En retrait de la vie politique depuis des années, le socialiste René Kollwelter refait surface ces jours-ci à coup de tribunes au vitriol dans la presse. Il est aussi à l’origine d’un appel à faire du bruit chaque samedi contre les dérives du mouvement covidsceptique. Sa façon de «résister».
Figure bien connue de la scène politique luxembourgeoise, l’ex-député socialiste René Kollwelter, conseiller communal de la Ville de Luxembourg pendant plus de 25 ans, s’était retiré de la vie publique depuis bien longtemps. Mais surprise, ces derniers jours, son nom est réapparu dans la presse, au bas de lettres ouvertes dénonçant, avec le sarcasme qu’on lui connaît, le climat délétère qui plane sur le pays.
«Je ne pouvais plus rester silencieux», explique-t-il, pointant le rassemblement qui a dégénéré il y a dix jours en ville au cours duquel les domiciles privés de ministres ont été pris pour cible. «Ça m’a révolté et j’ai aussi ressenti un immense ras-le-bol», poursuit-il. «Je crois que, comme moi, beaucoup de gens ont été choqués. Il fallait réagir. Or, dans ces cas-là, on a tendance à attendre que quelqu’un d’autre fasse quelque chose.»
«Les tensions sont partout»
Lui n’a pas attendu. Il décroche son téléphone et mobilise rapidement quelques proches autour de lui pour lancer l’initiative «Nous, citoyens» qui appelle tous ceux qui ne cautionnent pas ces actions violentes à faire du bruit le samedi à midi, aux fenêtres et aux balcons, avec des casseroles. «L’idée est avant tout d’occuper l’espace public, de se le réapproprier, au moins en partie. Je voulais organiser une sorte de résistance», confie-t-il.
Car pour l’ex-conseiller d’État, il y a urgence, alors que la société se fracture et que la démocratie s’en trouve dangereusement fragilisée : «Les tensions sont partout, en famille, entre amis, au travail. On ne peut pas continuer comme ça. On doit trouver une forme de médiation entre les uns et les autres, réinstaurer le dialogue et l’échange», analyse-t-il.
Quant au risque de creuser encore un peu plus ce fossé qu’il redoute entre les deux camps, il est assumé : «Oui, peut-être que cela peut contribuer à dresser les uns contre les autres, mais c’est nécessaire. En politique, c’est toujours un rapport de force, on ne peut pas laisser l’adversaire dominer le débat», tranche-t-il.
Des airs du mouvement des «gilets jaunes»
Et pas question pour lui de céder un pouce de terrain au mouvement antivaccin, qu’il n’hésite pas à comparer à un autre mouvement apparu il y a deux ans chez nos voisins. Infiltré dans la manifestation de samedi dernier au Glacis, lui qui a vécu des années en France, est formel : «Dans sa constitution, dans son manque d’homogénéité, ce mouvement rappelle beaucoup celui des « gilets jaunes« . Alors, pourquoi ne pas s’inspirer de ce qui a été fait par Macron et organiser des réunions publiques autour de médiateurs?» propose-t-il, arguant qu’il devient crucial de trouver de nouvelles formes de dialogue quand une large partie des manifestants «se retranchent derrière leurs propres vérités, comme dans une religion».
Ce que regrette surtout René Kollwelter, c’est que la classe politique «ne joue pas son rôle et ne prenne pas davantage position», tout comme les syndicats jugés «bien trop sages» à son goût, d’où son souhait de mobiliser les citoyens : «Ça doit venir de tout le monde», insiste-t-il.
Respect des autres, vérité scientifique, solidarité, démocratie participative, responsabilité citoyenne, et bien sûr, vaccination : le collectif «Nous, citoyens» espère rassembler autour de ces mots d’ordre, et pourrait envisager d’autres actions ces prochaines semaines, si suffisamment de personnes y adhèrent.
Christelle Brucker