La Nuit de la culture 2021 aura lieu samedi à Esch-sur-Alzette, dans les espaces verdoyants de l’Ellergronn. Pour Loïc Clairet, c’est la fin d’un cycle, qui prépare la ville, ses habitants et son public à la capitale européenne de la culture.
Demain, à partir de 18 h, la ville d’Esch-sur-Alzette vibrera au rythme de sa dixième Nuit de la culture qui, après une édition 2020 sous contraintes sanitaires, retrouve enfin cette année un peu de liberté. S’il faut encore rappeler les règles en vigueur depuis le début de l’été pour tout évènement culturel, Loïc Clairet les brosse rapidement : «On est soumis au régime Covid Check, sans réservation nécessaire pour venir. Mais une grande moitié des propositions est accessible sans pass, comme les installations plastiques, devant lesquelles le public peut déambuler.»
Avec son équipe, le directeur général de la manifestation apportait cette semaine la touche finale à l’évènement avec confiance, soulignant par là même qu’il n’est «pas d’un naturel stressé». Pourtant, cette dixième édition, plus encore qu’une nuit anniversaire, marque surtout «la fin d’un cycle et le début d’un autre». L’évènement a connu des changements ces dernières années, mais 2021 marque la dernière Nuit eschoise de la culture telle qu’on la connaît. «C’est le dernier évènement avant la grande ouverture d’Esch 2022, en février prochain», indique Loïc Clairet. Un passage de flambeau, pourrait-on dire. Le directeur rappelle que si l’évènement existe depuis 2012, «en 2018, date à laquelle la ville d’Esch a reçu le titre de capitale européenne de la culture 2022, la Nuit de la culture est devenue l’évènement-test de cette ville, qui a permis de mesurer sa capacité à accueillir des grands évènements dans l’espace public et de préparer les équipes des différents services de la ville».
L’édition 2021 a pour objectif de «boucler la boucle» entamée il y a neuf ans, et dont les contours ont réellement commencé à être tracés il y a trois ans. Pour preuve, le thème de l’évènement, «Terre et mémoire», qui fait suite au grand spectacle de feu de 2018, à la thématique de l’eau en 2019 et à l’envie de prendre l’air en 2020. La grande nuit de demain clôturera ainsi un discours artistique autour des quatre éléments naturels tout en préparant la ville et les artistes à 2022. Loïc Clairet : «Cette Nuit de la culture intègrera plein de projets de recherche pour l’année de la Culture. C’est pour cela, par exemple, que l’on questionne la mémoire. La ville d’Esch est à un moment transitoire de son parcours, elle est en pleine métamorphose : les cités industrielles se déconstruisent au profit de nouveaux quartiers, la capitale européenne va passer par là…»
Ainsi, parmi la cinquantaine d’activités proposée au public demain, Loïc Clairet mentionne, parmi celles qui proposent un ancrage véritable dans la géographie et l’histoire de la ville d’Esch, Belle Racine, du collectif Métalu À Chahuter, ou encore La Kermesse, mise en place par la compagnie La Machine. On peut encore noter le parcours artistique La Rose et les minerais, les expositions de photographies «Les Hommes du fer», de Daniel Bracchetti, et «Du passé au présent», d’Hannah Back… Le directeur ne manque cependant pas de souligner la portée «symbolique» d’un autre projet, Réminiscence : les artistes Sandy Flinto et Pierrick Grobéty réalisent «des sculptures en céramique avec la terre du Minett». Le symbole sera encore poussé à l’avenir, puisque «nous venons d’écrire aux ambassades des 152 villes qui seront présentes en 2022 à Esch pour que nous puissions récupérer l’année prochaine 152 terres provenant de tous ces endroits, réaliser de nouvelles sculptures et ainsi traduire une nouvelle dorme de mémoire».
Ce qui caractérise aussi la préparation à Esch 2022, pour la Nuit de la culture, c’est l’exploration, depuis 2018, d’autres quartiers que le centre-ville, décor historique des premières éditions. Loïc Clairet exprime un désir «d’être au plus près des habitants», et de le marquer à travers «un voyage dans la ville». Alors qu’en juin, les Francofolies investissaient le Galgenberg, Esch signe définitivement son lien avec la nature en implantant cette nouvelle Nuit de la culture au Centre nature et forêts Ellergronn. «Esch est une ville verte méconnue», déclare le directeur, avant d’ajouter que «l’Ellergronn est le plus grand espace vert aménagé du Luxembourg». «Quand on pense à Esch, on imagine cette ville un peu sale, industrielle, qui a cette image négative. Or la ville a plein de secrets, et ce poumon vert, c’est l’Esch de demain, sensible aux questions écologiques et qui pense au développement durable.» C’est aussi une facilité pour les relations transfrontalières, sur lesquelles la Nuit de la culture souhaite aussi mettre l’accent. «À l’Ellergronn, on peut explorer tous ces chemins qui sont à la frontière et qui font le lien avec la communauté de communes Pays-Haut-Val-d’Alzette. On rassemble cette dynamique de migration à travers le décor.»
