Un père et son fils sont suspectés d’avoir commis des actes d’une «brutalité extrême» sur quatre jeunes qui distribuaient des publicités sur le parking de l’aéroport du Findel.
Ahmed avait trouvé un job d’appoint qui lui permettait de poursuivre ses études tout en gagnant un peu d’argent. Avec des amis, syriens comme lui, il distribuait des cartes publicitaires pour des vendeurs de voitures d’occasion sur les parkings. De ces petites cartes plastifiées que l’on retrouve parfois glissées sous un essuie-glace ou contre la fenêtre de nos véhicules. Les jeunes travaillaient en binôme. Le jeune homme, à peine majeur au moment des faits, travaillait avec son ami Mohammed sur un des parkings de l’aéroport du Findel quand ils se sont fait agresser par Amer et Wadih, un père et son fils, qui, dit-il, distribuaient des cartes publicitaires pour une entreprise d’achat et de vente de voitures d’occasion.
«J’ai vu au sol des cartes semblables à celles que nous distribuions. Je me suis baissé pour les ramasser», raconte Ahmed à la barre de la 7e chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg, où il était appelé mercredi matin. «Les deux hommes sont venus vers moi en m’insultant de fils de chien. Le plus jeune m’a bousculé tandis que je me relevais et je l’ai repoussé à mon tour. Il a pris la fuite et est revenu avec une barre de fer.» Pris de panique, Ahmed ne trouve d’autre moyen de se défendre, dit-il, que d’utiliser sa ceinture comme une arme. Une mauvaise idée, reconnaît-il en riant. L’enlever lui a fait perdre son pantalon.
«Je me suis caché entre les voitures, pensant qu’il ne prendrait pas le risque de les abîmer en essayant de me frapper avec la barre», poursuit-il. Les coups auraient tout de même plu. Ahmed dit être tombé à terre. Il ajoute que le plus âgé des deux agresseurs qui, selon lui, jusque-là, s’en prenait à Mohammed, est arrivé en renfort. Il aurait notamment utilisé une grosse pierre pour frapper la victime à l’abdomen avant de lancer à son fils : «Laisse-le, il est déjà mort !» «Le plus jeune m’a donné un dernier coup de pied et j’ai perdu connaissance», explique Ahmed.
Son ami, dont la dérouillée a été moins sévère, prévient immédiatement la police. «Les deux hommes qui nous ont agressés ne voulaient pas que nous distribuions des publicités, indique Mohammed. Le plus jeune a menacé de nous égorger. Il s’agissait de chiites libanais et nous sommes des sunnites.» Le père et son fils auraient également dit à leurs victimes présumées qu’elles avaient «échappé à la mort en Syrie, mais vous n’échapperez pas à la mort aujourd’hui».
«Brutalité extrême»
Les faits se sont produits le 11 avril 2019 vers 15 h 30. Plus de deux heures plus tôt, Amer et Wadih, qui n’étaient pas présents mercredi et seront par conséquent jugés par défaut, s’en seraient déjà pris à deux autres jeunes Syriens qui distribuaient les mêmes cartes qu’Ahmed et Mohammed. «Ils nous ont pris nos cartes et les ont jetées à terre, témoigne Amjad. Le plus jeune des deux hommes a ôté sa ceinture et m’a frappé dans le dos avec la boucle. Il m’a aussi donné un coup de poing au visage.» Eux aussi auraient été victimes de menaces de mort et d’égorgement.
La police était également intervenue à ce moment-là et avait demandé au père et à son fils, qui niaient les faits qui leur étaient reprochés, de se tenir à carreau. Ils risquent d’être condamnés à une peine de 18 mois de prison et à une amende appropriée. La représentante du ministère public a estimé que pour les deux faits, les infractions de coups et blessures volontaires et de menaces de mort étaient données à leur encontre. Les jeunes gens, certificats médicaux à l’appui, ont bien été blessés. Les agressions subies alors «qu’ils ne faisaient que leur travail» ont été «d’une brutalité extrême», selon elle. Selon le parquet, l’intention criminelle des deux auteurs présumés est confirmée par leur deuxième passage à l’acte lors duquel ils sont encore montés d’un cran en matière de violence.
Ahmed, qui note ne jamais avoir eu à subir un tel traitement jusqu’à présent et dit être encore fortement choqué deux ans après les faits, s’est porté partie civile.
La 7e chambre correctionnelle rendra son jugement le 17 mars.