Attente suscitée, fêlures révélées, premier single à records : tous les ingrédients sont réunis pour qu’Adele retrouve le sommet des charts devant les autres gros vendeurs, ABBA, Drake ou Ed Sheeran, avec son nouvel album 30 qui sort ce vendredi 19 novembre.
Avec Adele, tout est bien calibré pour que ça marche… Il y a eu d’abord cette interview-confession donnée au magazine Vogue, dans laquelle la diva britannique s’est livrée sur les difficultés qu’elle a vécues au passage de la trentaine – qui ont contribué, par ruissellement, à forger son nouvel album 30, attendu demain.
Puis, une semaine après, un premier morceau est sorti en ligne, dans un timing parfait pour appuyer le buzz. Résultat? Easy on Me a battu tous les records sur Spotify avec 24 millions de streams le jour même de sa sortie (NDLR : le 15 octobre). Aujourd’hui, la chanson compte quelque 260 millions d’écoutes…
«Mais c’est possible ça?», réagit ainsi Nicolas du Roy, directeur éditorial de Spotify. De quoi anticiper la déflagration de demain? «Je ne suis pas voyant, mais vu ce qui s’est passé avec le single, je m’attends en effet à des chiffres extraordinaires. Surtout que son album est très bien fait. On aime ou on n’aime pas, mais les chansons restent dans la tête», poursuit avec enthousiaste ce responsable du leader mondial des plateformes de streaming musical.
À quoi voit-on qu’une mégastar revient ? La maison de disques ne livre aux journalistes ni CD, ni lien d’enregistrement en amont, contrairement à la majorité des autres artistes. Et la presse est conviée à une session d’écoute confidentielle, pour éviter toute fuite. L’exercice n’a rien de glamour : dix journalistes autour d’une table de réunion standard, comme au siège parisien de Columbia/Sony, avec portable laissé au vestiaire sous enveloppe. Et c’est parti pour 58 minutes d’écoute…
Premier constat : dans 30 (NDLR : âge qu’elle avait en commençant l’album il y a trois ans), tous les titres ne sont pas calibrés sur le modèle d’Easy on Me, single tout en puissance vocale (ce qui hérisse ses détracteurs). Et contrairement à 25, précédent opus de 2015, la Londonienne installée à Los Angeles s’aventure dans des formats moins classiques.
Je dois me préparer à devenir célèbre à nouveau, ce que, comme chacun sait, je n’aime pas être
Si les cordes des violons sont bien présentes sur le premier et le dernier morceau Strangers by Nature et Love Is a Game, Cry your Heart Out s’ouvre sur une voix modulée façon électronique. Deux chansons, Can I Get It, avec son «gimmick-sifflement», et Hold On, morceau de bravoure soul, rallieront probablement les suffrages au-delà du cercle des fans. Les autres titres ne contenteront sans doute que les convertis. Qui sont légion et devraient redonner rapidement sa couronne à la reine des classements musicaux mondiaux (48 millions d’albums vendus à 33 ans).
«Elle a plus de 62 millions d’auditeurs par mois chez nous, sans surprise son audience est plus féminine, à 60 %, et 70 % des auditeurs ont entre 18 et 34 ans, c’est un public assez jeune, mais plus adulte et plus transgénérationnel que Billie Eilish par exemple», décrypte Nicolas du Roy.
«La question qu’on se pose alors, c’est « pourquoi Adele ? ». Car au-delà des chansons bien écrites, elle est anti-bling bling, avec une image proche des gens. Elle n’a pas l’air de vivre sur une autre planète, elle a un parcours de vie avec des problèmes de poids, des déboires sentimentaux», déroule le spécialiste de Spotify.
La chanteuse aux 15 Grammys, oscarisée pour la BO du James Bond Skyfall, s’est déjà confiée au fil d’interviews sur la genèse de ce disque-thérapie : pour répondre aux nombreuses questions de son fils Angelo, neuf ans, sur son récent divorce. «À 30 ans, ma vie s’est effondrée sans prévenir», dépeint Adele dans Vogue. «J’ai l’impression que cet album est de l’autodestruction, puis de l’autoréflexion et de l’autorédemption».
Elle raconte avoir perdu quelque 45 kg en devenant accro à l’exercice physique. «Il ne s’est jamais agi de perdre du poids, mais de devenir forte et de me donner le plus de temps possible chaque jour loin de mon téléphone.» Sujette à l’anxiété, elle dit aussi avoir trouvé l’apaisement grâce à «beaucoup de thérapie» et de la méditation notamment. Élevée par sa mère, elle se réconcilie avec son père Mark Evans, un plombier gallois, peu avant sa mort d’un cancer en mai dernier.
Restent ses chansons, dont les paroles, après une véritable traversée du désert – marquée notamment par la perte de sa voix et une vie de «recluse» – changent de perspective. «J’ai réalisé que j’étais le problème», détaille-t-elle. «Parce que tous les autres albums, c’était « tu as fait ci, tu as fait ça! », mais au final, c’est peut-être moi!». Car oui, avec elle, les failles ne sont jamais loin. «Je dois me préparer à devenir célèbre à nouveau, ce que, comme chacun sait, je n’aime pas être.»
LQ avec AFP