Accueil | Sport international | « Schtroumpf » et cocaïne : fin de partie pour l’ex-étoile du foot colombien

« Schtroumpf » et cocaïne : fin de partie pour l’ex-étoile du foot colombien


Avant-centre du célèbre club colombien dans les années 80 et 90, de Avila est une légende à Cali et une figure du foot mondial. (photo AFP)

Quand les carabiniers lui ont passé les menottes à la sortie d’un café de Naples, il portait le maillot rouge de l’America de Cali, l’équipe de foot colombienne dont il fut l’étoile.

L’arrestation pour trafic de drogue en Italie d’Anthony de Avila, alias le « Schtroumpf », a provoqué l’émoi en Colombie, où l’ex-footballeur de 58 ans reste une inoubliable star du ballon rond.

El « Pitufo » (le « Schtroumpf » en espagnol), surnommé ainsi à cause de son 1,57 m, a été arrêté le 20 septembre en plein centre de Naples.

« La police avait reçu des informations indiquant la présence dans la ville de Sud-Américains venus rencontrer » des figures de la pègre napolitaine, explique un responsable de la police locale, Davide Della Cioppa.

« Lors de son interpellation, de Avila n’avait sur lui qu’une carte d’identité colombienne datant de 1981 » et « affirmait être un touriste ».

Vin et pizzeria 

Au poste, les agents soupçonneux « ont alors découvert qu’il avait fait l’objet » en 2004 d’une condamnation par la justice italienne à 12 ans de prison « pour association de malfaiteurs liée à un trafic de drogue », ajoute Davide Della Copia. « Au moment de son arrestation, il portait un tee-shirt arborant les couleurs et l’écusson de l’America de Cali. Mais il n’a jamais dit aux agents être un ancien joueur de football ».

Et quel joueur ! Avant-centre du célèbre club colombien dans les années 80 et 90, de Avila est une légende à Cali, dont il reste le meilleur buteur de tous les temps avec 208 buts, et une figure du football national.

Son arrestation a fait les gros titres en Colombie, où tout le monde avait apparemment oublié cette vieille condamnation italienne. L’ancien attaquant « clame son innocence et ne savait pas qu’il était condamné et recherché », assure son avocat, Fabrizio de Maio, qui reconnaît qu’il sera « mission impossible » de lui faire éviter ses 12 ans de prison.

Arrêté à l’époque sur le territoire italien, le footballeur avait pu finalement rentrer chez lui, mystérieusement libre comme l’air, pour reprendre ses affaires et sa reconversion. Comme chercheur de jeunes talents pour son équipe fétiche, à la tête d’une pizzeria, comme vendeur de maillots, ou encore promoteur de sa propre marque de vin.

« Il était le meilleur pour marquer des buts, mais pour les affaires ce n’était pas ça… », se souvient, navré, l’un de ses amis d’enfance cité par l’hebdo Semana.

« Blanchisserie » 

« Nous sommes tous surpris (…) Aux dernières nouvelles, il était avec deux jeunes » footballeurs prometteurs à la recherche d’une équipe européenne. Selon ses proches, cités par le quotidien El Tiempo, le « Schtroumpf » voyageait également pour une entreprise de construction opérant en Italie.

Son itinéraire reste flou : Italie, Espagne, France. Il est établi qu’il a séjourné début août aux Pays-Bas, où l’ex-footballeur a publié une vidéo sur Facebook, depuis Amsterdam, « assis sur un trottoir du quartier commerçant de Burmester ». « On n’est rien dans la vie. Les millions, les voitures, les femmes ne sont d’aucune utilité, seuls les êtres humains ont de la valeur », philosophait-il, pris d’une soudaine inspiration, dans son maillot rouge.

Selon la presse, il aurait été repéré précisément à Amsterdam pour ses contacts avec des trafiquants néerlandais.

Ce n’est pas la première fois qu’un footballeur du pays qui produit le plus de cocaïne au monde se retrouve dans les filets de la justice pour trafic de drogue : Edwin Congo (ancien du Real Madrid), Jhon Viáfara, Diego Leon Osorio, Luis Alfonso « Bendito », Wilson Pérez… la liste est longue. Ce ne sont pas que les joueurs. En Colombie, l’argent de la drogue s’infiltre partout… et bien sûr dans le football, sport roi dans le pays.

Dans les années 1980/1990, avoir une équipe de foot « était un atout », un outil de popularité pour certains narcos, rappelle le journaliste Ignacio Gomez, co-auteur du livre de référence Les Maîtres du jeu. « C’était une blanchisserie naturelle » pour un milieu disposant de monceaux de liquidités. Sur seize clubs de première division, quinze étaient liés au milieu de la drogue, explique Ignacio Gomez.

« Pas seul ! » 

Chaque grande équipe avait alors son « capo » : le Millonarios de Bogota avec Gonzalo Rodriguez Gacha dit le « Mexicain »; le Nacional et l’Independiente de Medellin avec le célèbre Pablo Escobar; et l’America de Cali avec le cartel de Cali des frères Rodriguez Orejuela.

« Pitufo », l’avant-centre éclair, a joué pour l’America entre 1982 et 1996, l’époque la plus glorieuse pour l’America. Un âge d’or qui coïncide avec l’influence au sein du conseil d’administration du club des frères Miguel et Gilberto Rodriguez Orejuela, chefs du cartel de Cali, capturés en 1995, puis extradés et condamnés aux États-Unis où ils purgent toujours leur peine.

En 1997, lors des qualifications pour le Mondial-98 en France, le « Schtroumpf », auteur du but de la victoire (1-0) de l’équipe nationale sur l’Équateur, avait rendu un vibrant hommage aux frères Orejuela, « privés de leur liberté ».

Aujourd’hui, « l’important est qu’il prie Dieu et qu’il résolve cette affaire », commente l’un de ses anciens amis footballeurs, Elkin Congote.

Dans sa cellule italienne, de Avila « n’est pas seul », veut croire El Pais, journal de Cali. « Nous ne le laisserons pas mourir en prison », a assuré Tulio Gomez, principal actionnaire de l’America de Cali.

AFP/LQ