Patricio Sancho, l’un des gardiens du club benfiquiste, a décidé de quitter le club… et de rompre le vœu de silence médiatique imposé par sa direction.
Le club benfiquiste n’a pas cherché à cacher quoi que ce soit et les choses ont été clarifiées d’emblée, durant l’été : personne ne donnerait d’interview aux médias. Joueurs et entraîneur sont tenus au silence de rigueur dans ce qui s’annonçait d’ores et déjà comme une saison galère.
Normal en l’absence de budget. Normal aussi de vouloir se préserver et de vouloir éviter que les états d’âme des uns et des autres ne fassent encore plus tanguer un bateau déjà difficile à maintenir à flot. Seulement la curiosité étant ce qu’elle est, c’est-à-dire difficilement contrôlable, quand un garçon demande un bon de sortie, l’obtient et n’est donc plus tenu de respecter les consignes strictes qu’on lui a demandé de respecter pendant des semaines, quitte à vivre en vase clos.
Patricio Sancho, gardien de but échaudé, a obtenu un bon de sortie en fin de semaine dernière, récupéré ses affaires mardi et filera bientôt en région parisienne. Mais ce qu’il veut, c’est… parler.
Pourquoi avoir décidé de partir ?
Patricio Sancho : Bon… déjà, j’avais deux heures de route rien que pour venir à l’entraînement. Je vivais toujours à Raon-l’Étape, dans les Vosges, avec ma copine. Bon alors attention : les problèmes financiers du club, je les connaissais en arrivant hein! On m’avait expliqué.
Je n’ai donc pas été surpris. Mais après notre victoire contre Rosport (NDLR : 1-0, le 26 septembre), je me suis blessé et cela a duré six semaines. Mais quand je suis revenu, j’ai eu une entrevue avec le directeur sportif (NDLR : Patrick Maitzingue) et… on s’est dit les choses.
C’est-à-dire ?
Oh ben grosso modo, on m’a dit que je n’étais pas bon.
On m’a recadré : « tu es gentil, laisse-nous recruter »
Votre ton de voix est un peu ironique.
J’étais un des meilleurs de l’équipe, en toute modestie et je sais que j’ai tapé dans l’œil de certains clubs du pays. Mais un jour, en préparation, on avait joué Sedan en amical. Quelques jours plus tôt, ils avaient affronté le Swift et il se trouve que je connaissais des joueurs de l’effectif et ils m’ont dit que le niveau du Swift, par rapport à nous, cela n’avait absolument rien à voir.
Je m’en doutais, j’avais la confirmation et je me suis permis de dire au coach, en toute humilité, que je nous sentais un peu légers. Je crois que la direction sportive n’a pas du tout apprécié. Alors que franchement, quand on recrute des joueurs en Régional 1, 2 et 3, des gars qui n’ont jamais évolué au niveau National, on doit s’y attendre, non ?
Moi, je me suis posé des questions. Et je leur ai présenté des potes, d’anciens internationaux français. On m’a recadré en me disant « tu es gentil, laisse-nous recruter, concentre-toi sur ton jeu et ta saison ». Depuis là…
Financièrement, comment fonctionne-t-elle, cette équipe recrutée à base de joueurs dont on savait déjà qu’ils ne seraient pas gourmands puisqu’il n’y a tout simplement pas d’argent ?
Je savais qu’il n’y en avait pas, en arrivant. Mais il faut que je vous explique mon parcours pour bien me comprendre. J’ai été formé au Paric FC jusqu’à 19 ans, mais comme je ne suis pas passé pro, j’ai filé dans un club de Régional 1 (NDLR : le FCM Troyes) avec lequel je suis monté en National 3.
Puis j’ai atterri à Raon-l’Étape. C’est là que j’ai connu Thomas Gilles, le coach de Hamm qui m’a dit, quand il a rejoint le Luxembourg : « J’ai besoin de toi, j’ai donné une liste à mes dirigeants, je te veux ». Ils m’ont pris après une séance d’essai, en m’expliquant que tous les sponsors étaient partis, qu’il n’y a plus d’argent, mais qu’on allait quand même me proposer une rémunération, petite, au match joué.
L’idée, c’est un système cumulatif. On a une prime pour la présence dans le groupe et une autre quand on est titulaire. Mettons que vous touchez 1 euro pour votre place dans les seize et 2 euros si vous êtes sur le terrain au coup d’envoi, et bien ça vous fait 3 euros. Avec ce système, j’ai réussi à peu près à avoir ce que je touchais à Raon, soit 1 000 euros par mois.
Mais je crois que pour moi, ils ont fait un effort. Cela dit, comme je dépensais environ 600 euros par mois en essence… C’était clairement une année de sacrifice, comme cela l’était pour énormément de joueurs : on n’y allait pas pour l’argent, mais pour se montrer, découvrir, voir si des portes s’ouvraient.
On m’avait promis un spécifique gardien. Je ne l’ai jamais eu
Aviez-vous l’impression que ce concept fonctionnait ?
Ah mais il y a déjà plein de joueurs qui sont repartis sauf que cela ne s’est pas su. Je ne suis pas le premier. C’est aussi pour ça que vous voyez des gars de 15-16 ans sur les feuilles de match. Jovany Amadeu, que j’ai connu à Raon, est déjà reparti. Oussim, le gars qui venait de D1 danoise, vous vous rappelez? Parti aussi. En tout, je crois qu’on est six à être partis.
Mais l’ambiance était bonne, avec de bons joueurs et une équipe très très jeune… C’était un groupe d’une vingtaine de joueurs à l’entraînement, mais avec des gars qui ne sont pas tous arrivés au même moment pour des problèmes de logement. D’où ces feuilles de match qui changent tout le temps aussi.
Mais les autres, pourquoi sont-ils partis ?
Pas à cause de l’argent, eux non plus. Moi, je voulais un autre club et quand ça s’est su, j’ai été contacté par Bobigny, en N2. Disons que tout ne correspondait pas exactement au projet qu’on nous avait vendu. Le but, c’était que des gars en manque de temps de jeu se montrent après un an et demi de covid puis de nous revendre.
Mais là, le compte n’y est pas. Moi, par exemple, on m’avait promis un spécifique gardien. Je ne l’ai jamais eu. Je m’entraînais pour ainsi dire tout seul. C’est comme la structure du club. Les infrastructures, c’est correct mais l’encadrement, clairement non. Hamm n’est pas du niveau d’une première division. Le président fait le speaker et des fois, lave les maillots. Il est un peu abandonné à lui tout seul…
C’est un peu pour éviter ce genre de constat que le club vous a demandé de ne pas parler aux médias ?
Moi, les consignes que l’on a reçues de la direction sportive, je les ai prises un peu en mode « c’est moi le boss, si on vient vous voir pour une interview, vous passez par moi ».
Comment Thomas Gilles tient-il le coup ?
Le coach écoute la direction et tient son rôle même si parfois, ça lui déplaît. Il fait avec ce qu’il a et il ne fait que ça. Il passe sa vie au stade, il entraîne même les jeunes. Mais il garde le navire à flot !
Julien Mollereau
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