Des citoyens spécialement sélectionnés ont établi 44 recommandations pour amener le Luxembourg à la neutralité carbone d’ici 2050. Le coordinateur, Jürgen Stoldt, revient sur ce processus qui aura duré un an.
Dans le cadre de Luxembourg in Transition, lancé en juin 2020 pour imaginer comment le Luxembourg et les territoires frontaliers pourraient atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, le ministre de l’Aménagement du territoire, Claude Turmes, a souhaité intégrer les citoyens aux travaux des équipes internationales d’architectes et d’urbanistes. Trente citoyens ont donc été sélectionnés selon un certain nombre de critères pour faire partie du Biergerkommitee Lëtzebuerg 2050, ou BK2050. Le bureau de Jürgen Stoldt, Stoldt Associés, a été chargé de concevoir et coordonner tout le processus.
Comment s’est déroulée cette consultation citoyenne ?
Jürgen Stoldt : L’expérience a duré un an. Dans une première phase, le groupe de citoyens a eu la possibilité de s’informer, de se plonger dans cette vaste question de la transformation d’un territoire vers le zéro carbone à l’horizon 2050. Nous avons donc pu suivre douze visioconférences, que l’on peut retrouver sur le site luxembourgintransition.lu. Elles portaient sur les questions de climat, de biodiversité, de géographie, de fonctionnement du territoire (mobilité, logement, marché du travail), sur l’économie et sur le changement climatique. Les conférences étaient à chaque fois suivies d’une discussion en huis clos entre les experts et le groupe, lequel a d’ailleurs eu la possibilité d’intervenir et d’exercer une influence sur les méthodes ou contenus qu’il voulait entendre. Puis, dans une deuxième phase, à partir de juillet 2021, les membres du groupe se sont retrouvés d’abord pour tout mettre à plat, puis structurer cette masse d’informations et discuter des conclusions à établir, et enfin rédiger les recommandations.
Comment ont été choisis les experts qui ont mené les conférences ?
Le ministère de l’Énergie et de l’Aménagement du territoire, qui était notre mandataire, nous a laissé, à nous les organisateurs, une énorme liberté, aussi bien dans la conception de la méthodologie que dans le choix des experts. Au Luxembourg, il y a quelques noms évidents, mais nous avons essayé de faire un mélange et de trouver les orateurs les plus pertinents. C’étaient évidemment des gens qui connaissent bien le territoire luxembourgeois et la Grande Région.
Comment le groupe de citoyens a-t-il défini ses recommandations ?
Le groupe a eu le temps de réfléchir et de revenir chaque fois que nécessaire sur ce qui a été écrit. Il a réussi à trouver des consensus sur tous les points, ce qui n’était pas évident au départ parce qu’il y avait une énorme divergence de vues et d’expériences de vie rassemblées dans ce groupe. Ce consensus n’était pas prévu par les coordinateurs : on aurait par exemple pu décider de faire un vote sur les différents points, mais le groupe y a tenu. Le résultat, ce sont trois textes : le premier présente les principes dont le groupe pense qu’ils doivent être à la base d’une politique de transition, le deuxième est une analyse des forces et des faiblesses du Luxembourg sur la voie du zéro carbone, et le troisième, ce sont les 44 recommandations.
Les consultations citoyennes permettent d’identifier l’intérêt général
D’après la huitième recommandation, « tous les villages ne devraient pas être forcés de grandir ». Or, face à la pénurie de logements dans le pays, la construction semble inéluctable. Que proposent les citoyens pour remédier à ce problème ?
Pour le moment en tout cas, les réserves foncières à l’intérieur des PAG, ces terres que les communes ont désignées comme constructibles, sont encore énormes. Mais beaucoup de propriétaires retiennent leur terrain et ne font pas construire, c’est ce que l’on pourrait appeler de la rétention de terrain. La solution de facilité serait d’agrandir le PAG, c’est-à-dire que les communes décident d’intégrer d’autres terrains agricoles dans leur PAG. Mais pour le groupe, c’est très clair : il ne faut plus les agrandir, mais densifier les centres urbains, qui sont des zones de développement où il y a déjà des infrastructures publiques efficaces. Le problème, c’est que les communes ne peuvent augmenter leur assise financière que par la croissance de leur population, le groupe a donc demandé que d’autres moyens que cette croissance permettent aux communes de recevoir de l’argent de l’État.
