La société de développement Agora a tiré ce mercredi un bilan très positif de ses 20 ans d’existence. Sa mission, la revalorisation de la friche de Belval, est achevée à 85 %. Rétrospective.
La Ville de Luxembourg n’a pas sauté de joie lorsque le projet Belval a été annoncé.» Le député-maire d’Esch-sur-Alzette, Georges Mischo, revient sur le contexte dans lequel a été prise la décision de procéder à une décentralisation majeure en implantant notamment l’université du Luxembourg sur la friche industrielle de Belval. «L’actuel Premier ministre était farouchement opposé à cette délocalisation», rappelle l’élu du CSV. Ces bisbilles territoriales sont aujourd’hui oubliées. Pas plus tard que mardi, Xavier Bettel a fait un tour à vélo sur l’ancienne friche de Belval, qui s’étend sur 600 hectares et est aujourd’hui reconvertie à 85 %. Accompagné d’énormes doutes au départ, ce très ambitieux projet a fini par se transformer en «histoire à succès».
Il faut remonter à la fin des années 1990 pour toucher aux origines d’un quartier qui est aujourd’hui peuplé tous les jours par quelque 20 000 personnes, dont 3 300 habitants répartis dans près de 1 800 logements (670 réservés aux étudiants), jusqu’à 5 700 élèves, étudiants et chercheurs, tout comme 10 000 salariés travaillant dans 250 entreprises, commerces et administrations qui se sont implantées au fil des deux dernières décennies à Belval.
«Donner une nouvelle destinée au Sud»
Peu de choses laissaient penser à ce développement à la sortie de la grande crise sidérurgique. En avril 1996, la tripartite acte le principe d’une reconversion des sites abandonnés par l’Arbed à la suite du passage de la filière fonte à la filière électrique. Le dernier haut-fourneau s’éteint en 1997. «L’usine de Belval, existant depuis plus d’un siècle, a toujours été au cœur de la sidérurgie luxembourgeoise. Il nous fallait tenter une autre réflexion pour offrir une nouvelle destinée au sud du pays et faire le saut du XXe au XXIe siècle», retrace Michel Wurth, ancien dirigeant d’ArcelorMittal, qui a dès le départ été une cheville ouvrière de la reconversion de Belval.
Il est revenu au ministre… déi gréng de l’Aménagement du territoire, Claude Turmes, de souligner la «courageuse décision» de l’ancien Premier ministre, Jean-Claude Juncker, et de ses ministres Michel Wolter (Intérieur) et Erna Hennicot-Schoepges (Enseignement supérieur), tous les trois membres du CSV, de «donner une nouvelle orientation au Sud». Robert Goebbels, ancien ministre socialiste des Travaux publics, était lui plus réservé. «Il redoutait que l’on aille revendre la friche et ses terrains pollués à l’État pour s’en débarrasser. Cela n’a jamais été dans notre intention», jure Michel Wurth. Avec Simone Asselborn-Bintz, l’actuelle députée-maire de Sanem, une autre élue socialiste vient boucler la boucle : «On voit au jour le jour que la bonne décision a été prise. Le doute a fait place à l’enthousiasme.»
«Je suis tombé amoureux…»
La création en 2000 de la société de développement Agora, portée à parts égales par ArcelorMittal et l’État, se trouve à la base de ce satisfecit généralisé. «Contrairement au Kirchberg, dont le concept a été revu à plusieurs reprises depuis les années 60, nous avons respecté dès le départ le plan d’aménagement. Cela a contribué au fait que nous avons réussi ce projet dès le premier coup», affirme Michel Wurth. Le gouvernement a lui décidé d’implanter à Belval un pôle éducation et recherche, commercial et administratif, auquel viennent s’ajouter des logements et une urbanisation durable (voir photos ci-dessous). «Les 40 % de zones vertes font que Belval n’est pas dédié au tout-automobile, comme c’est le cas à la Cloche d’or», se réjouit Claude Turmes.
Avec un an de décalage, Agora célèbre donc ses 20 ans d’existence. En la personne de François Dorland, un nouveau directeur général vient d’arriver. Il prend la relève de Vincent Delwiche, parti à la retraite. La mission qui l’attend est bien résumée par Paul Weimerskirch, le bourgmestre de Schifflange : «Je suis tombé amoureux de Belval. J’espère qu’il en sera de même avec le quartier Alzette», qui constitue le prochain projet de développement majeur d’Agora (lire ci-contre).
Le quartier Alzette «dans les starting-blocks»
La reconversion de la friche industrielle de la «Metzerschmelz», site de 61,16 hectares situé entre Esch (91 %) et Schifflange (9 %), est dans les «starting-blocks». «L’objectif est de créer un écoquartier modèle ayant pour axes majeurs le logement abordable, l’économie circulaire et la mobilité», résume le ministre de l’Aménagement du territoire, Claude Turmes.
Le potentiel constructible de quelque 800 000 m2 sera utilisé à 48 % pour des ensembles résidentiels, dont 30 % de logements à prix abordable, construits et gérés par Agora. L’objectif demeure d’accueillir dès 2025 les premiers des 10 000 habitants qui doivent peupler à terme le nouveau quartier Alzette.
En attendant, les premiers travaux de démolition ont été entamés, sans remettre en cause la valorisation du patrimoine industriel. Les premiers plans d’aménagement, à valider par les communes, sont également en préparation.
Georges Mischo, le bourgmestre d’Esch-sur-Alzette, insiste pour que les quartiers Belval et Alzette forment un tout avec la ville proprement dite et aussi l’autre friche de la commune en cours de revitalisation : la Lentille Terres Rouges.
David Marques