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Kobylyanskyi : «La seule chose que je puisse faire, c’est jouer au foot»


Anastasiia et Vladyslav, réunis depuis fin février. (Photo : mélanie maps)

L’Ukrainien Vladyslav Kobylyanskyi, plutôt bon avec le Titus en 2022, a accepté, en compagnie de son épouse, de parler de sa vie depuis le début du conflit.

Vladyslav Kobylyanskyi ne parle pas français. Pas anglais non plus d’ailleurs. Et sa femme, Anastasiia Taran, qui l’a rejoint en catastrophe fin février à la suite de l’invasion russe, lui sert de traductrice de luxe quand il s’agit d’évoquer la situation si particulière de deux expatriés footballistiques en période de guerre. Et s’il parle peu, le milieu de terrain du Titus, qui sera une pièce maîtresse de l’équipe pétangeoise contre le RFCU demain, en demi-finale de la Coupe, parle franc. Mais de manière moins émotionnelle que son amie, qui elle a dû fuir le pays.

Comment vous sentez-vous tous les deux après deux mois de conflit entre la Russie et l’Ukraine?

Vladyslav Kobylyanskyi : Ces dernières années, j’ai vécu dans plusieurs pays différents. Cela fait longtemps que je ne suis pas retourné en Ukraine et moi, je n’ai pas connu cette situation de guerre de près.

Anastasiia Taran : Je suis arrivée au Luxembourg fin février (NDLR : l’invasion russe a commencé le 24 février) et je ressens toujours un stress post-traumatique. J’entends encore le son des sirènes dans ma tête. Le 24 février au matin, j’étais dans la principale église du pays, Kyiv-Pechersk Lavra (NDLR : laure des Grottes de Kiev, un important monastère orthodoxe) et quand je l’ai quittée, ma ville a commencé à être bombardée. J’ai alors pris ma voiture pour venir au Luxembourg. Un voyage qui a duré dix jours. Je n’avais que mes papiers sur moi. Rien d’autre. Les jours les plus difficiles de ma vie.

Vladyslav, avez-vous des nouvelles de votre ville de naissance, Makiivka?

V. K. : C’est… difficile de parler de mon pays. La situation est bien trop difficile pour ça.

La famille Antunes a tout fait pour que ma femme et moi nous sentions comme à la maison

Et votre famille? Vos amis?

V. K. : J’ai juste encore quelques amis là-bas. Mais la plupart ont quitté le pays. Surtout ceux du football, qui ont tous trouvé des clubs à l’étranger. Moi en tout cas, je n’ai pas songé à y retourner mais vous savez, je n’ai jamais planifié de vivre dans ce pays, de toute façon.

L’aide internationale vient aussi du Luxembourg. Comment voyez-vous ça?

V. K. : J’ai mon opinion là-dessus! Si vous voulez aider quelqu’un, ne faites pas tout un show autour de votre action. Faites-le calmement et à l’abri de toute publicité. Mais moi qui vis et joue au football au Luxembourg comme beaucoup d’autres joueurs, j’avoue éprouver une relation toute particulière avec une famille proche du club du Titus, la famille Antunes, qui font partie de l’encadrement du club. Ils ont vraiment été un vrai soutien pour moi et ma famille dans cette situation si particulière, faisant tout pour que ma femme et moi nous sentions comme à la maison.

A. T.  : Me concernant, je suis psychologue et ces derniers mois, j’ai essayé d’aider des personnes venues d’Ukraine à retrouver une santé mentale normale. La guerre ne crée que de la douleur. Je suis très triste de ne pas pouvoir retourner chez moi, à la maison. D’ailleurs, je ne sais même pas si j’ai encore une maison. Mais des gens de partout en Europe m’ont aidée, ces derniers temps, à me sentir comme à la maison, ici, au Luxembourg. Et d’ailleurs, tout spécifiquement les gens du Luxembourg et du Titus Pétange resteront toujours dans mon cœur.

Est-ce difficile de jouer au football malgré tout?

V. K. : Le plus dur pour moi, c’est de rester si éloigné de ma mère et de mon frère. On ne peut pas se voir alors voilà, je fais la seule chose que je puisse faire : jouer au football. Tout le temps. C’est mon travail, c’est ma vie.

Votre futur s’écrit-il encore à Pétange, la saison prochaine? Ou retournerez-vous à Gaziantep, qui vous prête actuellement au Titus?

V. K. : Mon futur, de toute façon, est en Europe. J’espère avoir un nouveau contrat pour 2022/2023, même si malheureusement, ce n’est pas moi qui décide, puisque je suis lié à Gaziantep. Mais bon, s’ils décident que je dois revenir jouer chez eux, j’irai avec plaisir aussi. Mais aujourd’hui, je ne peux rien planifier. Par contre, ce serait génial de gagner la Coupe avec le Titus. Je sais que c’est possible. Nous sommes assez costauds pour le faire.