Parmi ces 44 recommandations, y a-t-il une mesure à prendre plus urgente que les autres ?
Malheureusement, je ne peux pas en désigner une seule ! Le groupe a justement choisi de ne pas choisir les dix points les plus importants. Ils sont d’avis que tout est important et tout se tient, il faut donc lire les 44 recommandations !
Les citoyens ont présenté, mardi, le fruit de leur travail au ministre Claude Turmes. Quelle est la suite ?
Ces documents vont servir d’inspiration au ministère de l’Aménagement du territoire dans le cadre de la réforme du Programme directeur d’aménagement du territoire (PDAT). Cette expérience va également servir de modèle pour institutionnaliser les consultations citoyennes au niveau national. Ce sera ainsi une référence méthodologique pour l’initiative lancée par le Premier ministre avec l’instauration du Klima Biergerrot (KBR), qui doit débuter le 29 janvier.
Après cette expérience, pensez-vous que les consultations citoyennes sont essentielles ?
Dans le meilleur des cas, un tel processus permet d’identifier l’intérêt général. En effet, un groupe comme celui-ci, qui représente la diversité de la population, a l’avantage d’intégrer des gens qui n’ont pas d’intérêts propres. Ainsi, lorsque vous leur transmettez des informations qui sont habituellement seulement entre les mains des experts et des politiques, ils arrivent à un niveau de compréhension qui leur permet de formuler des positions désintéressées et en connaissance de cause, ce que vous n’avez pas dans un sondage ou lorsque vous consultez des lobbies et autres types de conseils, qui ont des intérêts corporatistes. Cette combinaison est donc fascinante, parce que soudain vous avez l’intérêt commun. Alors pour moi, ça en vaut la peine !
Entretien avec Tatiana Salvan
Les 44 recommandations
Les membres du Biergerkommitee Lëtzebuerg 2050 (BK2050) ont établi 44 recommandations portant sur des domaines précis, dont voici quelques exemples.
Gouvernance et information
> Information accrue de la population sur les causes et conséquences du changement climatique
> Créer plus de transparence et informer les citoyens sur les choix politiques
> Implication conséquente des citoyens dans les processus de décision
Aménagement du territoire et architecture
> Ne pas forcer les villages/communes à grandir
> Ne pas étendre les périmètres constructibles
> Respecter la mixité des usages dans la planification des villes et quartiers
> Planification et construction durables et saines comme norme
> Respect des critères durables dans les soumissions publiques
Biodiversité et protection des sols
> Réelle protection et développement des réserves naturelles et des sites Natura2000
> Examen critique des mesures de compensation
> Agriculture durable protégeant la biodiversité sur la majorité des surfaces
> Interdiction des imperméabilisations complètes qui ne sont pas absolument nécessaires
> Une loi globale sur la protection des sols
Mobilité et économie
> Offre de mobilité douce et intelligente pour relier les communes rurales en combinaison avec des circuits économiques courts
> Réduire la consommation inutile de ressources (par exemple taxer les voitures trop gourmandes) et abandon du tourisme à la pompe
> Encouragement du télétravail et des espaces de coworking pour réduire les déplacements
> Réorientation des investissements publics et privés pour sortir des énergies fossiles
> Importation exclusive d’électricité verte
La brochure du BK2050 2050 avec l’intégralité et le détail des recommandations est à retrouver ici.
Les propriétaires de biens immobilers et les automobilistes vont encore se faire rétamer joyeusement dans la quasi-totalité de ces 44 « propositions ». N’oublions pas que cela a été fait avec des « citoyens spécialement sélectionnés », sans doute pour leur obédience à la doxa dominante…
Le plus simple et rapide est de développer le biogaz. Ce n’est qu’une question de volonté !
Je propose que les fonctionnaires puissent éventuellement se rapprocher de leur lieu de travail et effectuant des transferts et ainsi diminuer les distances, les coûts et la pollution des transports. Par ex. dans l’éducation nationale nommer les personnes dans leur région. Certains viennent de l’Est pour aller dans le Sud par ex.