Habitants et commerçants de la Gare à Luxembourg sont fatigués d’alerter sur l’insécurité qu’ils éprouvent sans autre résultat que de la voir enfler. Même les uniformes ne seraient plus dissuasifs.
Un chien accompagnant un des agents de sécurité en patrouille dans le quartier Gare à Luxembourg a mordu un homme. Un incident qui relance le débat sur l’utilisation d’une entreprise privée pour assurer la sécurité dans les rues de la capitale en complément des forces de l’ordre. Leur présence fait débat même auprès des habitants. Si certains la saluent – 68 % des personnes interrogées dans le cadre d’une enquête menée par la Ville – d’autres comme Catherine, croisée ce mardi, ne voient pas la différence. «Police, agents de sécurité, travailleurs sociaux… Cela ne change rien à la situation. Les dealers et les toxicomanes sont toujours là, regrette-t-elle. Le soir, les environs directs de la gare sont déserts. Il n’y a pas de bars, pas d’animation. Du coup, les personnes peu recommandables y traînent en bande.»
En pleine matinée, un groupe de marginaux met de l’animation sur la place de la Gare : ils se passent des bouteilles et font tourner les cigarettes roulées main. «Certaines personnes sont moins rassurantes que d’autres. Elles errent droguées ou fortement alcoolisées. Leur comportement est agressif et cela fait peur. On ne sait pas de quoi elles sont capables», témoigne Sabine, une habitante, croisée un peu plus haut, avenue de la Gare mardi matin. Chrëscht, croisé rue de Strasbourg, travaille dans le quartier depuis deux ans. Il dit être «habitué à certaines choses» et «trouve l’ambiance du quartier de la Gare normale pour une grande ville». «Il y a des problèmes, mais c’est à la police de les régler, pas à une entreprise de sécurité, indique-t-il. La personne qui a été attaquée par le chien est responsable de ce qui lui est arrivée.»
Sur la terrasse de «Chez Toni», des clients affirment que l’insécurité n’a fait que croître dans le quartier. Les bagarres se multiplieraient au cours d’une même journée «pour de la drogue ou de l’argent». Un des hommes attablés se souvient : «J’ai commencé à travailler ici en 1986. On fermait le restaurant à 3 h et on pouvait marcher tranquillement dans le quartier à pied. À présent, je ne mets plus les pieds dans le coin après 18 h.» Un autre l’interrompt : «La police doit intervenir davantage, faire plus de contrôles.» Un troisième intervient : «La police fait ce qu’elle peut, mais il y a trop de criminalité. Pourquoi pensez-vous que des jeunes hommes restent sans bouger pendant des heures au coin des rues?» Des jeunes qui disparaissent quand pointe le bout du capot d’une voiture de patrouille.
«L’idée de la bourgmestre est bonne»
Patrick, un dur, un tatoué, a également connu le quartier dans les années 1980. «Quand j’étais adolescent dans les années 1980, on disait déjà que le quartier était mal famé à cause de la vie nocturne et des mauvais garçons qui traînaient dans certains cafés. Mais on pouvait sans crainte aller à 5 h du matin au Take Out chercher un hamburger. Aujourd’hui, mieux vaut rester chez soi et se faire une omelette quand on a un creux, passé minuit, plaisante-t-il. La population du quartier a changé et la drogue a tout foutu en l’air. C’est le seul commerce qui marche encore ici.»
Certains commerçants acquiescent. L’insécurité plombe leurs affaires. «Les gens se font agresser, arracher leurs colliers… On croise des gens bizarres. On ne va quand même pas quitter le quartier! C’est aux autorités d’agir», estime une commerçante. «Cela nous rassure de savoir que les agents de sécurité patrouillent, surtout l’hiver, témoigne une autre. C’est une bonne solution en attendant des renforts policiers… L’idée de la bourgmestre est bonne. Les hommes politiques qui veulent sa démission n’ont jamais pointé le bout de leur nez dans le quartier. C’est facile de venir ici pour donner une interview à la télévision. Le chien n’a fait que répondre à une agression sur son maître.» Une des vendeuses de cette commerçante a été agressée dans la rue du Fort-Neipperg parce qu’elle n’a pas voulu céder son argent.
«Je me sens plus en sécurité de savoir que des hommes veillent sur nous. Surtout le soir et en hiver, quand la nuit tombe plus tôt. Mais cela ne règle pas le problème», estime une dame qui, par peur de représailles, préfère rester anonyme, comme la plupart des personnes interrogées mardi, ce qui en dit long sur le climat d’angoisse qui règne dans le quartier ou certaines rues tout du moins.
Sophie Kieffer