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Agriculture : la PAC n’encourage pas les économies d’eau


L'audit de la Cour des comptes de l'UE, mené par Joëlle Elvinger, fait état de "dérogations généreusement octroyées aux agriculteurs". (photo archives Editpress/Julien Garroy)

La Cour des comptes européenne a fustigé ce mardi l’inefficacité des politiques de l’UE pour encourager des économies d’eau dans l’agriculture, recommandant de réviser les dérogations et tarifs préférentiels du secteur et de conditionner drastiquement les subventions.

Si l’Union européenne s’est dotée en 2000 d’une législation visant à protéger ses ressources en eau, « les mesures de la Politique agricole commune (PAC) encouragent trop souvent à consommer plus », déplore l’institution dans un rapport. Alors qu’un quart des captages d’eau dans l’UE provient de l’agriculture, l’audit fait état de « dérogations généreusement octroyées aux agriculteurs, y compris dans les régions en situation de stress hydrique », tandis que « certaines autorités nationales ne sanctionnent que rarement les cas d’utilisation illégale d’eau ».

Dans certaines régions étudiées (Flandre en Belgique, Émilie-Romagne en Italie, Portugal…), il n’est pas obligatoire pour les agriculteurs de mesurer leurs prélèvements, compliquant toute surveillance des autorités. Pire, « l’eau reste moins chère lorsqu’elle est utilisée à des fins agricoles, et de nombreux États ne récupèrent toujours pas les coûts des services » auprès des agriculteurs, critiquent les auditeurs.

Dans le Centre-Val-de-Loire (France), l’une des onze régions étudiées, la redevance pour les captages à des fins d’irrigation s’avère deux fois moins chère que pour l’approvisionnement en eau potable, et six fois moins que pour l’usage industriel de refroidissement. Enfin, les versements de la PAC ne sont généralement pas subordonnés à un usage rationnel de l’eau, et ne permettent pas de dissuader les cultures gourmandes en eau (riz, fruits à coque…), tandis que les contraintes environnementales attachées à certaines subventions restent inefficaces, faute de contrôles suffisants.

Une réforme appliquée en 2023

Dans ses conclusions, la Cour estime que la Commission européenne devrait demander aux États de justifier les dérogations pour les captages agricoles et les tarifs avantageux des agriculteurs.

Si la réforme de la PAC, adoptée en juin et qui doit être appliquée à partir de 2023, prévoit de conditionner une partie des paiements directs à des critères environnementaux drastiques, la Cour reste prudente. « Cela dépendra énormément de la façon dont les États établissent leurs plans stratégiques » qui déclineront au niveau local les politiques de la PAC, a souligné la Luxembourgeoise Joëlle Elvinger, responsable du rapport.

En revanche, « ce n’est pas à nous de dire quelles cultures devraient être choisies », insiste sa collègue Els Brems, rappelant qu’un environnement réglementaire et tarifaire incitatif encouragera les agriculteurs à « prendre les bonnes décisions ». De même, la modernisation des systèmes d’irrigation est souvent contre-productive, car l’eau économisée est réutilisée pour des cultures nécessitant de plus grandes quantités d’eau ou pour irriguer une zone plus vaste.

AFP/LQ