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Kinneksbond : le directeur veut des projets « hors du commun »


Jérôme Konen dans «sa» salle du Kinneksbond. Une salle à la modernité et la modularité remarquables pouvant accueillir jusqu'à 433 spectateurs assis. (photo Pablo Chimienti)

Le Kinneksbond (centre culturel de Mamer) ouvrira sa sixième saison mercredi prochain 16 septembre. En attendant cette rentrée culturelle, Le Quotidien est allé à la rencontre de son tout jeune directeur (27 ans) Jérôme Konen, qui vit en ce moment son premier lancement de saison à ce poste, après son passage par Utopia, le Monodrama festival, la fête de la Musique, le Trois C-L, entre autres.

Le Quotidien : C’était un but avoué d’avoir un lieu « à vous »?

Jérôme Konen : Disons que c’est un enchaînement de rencontres, de hasards. Une progression professionnelle naturelle. Mais ce n’était certainement pas un but en soi d’être à la tête d’une maison culturelle à 27 ans, même si je suis content et fier qu’on m’ait fait confiance pour ce poste.

La saison 2015/2016 du Kinneksbond s’ouvre la semaine prochaine. Est-ce qu’on sentira déjà votre patte?

Non. La programmation de cette saison était déjà bouclée quand j’ai pris mes fonctions. Comme la plupart des maisons, on travaille un an, voire un an et demi en amont. La première saison qui portera ma signature sera celle de 2016/2017.

Comment définiriez-vous cette « signature »?

Je suis encore en train de creuser l’identité du Kinneksbond. La question n’est pas de savoir si on va programmer plus ou moins de danse ou de théâtre, mais de s’attacher à l’originalité des sujets proposés. J’aimerais présenter des projets qui abattent les frontières entre les disciplines, mais aussi entre la scène et le public. Je veux que quand les gens pensent au Kinneksbond, ils se disent que c’est là qu’on trouve de nouvelles impulsions avec des projets inédits au Luxembourg.

Vous voulez que le spectateur devienne acteur.

Pas forcément acteur. Mais je trouve qu’il y a un certain clivage entre la scène et le public, et je ne parle même pas du public qui ne vient pas dans des centres culturels. L’art fait encore peur à pas mal de monde, car ils en ont une vision élitiste. Je veux procéder à cette démystification. Abolir les frontières pour que tout le monde se sente à l’aise et que tout le monde ait le courage de venir.

Et pour ça, vous avez une chance magnifique, c’est que votre salle puisse s’ouvrir vers l’extérieur.

Tout à fait. J’ai une salle ultramodulable qui me permet plein de configurations scéniques, dont une qui permet au public de rester à l’extérieur. Il faut maintenant développer les différentes formules qui proposent des approches différentes du spectacle vivant.

Le Kinneksbond est un lieu encore jeune, il va fêter ses cinq ans et il ne fait pas partie du Réseau luxembourgeois des centres culturels régionaux décentralisés…

C’est vrai. Mais depuis mon arrivée, les discussions ont été engagées. J’espère que le Kinneksbond intègrera rapidement le réseau.

Ça changera quoi?

Tous les centres culturels décentralisés ont à peu près les mêmes problèmes : public, communication, programmation, budget… On a donc des choses à faire ensemble. Le Kinneksbond a déjà participé à des collaborations nationales, mais on doit aller toujours plus au contact des autres maisons pour monter des projets ensemble. C’est aussi ça qui donne de l’intérêt aux centres culturels régionaux. On doit ne pas se faire concurrence et puis se démarquer des grandes maisons de la capitale. D’autant qu’on a un public de proximité, à qui on se doit d’offrir toute la palette du spectacle vivant.

Cela est vrai à Dudelange, à Marnach ou à Ettelbruck. Cela l’est-il vraiment à Mamer, à sept kilomètres seulement de la capitale?

Oui. On a notre raison d’être. On a un public local, régional. Des personnes âgées qui n’ont pas nécessairement envie d’aller dans les grandes structures de la ville. Et puis les spectacles jeunes publics, qui sont ceux qui ont le plus de succès. La proximité est l’un des nombreux arguments d’ouverture envers le public. Les centres culturels régionaux amènent l’art au plus près du public, avec, entre autres, une programmation plus facile d’accès que les grandes maisons, pour le spectateur aussi bien averti qu' »amateur ».

Jérôme Konen n'hésite pas à se mouiller. Le directeur compte bien faire rapidement de «son» Kinneksbond un initiateur de projets hors du commun. (photo Pablo Chimienti)

Jérôme Konen n’hésite pas à se mouiller. Le directeur compte bien faire rapidement de «son» Kinneksbond un initiateur de projets hors du commun. (photo Pablo Chimienti)

Mais comment faire venir les « non-spectateurs », les personnes qui ne vont pas au théâtre, au centre culturel et qui préfèrent rester devant leur télé?

En leur proposant, par exemple, des projets qui vont dans le sens de la sensibilisation du public et qui sont nés justement d’une réflexion par rapport aux habitudes de celui-ci. Je pense à un projet de théâtre en série qu’on prépare, avec d’autres centres décentralisés, pour la saison 2016/2017. Un « serial théâtre » sur cinq épisodes, combiné avec un système de streaming en ligne. Chaque maison proposera la première d’un épisode, tandis que les autres en montreront une rediffusion. Quand on voit le carton que font les séries, on se dit qu’il faut essayer de reprendre le type de cette dramaturgie.

Mais il faut déjà que le public sache que ce genre de projet existe. S’il ne vient jamais, ils risque de ne même pas savoir que ça a lieu.

Oui, on travaille aussi sur une plus grande ouverture du Kinneksbond. Sur des formules moins informelles. Ce n’est qu’une des idées explorées, mais, pourquoi pas un café-débat le dimanche – en sachant qu’à Mamer, le dimanche, tous les cafés sont fermés. Quelque chose de très informel, décontracté, pour recréer du lien social. Voilà comment je vois le Kinneksbond, comme un initiateur de projets hors du commun.

Mais un centre culturel comme le Kinneksbond a aussi besoin de faire rentrer de l’argent. Les deux sont compatibles?

Oui, on a quand même près de 25 000 spectateurs par saison. Ce qui correspond à un taux d’occupation de plus de 65 %. Il est possible de faire mieux, mais c’est déjà pas mal. D’autant que je compte bien garder, dans les saisons futures, ce qui marche depuis cinq ans. À ce sujet, on a déjà quatre spectacles complets pour cette nouvelle saison, alors que notre campagne de communication n’est même pas encore lancée. Après, c’est vrai qu’on peine encore à trouver notre public pour du théâtre contemporain et surtout de la danse contemporaine.

Et que nous réserve cette première moitié de la saison 2015?

On fêtera nos cinq ans en octobre, avec un programme anniversaire qui sera révélé tout bientôt. Pour le reste, on a une nouvelle collaboration qui nous rend très heureux avec l’Opéra-théâtre de Metz, qui nous permettra d’accueillir le ballet Roméo et Juliette , on va avoir nos concerts habituels avec l’OCL, notre série « Hannert dem Rido » avec ses spectacles intimistes à l’heure de l’apéro, puis des spectacles « tribute », un à Céline Dion et un à Queen, qui marchent très bien et aussi de la création nationale avec, par exemple, l’Opéra du trottoir.

Pablo Chimienti

www.kinneksbond.lu