Photographe des grands espaces vus du ciel, Yann Arthus-Bertrand a choisi de se poser, pour recueillir la parole, universelle et poignante, d’une foule d’anonymes, dans un documentaire aussi intimiste que démesuré.
« Human », film de cinéma de plus de trois heures et projet multimédia décliné en plusieurs versions, a vocation à être diffusé librement et largement. Il bénéficiera samedi d’une sortie hors norme dans 400 salles de France, avec projection le même jour à l’Onu à New York, hors compétition à la Mostra de Venise ou encore à la Fête de l’Humanité… Il sera à disposition des distributeurs étrangers à prix plancher.
Quel est le sens de la vie quand on est vétéran américain, combattant syrien, intouchable en Inde, irradié d’Hiroshima ou jeune Parisien ? Sous tous les parallèles, de l’Angola à l’Australie à la Chine, plus de 2.000 personnes ont répondu aux mêmes questions, filmées face caméra, en gros plan sur fond noir, par les équipes de l’auteur du best-seller mondial « La Terre vue du ciel ».
Histoire de laisser le spectateur souffler, d’amples plans aériens, somptueux, viennent rythmer les séquences: caravane sur des crêtes de sable, partie de foot sur un haut plateau pakistanais, rivières dessinant des arbres dans un désert de sel…
Ces images, saisies d’hélicoptère – pas de drone pour mieux maîtriser le cadre – montrent aussi des hommes, minuscule salarié dans son gratte-ciel new-yorkais ou petit berger africain sur la falaise. Comme des passerelles « entre la beauté du monde et celle de l’homme », dit le réalisateur, dont le film aura coûté 11 M d’euros (abondés par la Fondation Bettencourt).
« J’ai voulu parler d’amour, de bienveillance. Je pense que vivre ensemble, ça passe par ça », explique cet écologiste. « Libération m’a un jour traité de grand nunuche, mais au fond, ça me va. Il y a beaucoup d’utopie dans ce film, et en même temps je pense qu’on a fait un film fort car ce que les gens nous ont donné, c’est éblouissant ».
Il aura fallu un an pour sélectionner et monter plusieurs dizaines de témoignages. Anecdotes, réflexions ou cris du coeur, il y est question de guerre, de famille, de mort, de la place de la femme, d’homosexualité, d’argent, du bonheur…
Des anonymes plutôt que Bill Gates
On y rencontre des situations exceptionnelles. Et beaucoup de quotidien. Celui de ce vieux monsieur resté seul parce qu’au bal, il ne savait pas danser. Des déclarations d’amour, de ce Russe à son enfant handicapé ou de cet Irlandais tatoué à son fils homosexuel.
« La plupart des personnes n’avaient jamais été devant une caméra, certaines ne savent ni lire ni écrire, et elles parlent du sens de la vie d’une façon inouïe », relève Yann Arthus-Bertrand. Quelques personnalités ont aussi été interviewées. Peine perdue.
« On a fait Bill Gates. Je n’ai pas réussi à lui faire sortir un truc personnel, ni de l’émotion ». Des célébrités ou politiques interrogés, seul l’ex-président uruguayen José Mujica a été gardé. Passé par dix ans de prison, dont sept sans livre, l’ancien guérillero dresse un vibrant éloge de la sobriété.
Autre moment fort, le cri de ce réfugié afghan échoué à Calais. « Le message est clair: ces gens (les migrants, ndlr) n’ont pas d’autre solution que de partir », dit Yann Arthus-Bertrand. « Il faudra trouver une solution, car je crois que c’est le début d’un grand bouleversement mondial ».
Au final, « Human » ne propose « pas de leçon », plutôt « une expérience d’introspection », ajoute l’auteur. « On touche à quelque chose d’essentiel: qu’est-ce que c’est qu’être un être humain, que penser à sa mort au quotidien, que dire je t’aime à ses enfants et à ses parents, pourquoi est-ce qu’on est encore en train de se battre comme des animaux, comment on sort de la haine, qu’est-ce qu’on veut changer dans sa vie…? Toutes ces questions qu’on ne se pose pas assez souvent ».
Le film sera présenté fin septembre sur France 2 dans une version spéciale doublée. Des kits de projection seront mis à disposition des collectivités et associations. Une version 3×90 minutes sera visible en six langues sur YouTube et Google Play.
AFP/M.R.