Drôle, de Fanny Herrero. Avec Mariama Gueye, Younès Boucif, Elsa Guedj, Jean Siuen… Comédie dramatique d’une durée de 6 x 50 minutes.
Comment (sur)vivre après Dix pour cent? La créatrice et «showrunneuse» de la série, Fanny Herrero, a révolutionné la fiction française avec sa désormais célèbre plongée dans l’univers impitoyable des agents artistiques.
Tant et si bien que le microcosme parisien qu’elle décrit s’est exporté dans le monde entier – grâce à une diffusion sur Netflix –, au point de devenir une référence dans toutes les bouches du petit et très sélect monde hollywoodien et de déclencher une série de remakes au Québec, en Inde, en Turquie, et bientôt en Italie, en Espagne, au Royaume-Uni, en Pologne…
Alors, que faire à partir de là? Tenter l’aventure américaine, comme l’ont fait récemment l’humoriste Gad Elmaleh (Huge in France) ou, dans un genre complètement différent, la réalisatrice Julia Ducournau qui, juste avant de décrocher sa Palme d’or avec Titane, a réalisé plusieurs épisodes de la série d’horreur pilotée par M. Night Shyamalan Servant?
En fait, Fanny Herrero est restée fidèle à elle-même : à nouveau, elle explore dans un récit choral les vicissitudes d’un milieu qui s’acoquine avec le show-business. Et met un point d’honneur à éviter la facilité.
À l’inverse de Dix pour cent, qui sillonnait les grandes avenues et les places royales de Paris, Drôle se niche entre la banlieue et le XIe arrondissement, pour suivre les parcours de quatre vingtenaires qui tentent de percer dans le milieu ô combien prisé du stand-up.
Aïssatou (Mariama Gueye) vient de faire le buzz sur les réseaux sociaux après une vanne qui brise un tabou masculin; Bling (Jean Siuen), qui jouit d’une petite notoriété depuis quelques années, connaît la descente aux enfers avant l’apogée; Nézir (Younès Boucif), petit génie de l’humour aussi chétif que son compte en banque, teste tous les soirs ses blagues au Drôle, le «comedy club» qui sert de repaire au trio. Et Apolline (Elsa Guedj), fascinée par le petit monde qu’elle découvre dans le vivier de talents, veut lâcher son avenir tout tracé de commissaire-priseur pour monter à son tour sur les planches.
Clairement attachée à casser les codes, comme Fanny Herrero l’avait fait avec son précédent coup d’éclat, la série ne se repose pas sur les acquis de son aînée, aux portes de laquelle se bousculait tout le gratin du cinéma français.
Fidèle à elle-même, Fanny Herrero raconte dans un récit choral un milieu qui s’acoquine avec le show-business. Et met un point d’honneur à éviter la facilité
Drôle nous fait découvrir un quatuor d’inconnus au charisme fou, loin, très loin des standards de la fiction (coup de cœur absolu pour Elsa Guedj, qui semble sortie d’un tableau de la Renaissance, et Younès Boucif, le plus attachant de tous ces adorables personnages). On tombe instantanément sous leur charme. Quand, en plus de ça, le talent est au rendez-vous…
Avec un titre pareil, Drôle avait intérêt à faire rire. C’est réussi, avec une large place laissée aux numéros de stand-up, interprétés par des comédiens parfaits et écrits par de véritables humoristes, parmi lesquels Fanny Ruwet, Jason Brokerss ou encore Thomas Wiesel. Des artistes dont on imagine que les anecdotes des débuts, période de galères, ont aussi servi à enrichir un récit qui s’enracine dans la réalité de la scène humoristique parisienne.
Rien n’est tabou, pas même le sujet sensible des humoristes copiés (et des copieurs, amusant quand on sait que l’idée de la série a été donnée à Fanny Herrero par… Gad Elmaleh, qui a lui-même «volé» des vannes au maître Jerry Seinfeld), abordé dans la tradition du stand-up : avec un humour qui cache une réflexion sérieuse.
C’est l’essence même de la série : rares sont celles qui ont su encapsuler ce petit monde, encore souterrain en France et en Europe, mais Drôle affirme déjà sa place dans la même lignée de la méconnue Crashing (2017-2019), voire de l’emblématique Seinfeld (1989-1998).