Deux visions du monde s’affrontent entre le pro-européen Emmanuel Macron et sa rivale d’extrême droite Marine Le Pen qui promet de réduire les « pouvoirs » de l’UE au profit des « nations » mais doit aussi répondre de sa proximité passée avec la Russie de Vladimir Poutine.
La relation privilégiée de la candidate à la présidentielle française avec le maître du Kremlin, qui l’avait reçue en grande pompe lors de la présidentielle de 2017, risque fort de s’inviter au débat télévisé de l’entre-deux tours mercredi, même si Marine Le Pen en minimise la portée depuis le début de l’offensive russe en Ukraine le 24 février.
Russie, le sujet qui fâche
Marine Le Pen plaide pour un « rapprochement stratégique entre l’Otan et la Russie », une fois la guerre russo-ukrainienne « réglée par un traité de paix ».
Elle semble ainsi préconiser le retour à la situation géopolitique qui prévalait avant l’élargissement de l’Alliance vers l’Est en 1997 et qui constituait une des revendications de Vladimir Poutine avant l’invasion de l’Ukraine.
Après avoir estimé que Vladimir Poutine pourrait « bien entendu » redevenir un allié de la France une fois la guerre terminée, Marine Le Pen a rectifié le tir en expliquant avoir voulu parler de la Russie et non de son président.
Si elle a dénoncé des « crimes de guerre » en Ukraine, elle s’est toutefois bien gardée de montrer du doigt l’armée russe et refuse de livrer des armes offensives à Kiev. Elle s’oppose aussi aux sanctions contre la Russie en invoquant leur impact sur le pouvoir d’achat des Français.
Emmanuel Macron a certes beaucoup échangé avec Vladimir Poutine, y compris depuis le 24 février, un dialogue nécessaire selon lui pour mettre fin au conflit, mais il a aussi approuvé, à l’unisson des Européens, une cascade de sanctions contre la Russie.
Il pointe aussi l’implication de l’armée russe dans les massacres de civils – ce que nie Moscou, qui crie à la « mise en scène » – et a livré plus de 100 millions d’euros d’équipements militaires à l’Ukraine.
Le président sortant accuse aussi son adversaire de « complaisance » envers le maître du Kremlin. Elle est « dépendante de la Russie », affirme-t-il, dans une allusion à un prêt de 9 millions d’euros contraté par le parti de la candidate, le Rassemblement national (RN), auprès d’un créancier russe.
La France et L’Otan
Invoquant l’héritage du général de Gaulle, Marine Le Pen souhaite voir la France quitter le commandement intégré de l’Otan au nom de la « souveraineté nationale », mais pas l’Alliance elle-même.
Emmanuel Macron avait de son côté jeté un froid en se demandant si l’Otan, secouée par des divergences internes, était en « état de mort cérébrale ». Un doute dissipé depuis la guerre en Ukraine qui a conduit l’Alliance à se recentrer sur sa mission originelle, la défense de l’Europe face à la menace russe.
Europe : le désaccord fondamental
Marine Le Pen se défend de vouloir faire sortir la France de l’UE mais dénonce une « construction européenne hors sol et déconnectée » et préconise une « réforme de « l’intérieur » de l’Union, reposant sur la primauté du droit national, ce qui pour ses détracteurs équivaudrait de fait à un « Frexit ».
Elle prône notamment la création d’une « Alliance Européenne des Nations qui a vocation à se substituer progressivement à l’UE ».
Exit alors le moteur franco-allemand et place à une alliance plus large avec des pays « amis » comme la Hongrie de Viktor Orban et la Pologne du Premier ministre Tadeusz Mazowiecki.
« Nous souhaitons redonner aux nations, qui sont souveraines, plus de pouvoirs et à l’Union européenne moins de pouvoirs, qu’elle s’est d’ailleurs auto-attribués », a-t-elle lancé, en promettant de réduire la contribution française à l’UE de cinq milliards d’euros.
Emmanuel Macron se fait, lui, le chantre de « plus d’Europe », que ce soit en matière économique, sociale ou de défense, et d’une affirmation géopolitique de l’UE face aux États-Unis et à la Chine.
« La France de l’égalité des chances, de la puissance et de l’indépendance économique ne pourra se faire que si notre France est plus forte en Europe », assure-t-il.
L’Allemagne, allié ou concurrent ?
La candidate RN accuse le président sortant de ne pas « défendre les intérêts de la France » face à « l’hégémonie » allemande.
Si elle assure « chérir » la réconciliation franco-allemande, elle n’en entend pas moins rompre tous les accords de coopération militaro-industriels conclus depuis 2017 par Emmanuel Macron, qu’elle juge à l’avantage de Berlin.
Pour Emmanuel Macron, le moteur franco-allemand reste incontournable, a fortiori dans une Europe à 27, pour aider à trouver des compromis.
Le président sortant se félicite d’avoir converti la chancelière Angela Merkel à la relance budgétaire européenne et la mutualisation de la dette, un chantier qu’il espère poursuivre avec son successeur Olaf Scholz.