Le Luxembourg pas si cher (notre article du 27-8 ici). C’est en tout cas ce que pense la Confédération luxembourgeoise du commerce (clc), chiffres à l’appui. Ses chiffres à l’appui, doit-on préciser, car dans ce domaine, comme dans bien d’autres, la vérité n’est pas unique. On se souvient de cette célèbre phrase du statisticien américain Aaron Levenstein : «Les statistiques, c’est comme le bikini. Ce qu’elles révèlent est suggestif. Ce qu’elles dissimulent est essentiel.»
«Se battre pour chaque client»
La question de savoir si le commerce luxembourgeois est compétitif ne date pas d’hier. Je me souviens de la Déclaration sur l’état de la nation présentée le 2 mai 2006 par le Premier ministre Juncker, dont voici quelques extraits :
«Au Luxembourg, le taux de TVA normal est de 15 %. C’est le taux de TVA le plus bas en Europe. (…) Cela veut dire que chez nos voisins, beaucoup de choses devraient être plus chères que chez nous, parce qu’à Metz, à Arlon et à Trèves, on paie beaucoup plus d’impôts au moment de l’achat. Or rien qu’à Trèves, les Luxembourgeois dépensent 160 millions d’euros par an. (…) Pour qu’il n’y ait pas de malentendu : nous n’avons rien contre le fait que les Luxembourgeois fassent leurs achats également dans la Grande Région. [C’est l’Européen Jean-Claude Juncker, citoyen d’honneur de la ville de Trèves qui parle!] Mais pratiquant l’impôt sur la consommation le plus bas, nous voulons faire du Luxembourg le principal centre commercial de la Grande Région. (…) Nous lancerons, en collaboration avec la Confédération du commerce, une importante offensive de promotion pour faire du Luxembourg le premier centre commercial de la Grande Région. Il faut bouger, il faut nous battre pour chaque client allemand, belge et français.»
Un des piliers de la Grande Région
À côté du travail frontalier, véritable «ciment» de la Grande Région, il y a aussi les habitudes de consommation transfrontalière qui font que la Grande Région existe. L’étude «Vivre dans la Grande Région» réalisée en 2003 par la fondation Forum Europa et l’université du Luxembourg avait déjà insisté sur l’importance grandissante de la fréquence des achats de part et d’autre des frontières intérieures de la Grande Région.
À l’époque, les Allemands venaient principalement au Luxembourg pour acheter des produits alimentaires et des produits frais (poisson, fromage, etc.), sans oublier le tabac, l’alcool et l’essence. En dehors des produits soumis aux accises, les Français et les Belges appréciaient particulièrement les vêtements, les chaussures et les articles pour la maison, le jardin et la voiture. Quant aux Luxembourgeois, ils se rendaient à l’étranger – surtout dans la région frontalière allemande – pour y acheter vêtements, chaussures, produits alimentaires, meubles (énormément!), livres, CD et DVD.
Pourquoi traverser la frontière pour les achats? C’est très simple : parce que l’on pense y faire de meilleures affaires. Ou bien l’offre, c’est-à-dire le choix, est plus grande, ou bien le service est plus agréable et plus efficace, ou bien, et c’est souvent le cas, les prix sont plus intéressants.
Ne pas tout confondre
Attention cependant à ne pas vouloir comparer des pommes et des poires. Si des non-résidents viennent au Luxembourg pour acheter des fringues et si des Luxembourgeois partent à Trèves pour la même raison, ce ne sont pas les mêmes biens qu’ils achètent. Les gammes de produits ne sont pas identiques, les marques non plus, ni la finition ni les tailles, ni les prix.
Il ressort d’une statistique publiée le 19 juin 2015 par Eurostat que le Luxembourg compte parmi les pays les plus chers de l’Union européenne, tout en étant sensiblement moins cher que ses concurrents directs pour les boissons alcoolisés, le tabac, l’électronique grand public et les véhicules personnels, niveau de TVA plus bas oblige.
Le Luxembourg, pays pas cher?
Après toutes ces années de campagne de promotion «Shopping in Luxembourg – Good Idea», la clc ne pouvait pas se satisfaire d’une étude qualifiant le Luxembourg parmi les plus chers. On peut comprendre. L’Observatoire de la formation des prix lui a donc fait sa propre étude, basée sur les prix de vente moyens des 343 produits les plus demandés dans nos supermarchés. À la grande surprise du public – la clc s’en étonnant beaucoup moins –, le Luxembourg serait jusqu’à 10 % moins cher que ses voisins.
La clc a raison : dans le panier d’une ménagère (luxem)bourgeoise, il y a des produits «non standardisés avec des différences parfois notables en matière de qualité». Un filet de bœuf argentin, ce n’est pas un rumsteak de je ne sais d’où. Que le consommateur se rassure : celui qui vient faire ses courses au Luxembourg a bien raison. Celui qui se rend à Trèves n’a pas tout à fait tort non plus.
Claude Gengler, directeur du Quotidien