Battu à Mondorf dimanche, le Fola prend le même chemin que le F91 en 2018 et 2019, le seul qui vaille : la tournante qui gagne… surtout en Europe.
Demandez aux joueurs du F91 s’ils se rappellent comment se sont construits leurs fantastiques campagnes 2018 et 2019 ! Dans l’isolement des titulaires des joutes continentales. Pendant que leurs remplaçants assuraient (plutôt mal) les affaires courantes en BGL Ligue. Alors constater que le Fola, dimanche, a actionné le même levier, changeant 100% de son équipe européenne victorieuse de ses deux matches contre Soligorsk ainsi que de l’aller à Linfield, pour commencer la saison de DN sur une défaite à Mondorf (2-0), était tout sauf une surprise. Sa désillusion… non plus. Ne reste plus qu’à valider l’option jeudi contre les Nord-Irlandais (3e tour retour de Conference League) qui ne reprendront eux le championnat que le 28 août.
Souvenons-nous. Le F91 de 2018, celui des Sinani, Stelvio, Stolz, Couturier, Kruska, El Hriti… avait ainsi éliminé le Legia Varsovie et Cluj, validant la première participation d’un club luxembourgeois à une phase de groupes (celle de l’Europa League) en même temps que leurs remplaçants… débutaient par une défaite à la maison contre Differdange (0-2) et une autre face à Mondorf (1-4). Dino Toppmöller avait joué ces deux matches «locaux» en changeant 80% de ses joueurs de champ. Le Dudelange de 2019, sous Emilio Ferrera, avait repris les mêmes recettes pour renouveler l’exploit et il en avait été récompensé et «puni» de la même manière : entre Nomme Kalju et Ararat Arménie, il avait validé son ticket pour la phase de groupes à la surprise générale, mais n’avait pris qu’un point sur neuf en DN contre la Jeunesse, le Progrès et le RFCU avec un onze de base modifié, lui, à plus de 90%.
Mehdi Kirch ne s’en souvient que trop bien et s’en voudrait de ne pas rassurer son ancien club du Fola : «En 2019, le staff, au F91, n’avait lui non plus aucun doute sur ce qu’il fallait faire : laisser jouer ceux qui rentraient en cours de jeu en Coupe d’Europe, puis ceux qui n’étaient pas encore prêts pour être dans le groupe. C’était clair : il y avait le groupe de l’Europe qui se prépare dans une bulle et qui se devait de se donner les moyens. Et celui de la DN. Envisager une phase de poules, c’est trop rare au Luxembourg, alors le championnat, on le met de côté ! D’autant qu’on sait bien que ce n’est pas parce qu’on rate un match ou deux que c’est fini. En comparaison, aller décrocher les poules… Ça, c’est une plus-value énorme! En tout cas pour moi, c’est peut-être égoïste de le dire, mais mon rêve, c’était les poules. Et je crois que c’était vrai pour tous mes coéquipiers de l’époque.»
«Si à chaque fois qu’on bat une grosse équipe…»
En fait, regarder dans les yeux les remplaçants des clubs qui lancent leur saison de DN en étant encore européens fait rêver un peu tout le monde au pays. Il suffit pour s’en convaincre de se tourner vers Ahmed Benhemine. Le défenseur mondorfois, qui vient justement de taper le champion en titre eschois, dimanche, était déjà sur le terrain quand l’USM avait humilié Dudelange sur sa pelouse, le 26 août 2018, malgré un onze de base plutôt très convaincant (Ibrahimovic, Kakoko, Jordanov, Pokar, Perez, Yéyé, Bisevac…), mais seulement en dépannage, à la remorque des titulaires européens. «Je me rappelle votre titre d’ailleurs, rigole-t-il. Vous aviez écrit : « Mondorf fait mieux que Cluj »». En fait, dans cette configuration, toutes les équipes de BGL Ligue donnent l’impression de faire mieux que les grosses cylindrées européennes que rencontrent nos représentants à l’international. Alors Benhemine, qu’en dit-il de cette tournante institutionnalisée ? «Moi je me mets à leur place : ils ont forcément la tête ailleurs. Financièrement, ils misent tout là-dessus. Je me rappelle en 2018, le F91 avait changé toute son équipe alors qu’ils auraient pu en aligner trois différentes. Et le Fola, ce n’est pas pareil : c’est plus jeune, moins expérimenté.» Cela se justifie donc encore plus en même temps que cela fait planer encore plus de risques.
Mais il ne pourrait pas faire les choses différemment pour autant. «Par exemple, nous, en 2019, on aurait pu faire jouer la même équipe dans les deux compétitions, estime Kirch. Mais on aurait sans doute explosé plus tard. Il vaut mieux gérer la fatigue en amont, surtout qu’en Coupe d’Europe, on rencontre des adversaires en plein championnat et qui mettent de l’intensité directement. Il faut pouvoir répondre.» À écouter le latéral du F91, les titulaires de l’Europe ne sont en tout cas pas influencés une seule seconde par la perte de points et de terrain en DN.
Ils sont même gentiment encouragés par les clubs de DN qui profitent de la situation et y trouvent leur compte. «Moi, j’espère qu’on va porter chance au Fola comme on avait porté chance au F91 en 2018, s’enflamme Benhemine. Ce serait magnifique pour nous tous. On est une petite équipe de DN et on affronte des gars qui jouent le Milan AC, vous vous rendez compte ? Et en plus, on les a battus! On en parle avec la famille et les amis pendant des semaines ! Moi, si à chaque fois qu’on bat une grosse équipe en début de saison, elle va en poules, je le fais avec plaisir !»
Julien Mollereau