Ernst n’a pas voulu lâcher les cambrioleurs de son domicile. Il y a pourtant été forcé. L’enquête a mené les policiers jusqu’au Kosovo pour retrouver les auteurs présumés.
Tout a commencé par un cambriolage banal, mais la brutalité avec laquelle cela s’est terminé était tout sauf banale», a indiqué jeudi le commissaire en chef du service de répression du grand banditisme de la police judiciaire qui a mené l’enquête à la barre de la 13e chambre criminelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg.
En effet, quand Ernst a trouvé deux individus à son domicile, il n’aurait certainement pas imaginé qu’il allait être traîné derrière la voiture à bord de laquelle les deux cambrioleurs allaient prendre la fuite.
Naïm et Altin étaient en aveux jeudi. Cela n’a pas toujours été le cas. Leurs dénégations ont notamment obligé l’enquêteur de la police à traverser de nombreuses frontières pour les confondre.
Le 6 janvier 2020, Ernst rentre à son domicile de Hesperange. Il est 18 h 40. En ouvrant la porte d’entrée de la maison, il remarque quelque chose d’inhabituel dans le placement de la chaîne de l’entrebâilleur de porte. Quelqu’un doit être rentré avant lui. Il pense à sa fille. Son épouse et son fils sont à l’étranger. Il l’appelle, puis réalise que la maison est plongée dans l’obscurité. Par une fenêtre, il aperçoit deux hommes qui s’enfuient par un petit pont se trouvant à l’arrière de la maison.
«Un miracle qu’il n’ait pas été blessé davantage»
Ni une ni deux, Ernst les prend en chasse à travers tout Hesperange. Il perd leur trace. La retrouve. Les hommes franchissent des grillages, sautent des ponts, se séparent. Ernst choisit de suivre l’un d’entre eux jusqu’à l’arrêt de bus situé près du bureau de poste de la localité. Là, le cambrioleur saute à bord d’une voiture conduite par son complice. Ernst s’accroche à l’homme et tient bon. La voiture démarre et le traîne sur plus d’une centaine de mètres. Dans la voiture, le conducteur aurait dit à son complice «de continuer à lui frapper sur le nez» pour le faire lâcher prise. Ce qu’Ernst finira par faire.
Bilan de la soirée : un cambriolage, une épaule démise, des points de sutures sur le nez et de nombreuses égratignures. «C’est un miracle qu’il n’ait pas été blessé davantage», lance le policier. Pour lui, l’enquête ne fait que commencer.
Un appel à témoins est lancé et un portrait-robot est réalisé, mais c’est l’ADN laissé sur les lieux du cambriolage et sur les vêtements de la victime qui permettra à l’enquêteur de retrouver les deux complices présumés.
Un lourd passif en Allemagne
L’ADN «matche» avec deux ADN différents dans une banque de données de la police allemande. Naïm a 41 ans. Il est kosovar et est connu en Allemagne pour treize cas de cambriolages commis entre 2013 et 2017 et diverses arnaques bancaires. Altin a 27 ans. Il est kosovar lui aussi. Au cours de la même période, il aurait participé à un viol en réunion en Allemagne et à 22 vols avec violence.
Reste à leur mettre la main dessus. Naïm se fait pincer à la frontière entre le Kosovo et l’Albanie. Il faisait l’objet d’un signalement d’Interpol. Il est en détention provisoire au Luxembourg depuis le mois de mai. Altin a été livré aux autorités luxembourgeoises fin 2020. Comme son complice présumé, il a nié s’être trouvé sur les lieux du cambriolage.
À l’époque, il faisait les marchés et aurait très bien pu transmettre son ADN à Ernst lors d’un échange commercial, dit-il aux policiers qui l’entendent en prison. Et puis, le 6 janvier 2020, il se trouvait, malade, dans un hôtel de Pristina. Son avocat de l’époque transmet la facture d’un hôtel de la capitale kosovare et une analyse de laboratoire attestant qu’il avait le rotavirus aux policiers. Le rotavirus touche à 98 % les enfants en bas âge et les personnes âgées pour les 2 % restants…
Enquête au Kosovo
Et voilà le commissaire en chef dans un avion en direction du Kosovo pour aller vérifier par lui-même l’authenticité des documents fournis. L’hôtelier reconnaîtra avoir été soudoyé pour produire une fausse facture. Le jeune homme n’aurait jamais passé la nuit dans son établissement.
La directrice du laboratoire d’analyses rigolera, se souvient le policier, et lui démontrera, vrai papier du laboratoire à l’appui, que celui transmis par Altin était un faux. Ce que l’enquêteur ne savait pas encore, c’est que le jeune homme était arrivé par avion au Kosovo le lendemain des faits et avait à nouveau quitté le pays une dizaine de jours plus tard par voie terrestre.
«Du point de vue d’un policier, il n’y a aucun doute possible, les deux auteurs du cambriolage sont assis sur ce banc», a assuré le commissaire en chef pour conclure son rapport d’enquête. À la justice de trancher.
Sophie Kieffer
Un » cambriolage banal » ??? !!!