Une rixe entre sans-abri dégénère pour une obscure raison. L’un est emmené en soins intensifs et l’autre est suspecté de l’avoir poignardé avec un couteau multifonctions.
Le 4 juin 2017 au petit matin, une dispute a éclaté entre deux sans-abri dans un camp situé derrière l’Abrigado, route de Thionville à Luxembourg. Fathi est suspecté d’avoir poignardé un autre homme avec un couteau multifonctions. Il comparaissait hier après-midi face à la 9e chambre criminelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg pour tentative de meurtre et coups et blessures volontaires. Les versions s’affrontent.
Le prévenu, interrogé après les faits, a prétendu avoir répondu aux coups de sa victime présumée. Elle aurait voulu l’obliger à vendre de la drogue pour son compte et n’aurait pas apprécié son refus, résume un enquêteur. Fathi a rapporté aux policiers et au juge d’instruction avoir reçu des coups avec une bouteille de bière et son tesson, des coups de poins et des coups avec une barre de fer par sa présumée victime qui l’aurait aussi traîné sur le sol. Le prévenu aurait tiré le couteau et frappé l’homme à la poitrine à 3 reprises.
La victime présumée, qui n’était pas présente hier, a témoigné après les faits avoir été réveillée par Fathi à 7 heures du matin pour discuter. Fathi aurait insisté pour qu’il sorte de sa tente. Quand il y est revenu, il a constaté que certaines de ses affaires manquaient et a immédiatement suspecté Fathi.
A suivi une discussion au cours de laquelle Fathi a brandi une barre de fer qui servait de piquet de tente et l’a frappé, relate l’enquêteur. La victime est parvenue à s’en emparer et à la lancer par-dessus la clôture de l’Abrigado.
Plutôt que de se calmer, Fathi est revenu à la charge avec un couteau et a frappé la victime présumée à trois reprises à la poitrine après l’avoir menacée de la tuer, a indiqué la victime présumée. Un troisième homme a désarmé Fathi, précise le policier dont les collègues n’ont pas tardé à arriver.
La victime présumée a été prise en charge en soins intensifs et a subi un drainage du thorax pour prévenir tout risque de pneumothorax. Un expert légiste a confirmé que les blessures constatées sur le corps de la victime présumée correspondaient à la lame de couteau que le prévenu est suspecté d’avoir utilisée. «Elles étaient potentiellement mortelles», note-t-il.
Un témoignage capital
Bruno, un ami du prévenu, qui traînait avec lui dans le camp et est actuellement détenu à Schrassig, a avancé que Fathi aurait eu une dette de drogue auprès de la victime présumée. Il n’en sait pas plus car, reconnaît-il, il n’a rien vu.
Contrairement à lui, Mike, un ouvrier communal, a assisté à une partie de la bagarre avec ses collègues. «J’ai vu le prévenu donner un coup de couteau à un autre homme qui a couru dans notre direction. Le prévenu l’a frappé de nouveau avec le couteau. L’homme s’est effondré le long de la clôture. Mon chef a prévenu la police», résume Mike à la barre.
Avant, il avait entendu des cris et observé un échange de coups. «J’ai vu le prévenu revenir avec une barre de fer et frapper l’autre homme», poursuit l’ouvrier communal. «Il est venu jusqu’à nous avec une jeune femme avant de repartir en direction des tentes, où il a parlé à un homme. Je ne sais pas si c’est lui qui lui a donné le couteau. Fathi a dit à la jeune femme qu’il allait régler « ça ».» Le prévenu est retourné donner des coups à la victime présumée.
L’ouvrier du service d’hygiène affirme ne pas avoir vu la victime frapper le prévenu avec une bouteille et avec une barre de fer. «Je n’ai pas vu l’agression depuis le début.» La présidente de la chambre criminelle lui a demandé si le prévenu semblait avoir peur.
«Les témoins de la scène lui ont crié d’arrêter», se souvient Mike qui s’était alors réfugié dans sa camionnette avec son équipe. «Fathi était agressif et énervé, mais pas en rage. J’ai eu l’impression qu’il avait peur de la victime présumée.»
«Il s’est senti en danger»
Fathi est né en Tunisie. À un expert psychiatre, le jeune homme a raconté avoir quitté son pays à l’âge de 15 ans. Après un périple à travers l’Italie, il rejoint sa famille d’adoption en France, puis arrive seul au Luxembourg. Il y passe de foyer en foyer avant d’atterrir en prison en 2017 après avoir agressé son logeur.
Sans papiers à sa sortie de prison, sept mois avant les faits pour lesquels il comparaissait hier, il vit dans la rue ou dans des squats et consomme diverses drogues (cannabis, crack, kétamine, benzodiazépines…). La veille des faits, il avait rompu avec sa compagne, indique l’expert psychiatre.
«Il m’a dit qu’il s’était senti en danger», note l’expert. «Il se rappelle sa peur et le fait de ne pas avoir voulu tuer. Il se souvient avoir pris du crack avant l’agression.» Du point de vue psychiatrique, malgré des troubles de la personnalité mixte (impulsivité et traits de personnalité dyssociale) et ses abus de différentes substances psychotropes, le psychiatre n’a pas constaté d’altération du discernement au moment des faits qui lui sont reprochés. «Ses troubles du comportement sont présents depuis son adolescence et n’ont pas été pris en charge», estime-t-il. Ils pourraient avoir été renforcés par sa tendance toxicomaniaque et son contexte de vie.
Fathi pourra s’exprimer sur les faits ce jeudi après-midi.