Honteux et en souffrance. C’est l’état dans lequel se trouve Dirk, 22 ans, après avoir découvert en même temps que la justice qu’il serait attiré par les corps prépubères.
Un grand jeune homme un peu gauche et voûté se présente à la barre. Mal à l’aise, il n’ose poser son regard bleu sur les personnes présentes dans la salle d’audience du tribunal et ses gestes saccadés traduisent sa nervosité. De la main droite qui dépasse en partie de la manche de son pull, il joue avec le lobe de son oreille. Il a gardé sa parka jaune moutarde et ses cheveux blonds sont relevés en «bun» au sommet de sa tête. Dirk, c’est son nom, a 22 ans et dit être honteux de ce qu’il a fait. Il aurait du mal à en parler et encore plus à réaliser qu’il pourrait présenter une fixation pédophile.
Dirk aurait découvert des images d’enfants sexualisés sur un site internet présentant des photographies sur des thématiques extrêmes qu’il avait pris l’habitude de consulter, et il aurait commencé à se sentir attiré par ces corps à peine pubères. interpellé par cette attirance, le jeune homme aurait voulu l’interroger et l’analyser, a indiqué l’expert psychiatre chargé d’établir son portrait psychologique. Le prévenu affirme, quant à lui, avoir juste voulu prouver à un ami à quel point il était facile de trouver ce type de contenus en ligne. Le 2 janvier 2018, il lui aurait envoyé deux fichiers, une image et une vidéo, via Messenger.
Au même moment, une alarme sonne chez Facebook qui avertit Europol du partage de contenus à caractère pédophile. Europol a ensuite retracé l’envoi au Luxembourg et la police grand-ducale est remontée jusqu’à l’établissement scolaire fréquenté par Dirk à l’époque et finalement à Dirk. Des centaines d’images et de vidéos sont retrouvées sur divers supports numériques par la police à la suite d’une perquisition au domicile des parents du jeune homme, dont des mangas érotiques. «Il y avait trois ou quatre histoires différentes et des images isolées», a précisé l’enquêteur de la police grand-ducale au président de la 7e chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg. «Toutes les images étaient dessinées ou créées de manière digitale. Mais pour nous, tout ce qui ressemble à un enfant est considéré comme un enfant.»
«C’est une question difficile»
Dirk s’était justifié auprès de l’expert psychiatre en argumentant que comme il ne s’agissait pas de vraies personnes sur les images, personne n’avait souffert pour les réaliser et qu’il n’avait pas entretenu une quelconque filière. Argument qui sera également soulevé par Me Lentz dans sa plaidoirie de défense. Le discours du prévenu est ambigu : tantôt il aurait voulu briser les tabous, tantôt il aurait téléchargé d’autres photographies et les images pédopornographiques se seraient glissées parmi elles, tantôt il aurait banalisé ses actes.
L’expert psychiatre, après avoir diagnostiqué une «immaturité sexuelle», a expliqué que le jeune homme ne voudrait pas reconnaître sa «fixation pédophile», mais aurait tout de même recherché de l’aide en ligne. Il aurait entretemps pris rendez-vous chez un thérapeute. «Son pronostic est bon, mais il doit être pris en charge pour revenir à une sexualité normale», a noté l’expert qui précise que toutes les personnes dans le cas de Dirk ne passent pas forcément à l’acte. Il a ajouté que le prévenu craint de passer pour un pervers ou un prédateur sexuel.
Une crainte qui a paralysé le jeune homme face au président de la chambre correctionnelle. «Vous vouliez voir les images ou pas?», a demandé ce dernier. «C’est une question difficile», a répondu Dirk timidement. «Oui, non, peut-être?», a enchaîné le juge. «Je préférais me dire que je n’ai pas voulu les trouver, a balbutié le jeune homme. Je ne suis pas très sûr de moi.»
Le procureur a requis une peine de 9 mois de prison et une amende à son encontre pour avoir acquis et consulté des contenus à caractère pédopornographique, en avoir diffusé et les avoir conservés en vue de cette diffusion. Il ne s’est pas opposé à ce que la condamnation soit assortie d’un sursis probatoire avec une obligation de traitement.
Me Lentz, l’avocat de Dirk, a plaidé en faveur d’une peine plus clémente. Toutes les images des mangas érotiques n’auraient pas présenté de scènes pédopornographiques, son client n’a jamais encore été condamné par la justice et il souffrirait réellement de la situation. De plus, une telle peine de prison l’empêcherait de poursuivre ses études.
La 7e chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg rendra son jugement le 24 mars.