Depuis déjà quelque temps, les studios Pixar font une fixette sur l’adolescence, âge de tous les chamboulements – et terreau fertile pour enchaîner les films à un rythme de plus en plus soutenu. On a notamment eu droit, pêle-mêle, à Coco (2017), célébrant la culture mexicaine à travers son héros, guitariste prépubère plongé au royaume des défunts; à En avant (2020) avec ces deux frères elfes en manque de figure paternelle, et encore à Luca (2021), jeune monstre marin qui s’agite en surface dans une Italie de carte postale. Sans oublier, bien sûr, le chef-d’œuvre inégalé Vice-Versa (2015), véritable traité psychanalytique doublé d’un conte tout public.
Des productions qui, dans leur ensemble, parlent toutes de la même chose : la crise identitaire, la transformation du corps et de l’esprit, le passage à l’âge adulte, l’acceptation de soi, le poids de la famille, de l’héritage… Bref, comment, jeune, trouve-t-on un nouvel équilibre et sa place dans un monde bien trop grand et bien trop complexe.
Alerte rouge qui, comme ses deux prédécesseurs (Soul et Luca), a été directement diffusé en streaming sans passer par les cinémas, est de la même trempe. Sa réalisatrice, Domee Shi (oscarisée pour le court Bao), ne s’en cache pas : pour ce premier long métrage, elle s’est inspirée de son propre parcours, celui d’une adolescente canadienne d’origine asiatique, plongée dans la ville de Toronto, au début des années 2000.
Son héroïne, la conquérante Meilin Lee, aborde la vie avec l’énergie et l’entrain de ses 13 ans. Petite fille modèle, première de la classe, elle se rêve indépendante quand elle est au milieu de ses trois copines (Miriam, Priya et Abby), toutes fans du boys band 4 Town, mais en réalité, est étouffée par une mère protectrice et le regard pesant des ancêtres (ceux du temple chinois dont ils s’occupent).
Malgré les exigences et les contraintes, elle semble toutefois s’épanouir dans ce cocon jusqu’à ce que les hormones entrent en jeu, et de quelle manière! En raison d’une «petite excentricité» qui touche toutes les femmes de sa famille, à la moindre émotion forte, elle se transforme en panda roux, grosse peluche trop «kawaï»! Une métamorphose difficile à vivre, bien qu’elle pourrait lui être très utile…
Alerte rouge joue à fond sur les symboles : il y a d’abord cette grosse bébête, odorante, poilue, au physique encombrant qui rappelle les affres de la puberté, ici féminine. Il y a ensuite cette couleur qui, comme l’a expliqué la cinéaste, ramène à l’amour, au désir, à la colère également, et bien sûr aux règles.
Fait rare, Pixar aborde frontalement le sujet, notamment avec cette scène où Mei-Mei, cachée derrière le rideau de douche, honteuse, subit les conseils de sa mère, toujours aussi envahissante, les bras chargés de tampons hygiéniques… Une orientation pas si culottée que ça, qui tient surtout à l’âge du public vers lequel le film se destine : la primoadolescence, voire encore plus tôt.
C’est un fait mais en dehors de cette technique d’animation toujours impeccable, clairement la marque de fabrique de Pixar, Alerte rouge pèche par facilité, et oublie de charmer les adultes – rappelant au passage que les studios ont été rachetés par Disney en 2006, et que certaines de ses œuvres en subissent un formatage de conséquence.
Film générationnel, ce récit initiatique s’inscrit dans la culture du siècle nouveau, entre la musique des boys band et l’emprunt tous azimuts au manga, au point parfois de s’égarer comme lors de cette fin en mode «Godzilla».
Derrière l’humeur joviale et les sentiments à vif qui bousculent les têtes et les corps, la réalisatrice oublie de donner de l’épaisseur à ses personnages (secondaires, comme ce père totalement absent et les copines, trop criardes).
Pire, dans les derniers moments, elle sacrifie (pour ne pas dire bâcle) son scénario, comme elle-même essoufflée par tant de sensations remontant à la surface. Ce qui confirme le message : mieux vaut garder la tête froide pour ne pas s’égarer.
Le film joue à fond sur les symboles des affres de la puberté, ici féminine
Alerte rouge de Domee Shi
Genre Animation
Duréee 1 h 40
Chaine Disney+