Coproduit au Luxembourg, le film espagnol Lemon and Poppy Seed Cake adapte un best-seller racontant l’histoire de deux sœurs éloignées puis réunies par un mystérieux héritage. Un mélodrame classique qui tient ses promesses.
Au départ, il y a le premier roman de Cristina Campos, paru en français sous le titre Le Parfum des citronniers. Édité en 2016 en Espagne, le livre, devenu un best-seller immédiat (plus de 300 000 exemplaires vendus à ce jour), a déjà été traduit en sept langues. La romancière y raconte l’histoire de deux sœurs, Anna et Marina, séparées à l’adolescence. La première n’a jamais quitté le petit village de Valldemossa, sur l’île de Majorque, où elle est aujourd’hui mariée à un homme qu’elle n’aime pas. La seconde, qui a passé le plus clair de sa vie à parcourir le monde, travaille désormais comme gynécologue en Afrique, pour le compte d’une ONG. Malgré des trajectoires de vie opposées, les deux sœurs se retrouveront à Valldemossa lorsqu’elles héritent mystérieusement d’une boulangerie, léguée par une femme dont elles ne connaissent rien.
Le spectre du cinéma a toujours plané sur le livre de Cristina Campos. L’auteure elle-même est une directrice de casting très demandée et le roman, écrit dans un style proche de l’écriture cinématographique, avait été choisi, un mois après sa parution, pour faire partie des «Books at Berlinale», section du festival de Berlin dédiée aux livres qui pourraient faire l’objet d’une adaptation en film. Repéré par la société de production Filmax – l’une des plus importantes d’Espagne, derrière notamment la saga horrifique [REC], pour laquelle Cristina Campos était directrice de casting – le projet est devenu l’une des rares coproductions entre l’Espagne et le Luxembourg, avec la contribution au Grand-Duché de Deal Productions, société fondée par Désirée Nosbusch et Alexandra Hoesdorff.
Avant la fin de l’année 2016, le réalisateur Benito Zambrano avait exprimé son intérêt pour le premier roman de Cristina Campos : «Dès la première lecture (…), j’ai senti un lien fort avec l’histoire et ses personnages. J’ai été ému par ce récit de deux sœurs qui affrontent la vie de façon différente, mais avec le même désir : celui d’être libres, heureuses et d’être aimées, puisqu’il s’agit aussi de deux femmes imparfaites et malheureuses. C’est l’histoire d’une évolution, d’une combativité, de plaies à panser et de femmes matures et intelligentes (…) mais, surtout, c’est une histoire d’amour et de tendresse», déclare le réalisateur dans le dossier de presse.
Benito Zambrano
boucle la boucle
Coécrit avec la romancière, le scénario de Benito Zembrano reste fidèle à l’œuvre d’origine, à tel point que le cinéaste est allé tourner à Valldemossa, l’incontournable village où se déroule l’histoire, là où Cristina Campos s’était elle-même installée pour écrire son roman. Rien n’est laissé au hasard : les conflits familiaux, les problèmes d’argent, les histoires d’amour et le mystère qui enveloppe la trame trouvent un point de convergence – et un début de réponse – dans cette recherche du temps perdu, apaisée par une lumière éclatante et un décor de carte postale.
Je veux pouvoir toucher et divertir un public de tous âges, sexes et classes sociales
Lemon and Poppy Seed Cake arrive à point nommé dans la carrière de Benito Zambrano. Après Out in the Open (2019), néowestern initiatique dans lequel un garçon errant en Andalousie pendant le régime de Franco est confronté à la brutalité des hommes, le cinéaste revient aux histoires de femmes et semble boucler une boucle ouverte avec Solas (1999), son premier long métrage. Le cinéaste indépendant, qui glisse ne pas être en paix avec une société «machiste», expliquait au site Cineuropa : «Je ne réfléchis jamais aux histoires en termes d’hommes ou de femmes, mais plutôt en termes de ce que sont les personnages (…) Ce que je veux, c’est pouvoir toucher et divertir un public de tous âges, sexes et classes sociales.»
Le réalisateur, pourtant primé à la Berlinale et aux Goya (Lemon and Poppy Seed Cake a aussi reçu, cette année, une nomination aux prix du cinéma espagnol pour son scénario), s’efface complètement derrière l’ampleur de l’histoire, la beauté des paysages et la force émotionnelle du film. C’est au spectateur, maintenant, d’entrer dans ce mélodrame classique, mais qui tient toutes ses promesses. Au risque d’y laisser quelques larmes…