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Une réserve pour 140 000 logements


Le ministre de l’Aménagement du territoire, Claude Turmes, annonce que le Luxembourg dispose de 3 750 hectares de foncier à vocation résidentielle. Assez pour les 25 ans à venir. Reste plus qu’à construire. Au bon vouloir des propriétaires. (Photo : fabrizio pizzolante)

L’Observatoire de l’habitat a encore affiné son analyse des réserves foncières constructibles et son identification des propriétaires. On pourrait construire vite, mais les particuliers ne sont pas pressés.

Le débat sur l’élargissement du périmètre constructible peut attendre. La réserve foncière est suffisante avec 3 213 hectares dans les zones d’habitation, plus encore 500 hectares dans les zones mixtes. La nouvelle note de l’Observatoire de l’habitat affine son identification des propriétaires fonciers grâce au programme Raum+ qui lui a permis d’analyser 89 communes et de conclure que dans un laps de temps relativement court, environ cinq ans, 10 631 logements pourraient être construits sur les terrains détenus par des acteurs de l’immobilier et 9 376 autres sur les terrains détenus par des particuliers, tandis que les communes et les fonds pris ensemble pourraient en rajouter 5 000 sur la même période.

Ces estimations tirées des discussions avec les communes démontrent que l’on peut agir rapidement en doublant le nombre de logements construits chaque année. Mais les propriétaires ne sont pas pressés. La note de l’Observatoire relève que «les particuliers seuls pourraient construire près de la moitié des logements potentiels sur leurs terrains, mais sont les plus réticents à construire». Il faut se dire que 1 000 particuliers et 20 acteurs de l’immobilier pourraient mettre en construction près d’un tiers des logements potentiels estimés dans les cinq prochaines années.

L’Observatoire a pu encore identifier avec plus de précision la détention de foncier à vocation résidentielle parmi les entreprises. Dix groupes de sociétés privées détiennent la moitié de la surface constructible pour l’habitat détenue par l’ensemble des 627 groupes de sociétés, essentiellement des acteurs locaux de l’immobilier. Pour les personnes physiques, 3 447 individus (0,5 % de la population résidente) possèdent la moitié du foncier à vocation résidentielle, soit 1 865 hectares.

Il n’est pas difficile de comprendre pourquoi les propriétaires conservent jalousement leurs terrains. Le même Observatoire de l’habitat, dans une seconde note, analyse les prix de vente des terrains à bâtir en zone à vocation résidentielle entre 2018 et 2020. Ils ont augmenté d’environ 7,9 % en moyenne annuelle entre 2010 et 2020 jusqu’à atteindre +16,9 % entre 2019 et 2020. La hausse des prix des terrains à bâtir a ainsi été plus forte que celle des logements anciens et des logements en construction.

Changer les mentalités

Selon les calculs de l’Observatoire sur la période 2018-2020, les prix par are médians s’échelonnent d’environ 40 000 à 50 000 euros l’are dans de nombreuses communes du nord du pays à près de 300 000 euros l’are à Luxembourg.

Le ministre du Logement, Henri Kox, et le ministre de l’Aménagement du territoire, Claude Turmes, ont résumé les deux dernières notes de l‘Observatoire et, pour les deux écolos, les calculs sont vite faits aussi. La réserve foncière actuelle est suffisante pour les 26 ans à venir, comme l’estime le Statec. Elle permet de construire 142 000 logements pour plus de 300 000 habitants.

«Nous devons limiter la consommation de nouveau sol et la fragmentation du paysage, protéger la biodiversité et les terres agricoles et viser une utilisation optimale des services et infrastructures et une diminution des coûts de viabilisation et d’infrastructure technique.» Dans ce contexte, les idées et concepts novateurs des quatre équipes de Luxembourg in Transition seront présentés fin janvier 2022.

Quant au ministre du Logement, il espère un changement des mentalités. «Sachant que 64,2 % des surfaces constructibles pour l’habitat sont dans la main de personnes privées, il est aussi essentiel de parvenir à un changement de mentalité dans la société luxembourgeoise. La propriété privée ne doit pas alimenter la flambée des prix du logement au détriment de l’accès au logement abordable pour une grande partie de la population», déclare Henri Kox.

Reste à débloquer la situation. C’est là que les choses se corsent. Le gouvernement compte sur le nouveau Pacte logement, dont les communes doutent de l’efficacité, et sur la réforme de l’impôt foncier, encore attendue.

Geneviève Montaigu