MERSCH Les Archives nationales et la bibliothèque nationale ont filé un sacré coup de main au CNL, à la suite des inondations. L’armée, elle, a envoyé du matériel endommagé en Allemagne, dans un conteneur frigorifique, pour le réhabiliter.
Le choc a été conséquent, mais le CNL compte bien se remettre des inondations, tout en étant parvenu à préserver ses archives les plus délicates.
La directrice du centre, Nathalie Jacoby, n’aurait jamais imaginé que 1,50 m d’eau puisse s’infiltrer dans les bâtiments du CNL, qui ont tous été touchés. Soit un véritable cauchemar pour la culture et le patrimoine nationaux qui, fort heureusement, a été limité. En effet, «la grande majorité du matériel d’archives se trouve au 2e étage et n’a pas du tout été endommagée. Donc c’est un tout petit échantillon du matériel d’archives qui a été touché, dans les caves notamment», indique avec soulagement Nathalie Jacoby. Les démarches nécessaires ont très rapidement été prises et un tiers du matériel a pu être sauvegardé sans dommages. De plus, la directrice du CNL souligne à remercier profondément la ministre de la Culture, Sam Tanson, ainsi que le personnel des Archives nationales et de la Bibliothèque nationale, qui ont immédiatement répondu présent. Sans oublier évidemment l’armée, qui est venue avec un camion frigorifique, avant d’envoyer le matériel endommagé, et congelé, dans une firme spécialisée basée à Leipzig en Allemagne.
Le CNL fermé au public jusqu’en octobre
«Nous espérons récupérer presque la totalité de ce qui a été mouillé. Par contre, nous avons subi de graves dommages au niveau de notre bâtiment principal, à savoir que les connexions téléphoniques et le chauffage ont sauté (selon l’état des lieux datant de lundi dernier). Plusieurs bureaux ont été « perdus« et il a fallu procéder à une réorganisation des places de travail. Nous avons aussi dû fermer notre exposition qu’on avait tout juste prolongée, sur la Seconde Guerre mondiale à cause de l’humidité. Différentes salles ont donc dû être vidées. Cela étant, malgré le fait que nous soyons fermés au public, nous fonctionnons relativement normalement. Nous espérons rouvrir la salle de lecture prochainement, au mois d’octobre et accueillir nos visiteurs pour les futures manifestations. De plus, nous préparerons une nouvelle exposition, pour l’année prochaine, de façon scientifique comme d’habitude, et nous restons positifs, malgré ces deux crises qui nous sont tombées dessus, le covid puis ces inondations. Le CNL continue à travailler de toute façon», tient à insister sa directrice.
Nicole Sahl explique le processus de congélation
L’une des conservatrices du CNL, Nicole Sahl, souligne pour sa part que la méthode de congélation du matériel endommagé est absolument essentielle dans le cas d’inondations, afin d’éviter ou de limiter «les moisissures et les changements de structure; quand un journal est mouillé, il se gondole. En le congelant et en activant un processus de sublimation, on arrive à éviter tout ce changement de la structure physique, afin d’éviter le maximum de dégâts.» À la suite des inondations de la mi-juillet, les militaires ont été contactés et sont arrivés avec un conteneur et un camion frigorifique, et le tout a été amené au dépôt des CFL, avant d’être redirigé vers une firme spécialisée à Leipzig, en Allemagne. «Nous n’avons certainement pas été les seuls à le faire, vu la situation en Allemagne qui s’est révélée bien pire.» Cette société devait par ailleurs ramener tout un tas de livres au CNL, lesquels avaient été décontaminés à la suite de moisissures.
Il faut savoir, plus précisément, qu’à Leipzig, on utilise une méthode de sublimation. «Il s’agit d’un procédé, qui fait que l’eau passe de la glace et ensuite à la vapeur d’eau, à l’aide d’un genre de grand aspirateur, pour être sûr qu’il n’y ait pas de moisissures ni de papiers qui gondolent. Par contre, ce processus de congélation n’a pas d’impact sur le fait que l’eau aurait pu dissoudre les papiers écrits à l’encre bleue. Ce sera donc la grande inconnue, lorsque nous récupérerons nos documents. Mais tout ce qui est passé par l’imprimerie devrait être en bon état, car cela n’est pas soluble dans l’eau», souligne encore Nicole Sahl. Et d’ajouter : «D’ailleurs, nos collègues des Archives nationales ont récemment connu de similaires dégâts des eaux et ils ont activé la même procédure : congélation des ouvrages et envoi à Leipzig. Des collègues sont également allés vérifier sur place. Mais, de manière plus générale, on ne connaît pas le taux de réussite de préservation du matériel à l’avance, en sachant que certaines pages resteront blanches et seront donc perdues. Si l’on veut parler de préciosité, je dirais que cela rentre dans le cadre de l’aperçu d’un processus de création; et du fonctionnement d’un auteur; mais pas selon une conception relative à une valeur marchande. Quoi qu’il en soit, on attend de voir ce qui est récupérable, tout en sachant qu’il n’y avait presque pas de livres à la cave du CNL.»
À noter, enfin, que le CNL est constitué de trois bâtiments, qu’il a été créé en 1995, mais que ses archives les plus «précieuses» se situent dans une récente annexe sur un 2e étage, et que 95 % d’entre elles n’ont pas été touchées par les inondations. Par ailleurs, des consignes en cas de catastrophe naturelle étaient bien prédéfinies à la suite de deux inondations «mineures», déjà survenues sur le site, mais celle de la mi-juillet a forcément surpris le personnel de par son ampleur. De la théorie à la pratique, la réaction du personnel du CNL a été exemplaire, et la plupart du matériel enveloppé dans du film plastique, au terme d’une chaîne humaine solidaire qui s’est spontanément formée. Soit un bel exemple dans le sens de la volonté de sauvegarder le patrimoine national littéraire. En espérant que le CNL rouvrira ses portes en octobre… patience!
Claude Damiani