On m’a offert mon premier Péckvillchen. Il est bleu vif avec un bec jaune et il sonne comme une nuit d’Orient. Étrange pour un oiseau luxembourgeois. Et pourtant pas tant que cela finalement. Qu’est-ce qui définit un Luxembourgeois à un moment de l’histoire où la moitié de la population du Grand-Duché est étrangère et où beaucoup de Luxembourgeois sont, comme moi, en partie issus de sauteurs de haies? Est-ce la pratique de la langue, préférer la cuisine qui tient au corps aux plats plus exotiques, savoir se rendre à Obergladbach ou à Schlindermanderscheid sans GPS ni carte routière, connaître Ons Heemecht par cœur, être un bon catholique ou connaître et comprendre toutes les traditions?
Je me le demande… et pourtant, je me suis toujours sentie appartenir à cette terre et l’ai toujours ressentie et comprise sans en avoir la nationalité. Je ne me suis jamais demandé ce qui me définissait sur le plan de l’appartenance nationale. Les papiers, pour quoi faire? De l’autre côté de la haie, on était plus prompt à nous les donner et à nous définir comme «les Luxembourgeois». Comme s’ils avaient choisi notre camp à notre place, nous les équilibristes, les culs entre plusieurs chaises. Les chimères faites de sanglier, de coq et de lion existent bien, alors pourquoi pas un Péckvillchen bleu vif qui sonne comme un doudouk?
Mon ramage et mon plumage n’ont pas changé depuis ma carte d’identité signée Taina Bofferding. Je monte sur mes ergots, je rue dans les brancards et je sors toujours les griffes pour défendre ce petit bout de terre rouge et ocre qui est mon nid. Pour la première fois, j’envisage les Péckvillercher comme autre chose que des babioles kitsch et désuètes. Ils font partie de mes repères, comme les beignets aux crevettes, Arno, les Diables Rouges, les Wäinzoossiss, les hauts-fourneaux, l’Alzette ou le Grand-Duc, et donc de mon identité. Nous sommes une infusion de repères, d’influences, des oiseaux plus ou moins rares. Encore faut-il être capable de repérer ces repères, de s’y intéresser, de s’arrêter pour les étudier, les comprendre et les intégrer.