Entre un Gerson Rodrigues qui cherche un club et un Vincent Thill qui n’a plus joué depuis un an, le leadership offensif n’est-il pas pour l’heure entre les mains de Danel Sinani?
Depuis le début d’année, les visiteurs du CFN de Mondercange autant que les jeunes aspirants sont accueillis, au rez-de-chaussée, par une photographie géante de Danel Sinani. Le cliché est à la fois beau… et trompeur. Le poing rageur, la joie bestiale qu’y exprime l’attaquant de Huddersfield éludent ce qu’il y a derrière : il s’agit de la célébration de courte durée que l’ancien Dudelangeois a montrée au mois de novembre dernier contre l’Irlande. Devant un stade plein, Sinani pensait alors avoir ouvert le score et la voie pour aller sécuriser la troisième place de groupe lors des éliminatoires du Mondial-2022. Mais son but sera annulé et derrière, le match tournera en eau de boudin (0-3).
D’une Irlande à l’autre, Sinani a vécu un hiver complètement dingue. En trois mois et demi, le gaucher aura disputé la bagatelle de 23 rencontres, inscrivant cinq buts, délivrant une passe décisive, disputant un 8e de finale de Cup, se hissant avec son club, au fil de 16 matches sans défaite, parmi les équipes qui, au printemps, joueront pour monter en Premier League. Aujourd’hui, seuls six joueurs de champ de son club de Huddersfield ont disputé plus de minutes que lui et il en ressort deux choses, intrinsèquement liées. Une lassitude psychique à laquelle Holtz a répondu en lui laissant une journée de plus qu’à ses coéquipiers pour se ressourcer en famille. Un évident mieux-disant footballistique, que le sélectionneur a immédiatement constaté : «Il a pris une ampleur folle dans ses enchaînements techniques, dans l’utilisation de son corps, dans la répétition des courses. Il a vraiment grimpé d’un échelon.»
Les attaquants nord-irlandais… moins hauts que lui
Ce genre de constat, le technicien l’avait dressé pour à peu près tous ses joueurs offensifs devenus pros ces dernières années et ce n’est pas maintenant qu’il passe tous les jours devant le portrait géant de son divin gaucher pour monter à son bureau qu’il va minimiser les faits. C’est qu’en plus, on a envie de suivre aveuglément ce papier peint que la FLF s’est choisi pour son hall d’entrée et que Sinani est, actuellement, le joueur qui offre le plus de garanties.
La preuve : Edvin Muratovic n’a pas un statut de titulaire indiscutable au F91, leader de BGL Ligue. Bien qu’étant remonté en 2e Bundesliga, Maurice Deville a enfilé le costume du joker de fin de matches à Sandhausen, une équipe qui lutte pour le maintien. Vincent Thill va retrouver les affaires après un an sans jouer, même si Luc Holtz assure qu’on ne remarque pas sa longue absence pour pubalgie. Gerson Rodrigues recherche un point de chute après s’être fait licencier par son club de Troyes et quelques semaines à s’entraîner seul. Sinani donc, avec ses 6 buts inscrits en 41 sélections (c’est quatre de moins que Gerson en autant d’apparitions), pourrait bien lancer 2022 dans la peau de l’attaquant référent. Cela n’empêchera pas Luc Holtz de devoir chercher à orchestrer une nouvelle partition avec, enfin, tous ses joueurs offensifs revenus de blessure.
Mais pour une fois, grâce à Sinani, on va pouvoir mesurer très concrètement l’écart qualitatif infime qui peut exister entre la 54e nation mondiale, l’Irlande du Nord, et les Roud Léiwen, 93e. Prêté par Norwich, club de Premier League à Huddersfield, actuel 4e de Championship, Sinani aurait presque le droit de regarder de haut le quatuor offensif qu’Ian Baraclough a sélectionné : si Shayne Lavery a inscrit 8 buts dans le même championnat mais avec Blackpool, seulement 13e, les trois autres joueurs évoluent eux… en League One, soit le troisième échelon anglais. Sans y faire d’étincelles. Dion Charles a scoré à six reprises avec Bolton, le 11e, Josh Magennis n’a planté que deux fois avec Wigan, le 2e et Gavin Whyte émarge à une toute petite réalisation avec Oxford, le 5e. Ces garçons-là ne sont pas près d’avoir leur portrait géant dans le hall de leur fédération, à Belfast…