Surfant sur le succès des séries inspirées de faits divers, TF1 s’attaque au plus emblématique des 40 dernières années : l’assassinat du petit Grégory avec Une affaire française qui entend retracer « avec empathie » le fiasco médiatico-judiciaire derrière le fait de société.
16 octobre 1984. Grégory Villemin, 4 ans, enlevé du domicile familial, est retrouvé mort, pieds et poings liés, dans la Vologne, une rivière des Vosges. Un crime revendiqué par un corbeau, toujours non élucidé.
C’est sur ce drame, imprimé dans l’imaginaire collectif, que s’ouvre Une affaire française (6 X 52 minutes), présentée hors compétition jeudi au festival de la Fiction de La Rochelle avant sa diffusion, à partir de ce lundi 20 septembre, sur TF1.
Une fois n’est pas coutume, la série ne figurera pas sur Salto, la plateforme de TF1, M6 et France Télévisions, mais un peu plus tard sur Starzplay en France et d’autres pays européens, en vertu d’un partenariat avec le service américain.
Très documentée, elle dépeint, jusqu’au dépaysement de l’affaire à Dijon en 1987, le calvaire des parents de Grégory, Christine (Blandine Bellavoir) et Jean-Marie (Guillaume Gouix), aidés de leur avocat (Gérard Jugnot), la meute de journalistes assoiffés de scoops tels ceux de RTL, Jean-Michel Bezzina (Michaël Youn) et de Paris Match, Jean Ker (Michel Vuillermoz), rejoints par la reporter fictive et bienveillante de France Inter, Jeanne Lombardie (Laurence Arné).
Et bien sûr les errements de l’enquête, passée du gendarme Etienne Sesmat (Guillaume de Tonquédec) au commissaire Jacques Corazzi (Thierry Godard), pour le compte du juge Jean-Michel Lambert (Laurent Stocker), qui incriminera à tort la mère du garçonnet.
Ce premier volet inaugure une série d’anthologie, dont chaque saison sera consacrée à une grande affaire correspondant « à des bouleversement sociétaux » ayant changé « les rapports entre les Français, leur manière de voir la justice ou de consommer l’information », explique à l’AFP son co-créateur Jérémie Guez (« Sons of Philadelphia »).
Un concept qui a séduit TF1 « bien avant » le succès de la série documentaire de Netflix consacrée à l’affaire Grégory en 2019, assure la co-productrice Aimée Buidine.
Éviter polémique et poursuites
Les chaînes – et leurs téléspectateurs – sont friandes d’adaptations de faits divers, au risque de susciter la polémique et de se voir taxer de « voyeurisme », comme TF1 dernièrement après un téléfilm sur Michel Fourniret.
Mais si elle fascine depuis des décennies, l’affaire Grégory, remise à la Une après d’énièmes rebondissements en 2017, n’avait pas inspiré de fiction depuis la minisérie L’Affaire Villemin, saluée par la critique, en 2006.
Inspirée du livre de la journaliste Laurence Lacour, celle-ci a valu à ses diffuseurs, France 3 et ARTE, une condamnation pour diffamation envers Bernard Laroche, un temps soupçonné du meurtre de Grégory puis tué par le père de l’enfant, son cousin.
Pour éviter un tel écueil, l’équipe d’Une affaire française a sollicité un avocat pour relire les scénarios et « visionner les montages jusqu’au bout », selon Aimée Buidine.
Le parti pris ? Ne « pas chercher à dire qui est le coupable » quand la justice ne s’est pas prononcée, en s’appuyant sur « la pléthore de sources » à disposition, ajoute la productrice.
Par souci de neutralité, aucun des protagonistes n’a toutefois été consulté, y compris le couple Villemin, qui s’en est récemment ému dans Paris Match par la voix de leur avocate, Marie-Christine Chastant-Morand, celle-ci n’excluant pas de « réagir ».
« Je comprends parfaitement que des gens qui aient subi » le « pire drame qui puisse arriver » redoutent la série, concède Jérémie Guez, se défendant de vouloir « relancer une polémique qui en fin de compte ne s’est jamais arrêtée ».
« On rend hommage à leur résilience, à leur humanité et à leur amour » tout en essayant « d’avoir de l’empathie et de l’humanité pour chacun des protagonistes ». Le projet de la série n’est pas non plus « de jeter l’opprobre sur un pan de la justice ou les journalistes », assure-t-il.
« Si les Français ne s’étaient pas passionnés pour l’affaire, son traitement aurait été différent », souligne le scénariste, qui entend démontrer la responsabilité collective derrière « le dérèglement de cette enquête et la manière » dont les victimes ont vu « peu à peu leur vie leur échapper ».
AFP