Sous le feu des critiques de l’opposition qui lui reproche de privilégier la répression au détriment de la prévention, le collège échevinal détaille les actions sociales mises en œuvre pour lutter contre l’insécurité.
Alors que le premier échevin, Serge Wilmes, détaillait hier, dans nos colonnes, les modalités du nouveau contrat conclu entre la Ville de Luxembourg et une société de sécurité privée pour assurer la «surveillance mobile» de la Ville-Haute dès le 1er juillet, des partis d’opposition dénonçaient le manque de mesures sociales et préventives dans la politique du DP-CSV.
Pour en savoir plus sur les actions concrètes et les moyens mis en œuvre par la Ville dans le volet social en lien avec le dossier de l’insécurité, nous avons demandé à Maurice Bauer, échevin en charge de ces questions, de présenter ce qui a été réalisé ces dernières années et les projets futurs.
Sur quoi le collège échevinal mise-t-il pour réduire l’insécurité ?
Maurice Bauer : Nos actions comportent plusieurs niveaux, dont un répressif, mais aussi du travail social sur le terrain, en collaboration avec trois acteurs majeurs du travail communautaire au Luxembourg, avec lesquels nous avons des conventions : la Croix-Rouge, Caritas et Inter-Actions.
Au total, cela représente 18,5 postes de streetworkers qui couvrent la capitale. Leur job est d’aller au contact, d’assister les personnes démunies et vulnérables en fonction de leurs besoins, que ce soit un lit pour la nuit, un endroit sécurisé où consommer de la drogue, de l’aide pour des démarches administratives, etc. Un service qui existe depuis une vingtaine d’années et qui cible en priorité les personnes sans abri et les toxicomanes.
Deux foyers de jour sont également à disposition des personnes sans abri : elles peuvent s’y retrouver et il est permis d’y consommer de l’alcool. Le bistrot social Courage, au Dernier sol, et le refuge Am Haff, rue Willy Goergen.
Comment le service «À vos côtés» s’insère-t-il dans ce dispositif ?
C’est un complément aux streetworkers qui a été mis en place à la suite d’échanges avec les habitants. Il s’agit d’un service de médiation qui s’adresse aux citoyens, les gens qui habitent ou travaillent dans le quartier. On l’avait mis en place à la Gare d’abord, puis à Bonnevoie, et depuis une quinzaine de jours, dans la Ville-Haute, car il y a un besoin de présence.
Les personnes âgées peuvent faire appel à ce service pour qu’on les accompagne faire des courses, les équipes se tiennent aussi à la sortie des lycées pour éviter les dealers ou rassurent des travailleurs qui vont prendre leur bus à la nuit tombée. En tout, nous investissons 3,5 millions d’euros par an pour le travail social assuré par les streetworkers et À vos côtés.
Nous investissons 3,5 millions d’euros par an pour le travail social
Comment évaluez-vous l’efficacité de ces actions ?
Deux fois par mois, une plateforme regroupant tous les acteurs impliqués se réunit pour faire un point de situation, évaluer les besoins et repérer les phénomènes nouveaux. Ces dernières années, nous avons ainsi sans cesse revu à la hausse les effectifs des streetworkers car les besoins ont augmenté.
Selon les Verts, l’Abrigado – structure de consommation de drogue – serait trop grand pour le quartier Gare : ils plaident pour une décentralisation. Est-ce une piste envisagée ?
Je ne comprends pas leurs critiques, qui laissent entendre qu’on ne fait pas grand-chose au niveau social. D’abord, il y a deux ou trois ans, nous avons étendu les horaires d’ouverture de l’Abrigado pour permettre aux toxicomanes d’y accéder plus facilement. Ensuite, on en parle toujours comme d’une source de nuisances, alors que c’est une solution, un élément valorisant pour notre politique de lutte contre la drogue : ce type de centre est unique dans la Grande Région.
Avant ça, les toxicomanes se retrouvaient dans toutes les rues du quartier, et il y avait de nombreuses overdoses. Là, le cadre est sécurisé et un encadrement médical est disponible pour ceux qui souhaitent sortir de la dépendance.
Qu’en est-il du housing first, cette approche qui consiste à loger les personnes vulnérables en vue d’un nouveau départ, également défendue par l’opposition ?
Nous savons que le logement est le premier pas pour stabiliser une situation personnelle critique. C’est pourquoi une convention est en cours avec le CNDS qui gère l’Abrigado pour la mise à disposition de quatre chambres dédiées au housing first.
Ces efforts vont-ils se poursuivre dans les années à venir ?
Absolument. Le travail social sur le terrain va perdurer, et parmi nos projets, on peut citer une nouvelle structure, similaire à l’Abrigado, qui sera réservée aux femmes. Elles représentent environ 20 % des 200 toxicomanes accueillis chaque jour au centre. Des discussions sont en cours avec le ministère pour voir où l’implanter. Parallèlement, on aimerait aussi ouvrir un endroit où les toxicomanes pourraient accéder à un traitement de substitution sans passer par l’Abrigado.
Un lien de confiance avec la population
Lancé fin 2020, le service «À vos côtés» d’Inter-Actions déployé dans le quartier Gare a été étendu en mai 2021 à Bonnevoie. Alors que les habitants dénonçaient, au-delà d’une insécurité permanente, des problèmes d’hygiène, de trafic de drogues et de vandalisme, les médiateurs et éducateurs, présents et bien visibles à certains endroits stratégiques comme les écoles, commerces ou aires de jeux, ont permis de les rassurer dans des situations tendues.
Au fil des mois, les membres de l’équipe disent avoir constaté une baisse des plaintes, décrivant «une relation de confiance avec les habitants et commerçants et une forme de dialogue respectueux avec les acteurs de la rue» dans leur rapport annuel 2021. Quant à Bonnevoie, «les appels, peu nombreux au début, ont augmenté petit à petit». Il devrait en être de même désormais dans la Ville-Haute.
Contact au tél. 621 460 806, du lundi au samedi, de 11 à 22 heures, ou par mail à avoscotesbonnevoie@inter-actions.lu