des apprentissages
«Dans cette école, dès le cycle trois, les élèves alternent chaque semaine la langue qu’ils utilisent dans toutes les matières, soit la semaine en français, soit la semaine en allemand, et c’est un succès apparemment», observe la députée. Ce n’est pas la seule particularité de l’Eis Schoul, où les enfants vivent ensemble en groupes multi-âges aussi bien dans les cycles scolaires qu’au sein de l’encadrement périscolaire. La langue d’alphabétisation reste l’allemand, mais tout bascule dans le bilinguisme après le cycle 2.
Tous les enfants sont acceptés dans leur diversité et apprennent, chacun à leur rythme, à devenir autonomes, responsables, capables d’interagir avec les autres et de faire valoir leur opinion tout en respectant celle d’autrui. «Découvrir la nature en français et en allemand, travailler à son rythme et s’éveiller à toutes les expressions artistiques, c’est fantastique», témoigne une maman dont les deux enfants sont scolarisés à l’Eis Schoul. Récemment, elle a assisté à un spectacle de théâtre des élèves du cycle 3, en français. «Ils avaient travaillé sur la pièce pendant un an et le résultat était époustouflant. Ces élèves étaient parfaitement à l’aise en français sans avoir jamais fait un cours de grammaire ou de vocabulaire», raconte la parente d’élève.
Les enfants disposent de deux ans pour travailler sur les livrets d’exercices. «Il y a des élèves qui sont au numéro 10, d’autres au numéro 15 sur les 25 livrets. Tous évoluent dans le même groupe, mais à des rythmes différents», explique la maman. L’équipe d’enseignants et d’éducateurs tient compte des besoins individuels de tous les enfants et assure leur participation à tous les aspects de la vie scolaire et périscolaire.
Une école privilégiée
L’établissement est privilégié en bénéficiant d’une équipe pluridisciplinaire qui lui permet d’accueillir des enfants à besoins spécifiques. «Ils ont un atelier de tambourin avec un musicien africain qui ne leur parle qu’en français et tout le monde joue, même le petit camarade autiste de la classe de mon fils», vante la maman.
Elle sait que c’est l’école idéale, mais qu’il faut des ressources qui n’existent sans doute pas pour en faire le modèle de l’enseignement fondamental. Cependant, elle aimerait avoir un bilan de cette expérience qui dure depuis 14 ans. «On entend des rumeurs, c’est moche, qui disent que les enfants issus de l’Eis Schoul ne savent pas apprendre par cœur au lycée par la suite, qu’ils ne sont pas habitués à travailler, ce qui est faux», regrette la maman.
Un bilan qui tarde à venir
Dans cette école particulière, «l’enfant apprend à structurer son langage et sa pensée, s’exprimer en public, argumenter et faire valoir son opinion au sein d’un conseil de classe et représenter son groupe au parlement des élèves. Il est régulièrement invité à participer à des représentations théâtrales, des sorties pédagogiques et des excursions», détaille le projet de l’école.
«Eis Schoul est une école primaire de recherche de l’État», indiquait le ministère de l’Éducation nationale lors de la présentation du projet en 2008. Elle porte sur les conditions de mise en place et de développement de pratiques inclusives et s’attache à cerner dans quelle mesure ces pratiques mènent à de meilleurs résultats dans les apprentissages. «Une attention particulière sera accordée aux conditions de transférabilité des pratiques développées», insistait le ministère.
Force est de constater que le bilan de ce projet-pilote tarde à venir, alors qu’un volet particulier de la recherche porte sur l’utilisation et l’apprentissage des langues à l’école, et le développement de nouvelles pratiques. Qui visiblement marchent très bien.
Il est toujours étonnant que des écoles « expérimentales » ayant un succès reconnu, soient ignorées des pouvoirs publics. C’est comme si la recherche n’avait pas sa place dans les sciences de l’éducation.
L’ignorance coupable des hommes et femmes politiques handicapent profondément toute évolution du système éducatif. C’est comme si, en médecine, on se contentait des remèdes moyenâgeux!
Un jour nous aurons honte du peu de considération accordée à la recherche en matière d’éducation par les responsables des pays.