Privé de football par un ménisque (très) récalcitrant depuis août 2019, Emmanuel Lapierre a enfin rejoué dimanche avec la Jeunesse, près de 1 000 jours après sa dernière apparition en DN.
Il avait compté les années, les mois (presque 33), mais pas les jours sans jouer. Alors, quand on lui dit qu’il a frôlé les 1 000 jours (994, exactement) loin des terrains, la réponse d’Emmanuel Lapierre fuse, entre amusement et étonnement : «La vache ! Heureusement qu’on ne l’a pas passé, cette barre-là !»
À vrai dire, il était moins une… semaine. En ce 1er mai, une date théoriquement chômée, le Français a lui repris sa seconde activité : latéral de la Jeunesse, un rôle qu’il a tenu 75 minutes, dimanche contre Strassen (1-2), mais n’avait plus occupé depuis le 11 août 2019 et une rencontre de DN face au RFCU, écourtée dès la pause en raison d’une blessure au genou.
Verdict : ménisque déchiré. Se sont ensuivies trois opérations, infructueuses pour les deux premières. Avec le lot de doutes que supposent de telles rechutes, qui auront fait manquer à Lapierre la bagatelle de 69 matches, lui qui n’en avait loupé que 7 sur blessure depuis 2013, année de son arrivée au Grand-Duché, à Hamm. «Arrêter? Tu penses à ça constamment, mais arrêter sur un problème médical, qui plus est surmontable, j’aurais eu du mal à vivre avec.»
Opéré par le chir du crack Ansu Fati
Ce ne sera vraisemblablement pas le cas. Passé en juillet à Lyon – sa ville d’origine – sur le billard d’un ponte de la chirurgie orthopédique, le Pr Bertrand Sonnery-Cottet, connu notamment pour avoir opéré le crack barcelonais Ansu Fati, le joueur élevé à l’Olympique lyonnais et formé à Sedan a enfin repris l’entraînement individuel en janvier, d’abord sans ballon, puis collectif en février, avant d’enfin renfiler la liquette bianconera en amical et avec la réserve de la Vieille Dame.
Sans encombre, jusqu’ici. Mais avec pas mal de frustration, au départ. «Bon, quand tu reprends, t’as les pieds carrés, s’amuse-t-il. Tu es comme un enfant, mais le rendu n’est clairement pas à la hauteur de ton enthousiasme.» Une simple question de rythme.
Quand tu reprends, t’as les pieds carrés. Tu es comme un enfant, mais le rendu n’est pas à la hauteur de ton enthousiasme !
Reste désormais à retrouver celui des matches, autrement plus exigeant que celui des entraînements : «Autant d’un point de vue physique et technique, je me trouve bien à l’entraînement, autant le rythme d’un match de BGL Ligue, c’est autre chose. Au niveau de la force, des courses, de la récupération, tu vois la différence, et cet aspect-là impacte tout le reste : tu es moins lucide, moins précis dans tes gestes.»
Dimanche, le Rouennais ne s’attendait pas, cela dit, «à ce que ce soit facile». Qui plus est à un poste de latéral droit auquel il a été formé mais qu’il n’a plus occupé depuis ses années sedanaises, ses entraîneurs à Hamm (2013-2016) et à Esch l’ayant exclusivement utilisé à gauche.
«Il faut s’adapter, notamment au niveau des appuis défensifs et de l’orientation du corps, détaille-t-il, mais ça ne change pas des masses non plus. L’important, c’est d’être sur le terrain.» Non sans une pointe de trac, il l’admet dans un sourire : «Tu attends tellement ce moment que tu te dis « merde, il ne faut pas que je me rate!« »
À en croire le 6 récolté dans nos colonnes, le rendu d’ensemble a été assez convaincant, mais l’essentiel, quoi qu’il en soit, était ailleurs : en dépit de la défaite tardive, vue du banc donc, ce Jeunesse – Strassen trônera forcément en bonne place dans le musée personnel du joueur.
«J’ai quand même kiffé l’Europe (NDLR : il a disputé avec la Jeunesse les tours préliminaires de la Ligue Europa en 2016/2017 et 2019/2020, juste avant sa blessure), et j’ai vécu beaucoup de beaux moments ici, replace-t-il, mais ce match-là est assez haut dans la liste, plus sur un plan plus personnel que collectif.»
Rester à Esch… ou au moins au Lux
Aura-t-il l’occasion de se forger d’autres souvenirs avec la Vieille Dame d’ici à la fin de saison, qui interviendra dans trois matches? «Il faut voir comment va se passer la semaine, je ne suis pas sûr de pouvoir enchaîner, calme le numéro 18 bianconero. Je n’ai pas le rythme, et je sens que ça a tiré de tous les côtés dimanche. Même si c’est de la bonne douleur, le but, ce n’est pas de se cramer ! Je suis plus tourné vers la saison prochaine.»
Une échéance pour l’heure auréolée d’un «gros point d’interrogation», alors que son contrat avec le club le plus titré du pays s’achève le 30 juin prochain. «Je n’ai vraiment eu de discussions avec la direction, ni de réelles discussions avec d’autres équipes, confie-t-il. Mais je me verrais bien rester à la Jeunesse, un club qui me tient à cœur.»
Deux certitudes, toutefois. La première, c’est que le Luxembourg a sa priorité : «J’habite là depuis neuf ans, je bosse ici et je vais avoir un enfant cet été qui sera luxembourgeois». La seconde, c’est que celui qui travaille comme conducteur de travaux au civil a les crocs : «Après presque trois ans sans jouer, je me sens frais. J’ai envie de montrer à tout le monde que Manu, il en a encore dans les jambes !»