Le LuxFilmFest a donné son départ jeudi soir. Mais, comme à l’accoutumée, les œuvres en réalité virtuelle ont anticipé le début du festival. Avec un programme époustouflant.
Il y avait encore peu de visiteurs matinaux, jeudi, à l’ouverture du pavillon réalité virtuelle (VR), à l’abbaye de Neumünster… De sorte que chacun a pu profiter des différentes expériences proposées sans subir aucune attente. Oui, la VR est bel et bien de retour à l’édition 2022 du LuxFilmFest, après deux ans de pandémie qui ont eu un impact sur le concept : règles sanitaires obligent, en 2021, les six casques du pavillon VR ne proposaient que des œuvres qui ne nécessitaient pas d’interaction avec le spectateur. D’un autre côté, le système de «VR to go» permettait de louer un casque pour profiter de la VR chez soi, en accord avec la version hybride développée en même temps par le LuxFilmFest. Pour la cinquième année consécutive, la collaboration entre le Centre PHI de Montréal et le Film Fund Luxembourg continue de se renforcer et offre aux festivaliers la possibilité de voir quelques-unes des meilleures productions mondiales du cinéma immersif.
«Nous nous réjouissons d’une longue relation déjà bien établie» entre les deux institutions, a déclaré le président du LuxFilmFest, Georges Santer. L’ex-diplomate a tenu à souligner de manière générale que les coopérations, en particulier dans le domaine culturel, entre le Luxembourg et le Québec sont «extrêmement intenses». Pour preuve, ils sont venus nombreux pour représenter la province canadienne, à commencer par la cheffe des partenariats et nouveaux médias du pôle culturel montréalais, Myriam Achard. «Si le Centre PHI est le poumon de la création VR, elle en est le cerveau», a glissé Guy Daleiden, directeur du Film Fund. C’est grâce à leur collaboration que le festival peut se targuer d’une belle compétition de dix films en réalité virtuelle et en réalité augmentée (XR).
«La crème de la crème»
«Nous n’avons pas souhaité mettre l’accent sur les prouesses technologiques, mais sur la force du récit», commente pour sa part l’invitée québécoise à propos de la compétition. Aucun lien avec les restrictions sanitaires qui ne permettaient pas, l’année dernière, l’usage des manettes pour les expériences interactives; ce qui motive la préférence de la narration sur la technique, c’est d’affirmer que la VR ne doit plus être vue comme une simple attraction, mais bien comme «faisant partie intégrante du monde du cinéma», expose Georges Santer.
Cela ne veut toutefois pas dire que les exigences du comité de sélection des œuvres VR ont été revues à la baisse pour favoriser l’un ou l’autre aspect d’une œuvre. Au contraire. On remarque certes que le fil rouge de cette compétition est d’explorer de nouvelles formes de narration pour un cinéma politique ou social, traitant de thèmes tels que l’exil face à la barbarie (End of Night, de David Adler), l’immigration (The Book of Distance, de Randall Okita), l’emprisonnement de masse (Reeducated, de Sam Wolson), la disparition des langues ethniques (Kusunda : Speak to Awaken, de Felix Gaedtke et Gayatri Parameswaran) ou encore la maladie mentale (Goliath : Playing with Reality, de Barry Gene Murphy et May Abdalla). Mais on ne peut que s’émerveiller devant la maîtrise que ces nouveaux cinéastes ont de leur art. Guy Daleiden lui-même l’admet : «C’est la crème de la crème de la production et de la réalisation des nouvelles écritures cinématographiques.»
Séquences ludiques
Les récits qu’ils dévoilent sont certes fascinants, mais c’est l’effort de mise en scène immersive qui leur donne toute leur profondeur. Ainsi, on s’émeut devant l’histoire intime de The Book of Distance (celle du grand-père du réalisateur, Japonais émigré au Canada), on est saisi par la beauté terrible d’End of Night (une expérience que l’on vit, comme le protagoniste, assis dans une barque), on est éprouvé par la dureté de Reeducated… Jusqu’à être finalement terrassé par le terrassant Goliath, expérience folle – et déconseillée aux âmes sensibles – narrée par la voix si reconnaissable de Tilda Swinton, qui utilise l’esthétique du jeu vidéo «old school» (séquences ludiques à l’appui!) pour raconter une terrible histoire de maladie et d’addiction.
Un seul regret : parmi les trois œuvres «made in/with Luxembourg» du programme, une n’est visible qu’à Dudelange (The Assembly, de Charlotte Bruneau), une autre était déjà visible depuis novembre au Mudam (Metamorphosis, de Karolina Markiewicz et Pascal Piron) et la dernière, promise comme un véritable phénomène, n’est proposée que dans une version réduite (Le Bal de Paris, de Blanca Li). Mais Guy Daleiden tempère et promet déjà que la célèbre chorégraphe espagnole viendra présenter «une version « live » du Bal de Paris durant la saison au Grand Théâtre de Luxembourg». Sachant que le principe du film est d’inviter le public à l’intérieur de la même expérience virtuelle, on a hâte de voir ce que cela donnera.