Le théâtre du Centaure a pris les devants en révélant, la semaine dernière, son programme pour la saison à venir. Si la réouverture du caveau est encore incertaine, il est certain que le lieu représente intensément la création.
Chaque représentation est une victoire», assurait dans nos pages Myriam Muller, la directrice du théâtre du Centaure, à la veille du deuxième confinement. Novembre, c’était il y a neuf mois, soit la moitié du temps parcouru jusqu’à aujourd’hui face à la pandémie de covid-19. Une éternité, en somme. Certes, le Luxembourg a laissé la culture accessible depuis la réouverture de janvier, les théâtres du pays, bien que soumis à une jauge réduite de spectateurs, n’ont cessé d’afficher complet et les productions et coproductions grand-ducales ont été applaudies au festival d’Avignon.
La victoire annoncée par Myriam Muller continue par ailleurs de se confirmer en dehors du petit monde du théâtre : les nouvelles infections au virus et à ses variants sont en baisse, la vaccination progresse… Des informations positives pour la population, mais aussi pour les lieux de culture, qui pourront envisager à la rentrée un retour à une jauge à 100 % et – soyons fous – l’abandon du masque sous le régime du Covid Check.
Une «Connection» qui tient bon
Supposons autant que nous le souhaitons, il est évident que la réalité demande bien plus de prudence. Dans le caveau du théâtre du Centaure, on espérait une réouverture de la salle pour la saison 2021/2022. Mais les dispositions sanitaires actuelles sont encore une épée de Damoclès au-dessus de la cinquantaine de places du petit théâtre de la capitale. Prévisible. Tant pis. Le Centaure sait qu’à Luxembourg on ne le laissera pas tomber. Solidarité et soutien étaient les maîtres mots la saison dernière, explicités par le projet d’échange de scènes «Connection», porté par les Théâtres de la Ville et le Kinneksbond de Mamer. Il n’y a pas de raison que cela prenne fin maintenant.
À demi-mot, le Centaure a confirmé, quand il a révélé la semaine dernière le programme de ses créations pour la saison à venir, qu’il bénéficierait bien du support d’autres institutions de la Ville et de la Grande Région et que, donc, le projet «Connection» se poursuivrait jusqu’en 2022. Pour les inaugurer, c’est l’Atelier qui accueillera la pièce de Ian De Toffoli Terres arides, avec Luc Schiltz et Pitt Simon, ou le voyage – réel – d’un journaliste luxembourgeois en Syrie à la rencontre d’un militant djihadiste qui a quitté le Grand-Duché pour rejoindre l’État islamique. Une pièce forte, très bien documentée et inventive dans sa mise en scène, qui avait eu sa première dans le cadre de «Connection», au Kinneksbond, en janvier. Un projet qui incluait, en plus de l’échange de plateaux, des commandes de textes. Le Centaure produit une nouvelle version du monologue de Romain Butti – à l’origine limité à 20 minutes – avec Erop, voyage intérieur autour de la solitude, en langue luxembourgeoise, qui sera jouée en avril à Mersch, en mai à Niederanven et en juin au théâtre des Capucins.
Actualité et classique
Après la pièce de Ian De Toffoli, toujours en septembre, une coproduction du Centaure jouée au théâtre de la Manufacture à Nancy clôturera le cycle autour de l’actualité, avec une fausse légèreté qui détonne : Pour quoi faire? est basée sur des échanges entre l’auteure de la pièce, Marilyn Mattei, et sa metteuse en scène, Julia Vidit, et sur des rencontres avec des habitants de la Grande Région, autour du temps libre, un sujet dont l’appréhension nous a été complètement bouleversée par le confinement. Puis, toujours dans l’actualité, une pièce – au sujet résolument luxembourgeois mais au discours universel – de Nathalie Ronvaux, Moi, je suis Rosa!, foulera les planches du Kinneksbond en novembre et décembre. Myriam Muller, elle, s’est réservée la mise en scène du «classique contemporain» de la saison : Juste la fin du monde, du Canadien Jean-Luc Lagarce. Représentations attendues en février et mars 2022.
La dernière création que proposera le Centaure pour cette nouvelle saison est une pièce devenue incontournable pour le théâtre, un «nouveau classique» du Centaure, qui a été salué à l’intersaison à Avignon, le mois dernier, après que la non-tenue du festival en 2020 l’a empêchée d’y figurer. Sales gosses, pièce coup-de-poing de Mihaela Michailov mise en scène par Fabio Godinho, sera jouée début juin 2022 à l’espace Bernard-Marie-Koltès de Metz, précédée d’une jolie réputation qui a traversé nos frontières. Le programme est enthousiasmant, mais le Centaure n’a pas encore dit son dernier mot : Myriam Muller est attendue à la mi-septembre pour l’habituelle conférence de presse, aux côtés de Véronique Fauconnet et Marc Limpach, respectivement ses homologues du TOL et des Casemates. Pour affirmer, plus que jamais, que le Centaure est un grand lieu de création.
www.theatrecentaure.lu
Valentin Maniglia