Entre le dernier championnat«normal» d’avant pandémie et celui qui s’achève actuellement, l’élite du pays subit de plein fouet une évidente désertion des stades. Très inquiétant.
Théoriquement, pour avoir une vision claire et précise de la situation, il aurait fallu attendre trois semaines, que tout soit fini. Mais les chiffres du tout récent F91 – Swift, vraie finale avant l’heure du championnat, a été une telle déception en termes de fréquentation que nous avons décidé d’avancer la réponse à une question que tout le monde se pose depuis trois ans : mais c’est quoi, l’impact réel du covid sur le nombre de spectateurs en BGL Ligue ?
Entre ceux qui pensaient que les gens se rueraient au stade une fois les interdictions levées et ceux qui disaient qu’il faudrait des années avant de retrouver les chiffres d’avant l’épidémie, le débat faisait rage. Eh bien ce sont les derniers qui avaient raison.
F91 – Swift, donc ? 951 spectateurs ! Or on peut pourtant accepter l’idée que c’était le titre qui se jouait. Et que visiblement, cela n’intéressait presque personne. Les clubs de DN n’ont ainsi rassemblé plus de 1 000 personnes sur un même stade et pour un même match qu’à six reprises cette saison. Le record est de 1 523, pour un Differdange – F91. Triste.
On a donc repris les chiffres de la fin de saison 2018/2019, la dernière avant l’épidémie et qui montrait déjà une légère baisse de fréquentation des enceintes de l’élite. On a comparé avec celles du moment, à trois journées de la fin et c’est vertigineux : tout le monde a perdu du public. Certains énormément.
La chute la plus brutale est celle de Hamm, passé de 295 spectateurs de moyenne en 2019 à 111 aujourd’hui, mais avec une défiance manifeste du groupe de supporters envers la direction qui parasite le résultat. Mais il y a aussi Etzella, qui a perdu 44,8 % de son public, presque la moitié. Pétange, qui a vu fondre sa base supportariale de 41,6 %.
Et sans doute le plus spectaculaire : Differdange, passé de 846 personnes en moyenne à… 539. Fabrizio Bei, forcément, s’en alarme : «On n’a pas d’explication. Je ne connaissais pas cette statistique, mais cela ne me surprend pas. Certains ont-ils encore peur du covid ? En tout cas, ils ne reviennent pas. On a mis des mesures en place. Comme un abonnement plus attractif, des soirées… mais même là, les gens viennent au compte-gouttes. Et quand on invite gratuitement nos jeunes à venir voir les matches avec leur famille, même là ils ne viennent pas. On se doutait qu’on perdrait du monde avec le covid, mais pas que ce serait aussi brusque. Le foot luxembourgeois a perdu énormément et on va galérer à retrouver ces supporters.»
Et en plus, certains «trichent»
À Ettelbruck, Tun Di Bari doute même que cela soit possible. «On est une société gâtée. On a trop de tout. Et surtout du foot, à la télé. Pour attirer des jeunes au stade, maintenant, il faut de grands événements et on n’a rien à leur offrir.»
Et puisqu’on se doutait bien que l’argument du streaming mis en place par RTL à la propre demande de la Ligue arriverait dans la conversation à un moment ou à un autre, on s’est retrouvés bien surpris quand le président d’Etzella a dédouané le système : «Je pense que cela fait juste que beaucoup plus de personnes s’intéressent à mon club. Je le vois bien le lundi. Beaucoup de gens m’en parlent, ont regardé les highlights. C’est faux de dire que les gens ne s’intéressent plus au foot. Ils ne s’y intéressent plus… au stade.»
Cette dramatique chute de près de 25 % est tout de même violente. D’aucuns ont beau pointer du doigt que le basket et le hand subissent aussi un contrecoup majeur, ceux qui résistent à l’érosion sont extrêmement rares.
D’ailleurs, hors micro, pas mal de présidents jurent que certains de leurs pairs «trichent» même sur les chiffres et que la désaffection est bien plus monumentale que ce quart de public envolé. Si bien que même Luc Hilger, président de Strassen, club le moins impacté du pays, se désespère.
«Moi, je pense que le streaming incite des gens à rester à la maison, surtout quand il ne fait pas beau. Or moi je préférerai toujours venir discuter foot autour d’une Thuringer et d’une bière. Mais je n’ai pas plus d’explications que mes confrères sur la raison réelle de cette chute. Moi aussi, je pensais que les gens reviendraient en masse une fois que les restrictions seraient levées. Et je ne vois pas quelles mesures nous pouvons prendre pour faire revenir les gens.»