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L’OGBL vent debout contre Orpea


Le groupe Orpea est déjà présent dans 23 pays. L’OGBL ne veut pas que le Luxembourg vienne compléter cette liste au vu des abus «systématiques». (Photo : afp)

L’OGBL s’oppose à l’ouverture au Luxembourg d’une maison de soins du groupe Orpea, au cœur d’un scandale en France après la parution d’un livre faisant état de maltraitances dans ses établissements.

Le 18 janvier dernier, une semaine à peine avant la publication du livre Les Fossoyeurs du journaliste français Victor Castanet mettant en lumière les graves manquements dans la prise en charge des résidents des maisons de retraite du groupe Orpea ainsi que des détournements de fonds publics et des discriminations syndicales, Orpea avait déposé une demande d’agrément auprès du ministère de la Famille luxembourgeois pour pouvoir exploiter deux maisons de retraite au Grand-Duché. La première est supposée ouvrir dès le mois de mars à Merl, tandis qu’une deuxième est prévue l’année prochaine à Strassen.

La demande est toujours en cours d’analyse malgré le scandale, ce qui n’a pas manqué de faire réagir l’OGBL, syndicat majoritaire dans le secteur de la santé, qui appelle dans un communiqué les responsables politiques à «ne pas ouvrir la porte à une entreprise internationale qui importe des méthodes scandaleuses, visant uniquement à faire du profit au détriment de la qualité de la prise en charge des personnes âgées et en bafouant systématiquement les droits de ses salariés».

Pour l’OGBL, en effet, le groupe Orpea, dans une volonté de faire toujours plus de profits, a mis en place partout où il est implanté des directives pour le moins abusives. «Le scandale autour d’Orpea est loin d’être un phénomène isolé, affirme Pitt Bach, secrétaire central du département Santé, services sociaux et éducatifs de l’OGBL. Partout dans le monde où le groupe est installé et exploite des structures pour personnes âgées, les organisations syndicales dénoncent des problèmes similaires de rationnement des moyens, qui sont des conséquences directes de la politique d’Orpea, toujours à la recherche d’un taux de rentabilité plus élevé. Nous avons participé à des échanges syndicaux au niveau européen, et on remarque aussi très clairement qu’il y a une stratégie de la part d’Orpea pour écarter les délégations syndicales.»

«Pourquoi ce serait différent au Luxembourg?»

Outre les faits de maltraitance et de manquements graves envers les personnes âgées, les syndicats dénoncent en effet une atteinte aux droits syndicaux dans les établissements Orpea : intimidation systématique, agents infiltrés dans les instances syndicales et agents privés chargés de surveiller les salariés, délégations tenues à l’écart…

«Pourquoi ce serait différent au Luxembourg?», interroge Pitt Bach. «Il y a eu des cas similaires dans pratiquement tous les pays où le groupe est installé (NDLR : le groupe compte 1 114 établissements dans 23 pays). Nous ne sommes pas assez naïfs pour penser que ce sera différent au Luxembourg.»

Alors quand la ministre de la Famille Corinen Cahen examine le dossier Orpea comme n’importe quel autre dossier, au vu de la loi actuelle qui ne prend pas en considération le volet humain de la prestation, Pitt Bach fulmine : «Il y a aussi une question morale! On ne peut pas totalement ignorer ce qui se passe dans d’autres pays et qui prouve qu’il s’agit d’un problème structurel et systématique. Il s’agit quand même d’argent public, il y a donc une responsabilité politique derrière. Il faut prendre tout cela en compte dans l’analyse de la demande d’agrément.»

Avec la loi actuelle, il y a cependant de fortes chances pour qu’Orpea obtienne cet agrément et puisse s’installer au Luxembourg. L’OGBL exigera alors «des garanties», d’autant qu’au Grand-Duché, un délégué syndical ne peut être élu qu’au bout d’un an de présence dans l’entreprise, ce qui signifie que pendant la première année d’existence de la maison de soins, il n’y aura pas de délégation du personnel. «Or pour un tel cas, ce n’est pas tenable. Si la conclusion de l’analyse est positive pour Orpea, il faudra absolument garantir que les droits des salariés seront respectés et que la qualité de vie des résidents sera respectée», avertit Pitt Bach.

Le Luxembourg épargné jusque-là

Le Luxembourg n’a jusqu’à présent connu aucun scandale tel que celui d’Orpea au sein de ses Ehpad : «L’OGBL est le syndicat majoritaire dans le secteur et nous avons des représentations dans la plupart des maisons de soins du pays. Nous avons donc beaucoup d’échanges avec les délégations du personnel. S’il y a eu effectivement des dossiers ouverts, il n’y a en tout cas rien de similaire, de cette ampleur, au Luxembourg», a assuré le secrétaire central, Pitt Bach.