Une mauvaise posture et des conditions de travail éprouvantes peuvent avoir un grave impact sur la santé des employés et des conséquences sur l’économie du pays. L’Inspection du travail alerte sur la nécessaire prévention en la matière.
Rester trop longtemps assis ou à l’inverse trop longtemps debout, effectuer des mouvements répétitifs, porter des charges trop lourdes, fournir des efforts intenses et continus… La manière dont nous travaillons peut avoir un impact non négligeable sur notre santé en engendrant des troubles musculosquelettiques : douleurs lombaires et cervicales, tendinites, maux de dos… Aucun secteur professionnel n’est épargné, même si de toute évidence, les incidences sur la santé sont différentes d’un métier à l’autre.
Dans un rapport datant de novembre 2019, l’Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail (EU-OSHA) fait savoir que trois salariés sur cinq en Europe sont atteints de troubles musculosquelettiques. Sur tous les travailleurs de l’UE ayant un problème de santé lié au travail, 60 % identifient les troubles musculosquelettiques comme leur problème le plus grave.
Dans une autre enquête menée pour l’EU-OSHA (ESENER 2019), les répondants de 65 % de milieux professionnels ont indiqué que certaines de leurs tâches impliquaient des mouvements répétitifs des mains ou des bras, 61 % des répondants ont signalé la présence d’une position assise prolongée et 52 % ont indiqué qu’une partie de leur travail consistait à soulever ou à déplacer des personnes ou des charges lourdes.
«Cela montre que les travailleurs de plus de la moitié des lieux de travail restent exposés à des facteurs de risque potentiels de troubles musculosquelettiques», résume l’étude.
Le stress, facteur aggravant
Un phénomène qu’aggrave le stress ressenti au travail (tout en devenant à son tour une source de stress). «Le stress joue un rôle énorme!», alerte Marco Boly, directeur de l’Inspection du travail et des mines (ITM).
«Les troubles musculosquelettiques sont de plus en plus importants, car nous sommes de plus en plus stressés. Nous avons parfois une charge de travail démesurée par rapport à nos capacités et nous avons ce désir de réussir dans tous les domaines de notre vie.»
Outre un impact sur la santé et donc la qualité de vie des employés, ainsi que sur leur vie privée, les troubles musculosquelettiques ont aussi des conséquences onéreuses pour les caisses des pays. En Allemagne par exemple, ces troubles ont représenté en 2016 environ 17,2 milliards d’euros de perte de production et 30,4 milliards d’euros de perte de productivité, soit respectivement 0,5 % et 1 % du produit intérieur brut du pays.
«D’une part, l’absentéisme et réparer les séquelles de ces troubles s’avèrent très onéreux, les opérations sont généralement coûteuses. D’autre part, les gens ont tendance à partir plus tôt en retraite : alors que l’âge de la retraite au Luxembourg est fixé à 65 ans, les femmes partent en moyenne à 57 ans et les hommes à 58 ans. Cela coûte cher et prive l’employeur d’un personnel au pic de sa qualification. Donc ces maladies professionnelles ont un poids énorme sur les caisses de retraite et de maladie. On est doublement perdant, alors qu’on pourrait être doublement gagnant», souligne Marco Boly.
Responsabilité partagée
Car, assure l’ITM, la sensibilisation et la prévention permettraient d’éviter bien des problèmes. Prévention qu’il serait d’ailleurs nécessaire d’introduire aussi dans les écoles.
«Malheureusement, on constate déjà chez les écoliers des déformations de la colonne vertébrale et de la nuque. Or c’est un phénomène en cascade, qui s’amplifie avec les années. La prévention est donc aussi importante chez les enfants», prévient Marco Boly.
L’ITM, relais de l’EU-OSHA, organise à cet égard des campagnes de sensibilisation et veille au respect de l’application des normes dans les entreprises, même si les réglementations ne sont parfois pas suffisamment précises.
«La question de la sécurité et de la santé au travail est harmonisée en Europe, grâce à une directive-cadre datant de 1989. Celle-ci a été principalement transposée dans notre code du travail national. Mais tout est assez dispersé. La réglementation luxembourgeoise ne vise pas clairement les effets primaires et secondaires des troubles musculosquelettiques, mais plutôt certains éléments», fait savoir le directeur de l’ITM.
Il reste toutefois possible d’y trouver un certain nombre d’indications et, en théorie au moins, de punir le non-respect des gestes prévenant les troubles musculosquelettiques, qui entrent dans le cadre de la sécurité des salariés.
«Le code du travail prévoit des amendes quant à la question de la sécurité : de 6 semaines à 8 mois de prison et de 251 à 25 000 euros d’amende pour l’employeur, et de 251 à 3 000 euros d’amende pour le salarié, qui a aussi des responsabilités», rappelle Marco Boly.
«L’article 313 du code du travail est clair : le salarié est responsable dans la mesure du possible de sa sécurité et de santé ainsi que de celles des autres personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail. Il doit ainsi par exemple utiliser correctement les équipements de travail mis à sa disposition et signaler immédiatement à son employeur si quelque chose ne va pas.»
Télétravail
Si l’élargissement du télétravail a présenté de nombreux avantages, il a aussi engendré de nouveaux défis, sur le plan tant psychologique (isolement ou au contraire difficultés à pouvoir travailler dans le calme) que physique, le matériel personnel n’étant peut-être pas toujours suffisamment adapté pour éviter l’apparition de troubles musculosquelettiques (chaises et tables inadéquates, pas d’écran à la bonne hauteur, etc.).
«Est-ce que la maison est aussi considérée comme un lieu de travail et est-ce que l’entreprise doit mettre à disposition des bureaux, des chaises et des écrans adéquats? Les discussions sont en cours. Certains sont pour, d’autres non. Il n’existe pas encore de ligne claire», confirme Marco Boly.
Tatiana Salvan
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