Les Francofolies avaient déjà creusé le travail écoresponsable auquel tient la ville d’Esch en prévision de l’année de la Culture. «L’écologie, on y pense tous, assure Loïc Clairet, et encore plus sur ce type de manifestations, car on sait qu’un évènement culturel, quel qu’il soit, a toujours un gros impact là-dessus. On doit y travailler.» On se souvient de la prise de conscience collective lors du premier confinement, un peu partout en Europe et dans le monde, sur les questions écologiques. Mais le directeur relance : «L’année dernière, tous les yeux étaient tournés vers le covid. Or le projet que l’on avait mis en place s’inscrivait déjà dans cette dynamique», qui s’est prolongée avec les «Franco’» et qui s’étendra encore à l’avenir. Les «facilités écologiques», en termes de consommation, d’électricité ou d’accueil du public, est un point essentiel de la Nuit de la culture. De même, économiquement, Loïc Clairet assure que «les circuits courts sont privilégiés», et la manifestation n’oublie pas sa «dimension sociale», en accompagnant «des jeunes du centre Caritas» d’Esch dans des formations «à la régie générale, pour leur donner un bagage supplémentaire et les aider à s’intégrer à la société et trouver un travail». «Esch 2022 sera un autre exemple de cette transition, encore plus axée sur le développement durable, maintient-il. On ne perd jamais de vue ces objectifs, je considère qu’ils sont prioritaires.»
Pour la ville et les organisateurs, c’est la dernière ligne droite. Début des festivités demain soir, pour une conclusion à minuit dans un somptueux espace vert. Après cela, le public eschois aura droit à un «break» de cinq mois, qui ne sera pas de tout repos pour la municipalité. «En 2022, c’est une autre Nuit de la culture qui va naître : il n’y en aura pas une, mais cinq, conclut Loïc Clairet. Pour cet évènement, 2022 sera un nouveau moment d’expérimentation, où l’on va rechercher, innover, mettre en place des évènements qui seront constitutifs de l’après-capitale.» Car en 2023, la manifestation reviendra, bien sûr, mais sous une nouvelle forme. «L’année culturelle sera passée par là. La ville va changer, son approche de la culture aussi. Pour l’avoir déjà vécu dans d’autres villes capitales européennes de la culture, j’en suis convaincu.» La surprise reste entière.
Nuit de la culture, Demain, de 18 h à minuit.
Ellergronn – Esch-sur-Alzette.
Esch est une ville verte méconnue
En 2022, c’est une autre Nuit de la Culture qui va naître : il n’y en aura pas une, mais cinq
Esch 2022 devant, covid derrière
Le covid est encore au cœur de bien des discussions, même avec un protocole sanitaire qui autorise désormais les grandes manifestations comme la Nuit de la culture, où les règlementations liées à la santé sont bien rodées. Mais Loïc Clairet, lui, se dit «fatigué d’en parler». Parce qu’avec la précédente édition, puis avant le début de l’été avec les Francofolies, il en a bavé. Son seul doute repose sur «la venue d’un public plus lointain», pas forcément au fait du régime Covid Check ou craignant encore de passer des frontières, et son unique crainte serait «qu’un cas de covid se déclare parmi l’un des artistes, auquel cas, c’est toute une compagnie que l’on perdrait». Pour tout le reste, le directeur est confiant : artistes et membres de l’organisation suivent tous le protocole à la lettre, «tout le monde va bien» et le succès est promis à cette nouvelle édition.
Quant à la programmation, elle a été moins casse-tête que celles qui ont été mises en place pour les différents évènements culturels depuis le début de la pandémie. Les artistes étrangers n’ont, par exemple, eu «aucune difficulté» pour se rendre au Luxembourg. «Ça fait un an que l’on se prépare à cela, indique Loïc Clairet. Dès le début, notre programmation a pris en compte l’élément sanitaire : on a un peu plus d’installations et un peu moins de spectacle vivant. En tout cas, on a combiné les deux et pensé les espaces selon les rassemblements prévus, pour installer des jauges ou avoir des espaces de liberté.» Le défi du travail dans l’urgence sanitaire ayant été réussi haut la main, la ville est prête pour 2022! Seul changement encore d’actualité, «on travaille plus souvent avec le ministère de la Santé qu’avec celui de la Culture. Mais échanger avec des médecins, c’est aussi très intéressant».
Valentin Maniglia