Double buteur et passeur décisif contre Hamm, Bryan Nouvier s’est fait un nom en un temps record du côté de la Frontière.
À peine arrivé et déjà coqueluche de tous les médias du pays. Bryan Nouvier a passé sa journée de lundi au téléphone, à répondre à des questions. C’était forcé : on ne dispute pas son premier match à la Frontière sous les couleurs de la Vieille Dame en marquant deux buts et en délivrant une passe décisive, sans attirer les regards amoureux d’une partie du public eschois. Et tout le monde, ce lundi, voulait savoir qui était donc ce petit (1,75 m pour 68 kg) milieu de terrain de 26 ans. Tout récemment, Jeff Strasser reprochait aux gens de ne pas s’être assez intéressé à son recrutement et c’est un tort qui allait être vite réparé… au moins concernant le Français.
C’est qu’on ne suscite pas forcément immédiatement la curiosité des gens en arrivant d’un club roumain qui s’appelle Sepsi. Or c’est de là que débarque Nouvier, après trois années au CFR Cluj «où j’ai fini par apprendre à parler couramment le Roumain» et un crochet chez les Polonais de Rakow, en prêt. Formé au FC Metz, notamment avec Fatih Eren et Cédric Sacras, il a choisi l’Est pour grandir avant de revenir : «Ma chance, en étant parti à 19 ans, ça a été que ma femme m’accompagne partout. Mais là, j’arrivais en fin de contrat et un coéquipier suédois m’a dit que son agent avait des réseaux au Grand-Duché. Cela me permettait de retrouver ma famille, installée à Maizières-lès-Metz.»
Il faut dire que sa dernière saison en Europe de l’Est n’a pas été la plus rieuse. Vingt bouts de matches, huit titularisations malgré l’accumulation de semaines anglaises, un entraîneur qui ne lui fait pas confiance, des retards de salaire dus à la crise économique, le Covid qui l’a cloué deux semaines à la maison et lui a fait perdre le goût et l’odorat pendant deux mois, l’ont convaincu de changer de vie après 143 matches professionnels et 10 réalisations. Ses statistiques n’ont pas à s’en plaindre : contre Hamm, dimanche, il a déjà inscrit son quota de buts moyen pour la saison ! «Non en fait, j’ai déjà marqué cinq fois sur une saison, une fois (il rit). Mais oui, on ne peut pas rêver mieux que cette entrée en matière. En plus, j’ai mis le deuxième but du droit, donc j’ai pu prouver à tout le monde que je n’ai pas qu’un pied gauche !»
Ah, les souvenirs de Stelvio…
C’est pourtant le gauche qu’on a vu en premier, sur un splendide ballon enroulé délivré avec une impression de facilité renforcée par les réactions d’après-match de Jeff Strasser. Le technicien s’est ainsi réjoui d’avoir inscrit un but après deux minutes sur «une action travaillée à l’entraînement». Ah bon ? Il a vraiment demandé à Nouvier, très excentré après un corner joué à deux, de trouver la lucarne opposée d’un tel coup de patte miraculeux ? «En fait, sourit le Lorrain, il m’a dit de jouer le corner à deux s’il n’y avait qu’un seul adversaire en opposition. Et après de tirer fort au deuxième poteau et cadré. Le reste, c’est un peu de la chance. Même si oui, je l’ai bien frappé ce ballon.» Il n’en faut souvent pas plus pour se tailler une réputation.
Nouvier intronisé avec tambours et trompettes, les responsabilités qui pesaient un peu lourdement sur les épaules de Stelvio sont déjà mieux réparties dans l’entrejeu. Et c’est un heureux hasard, car les deux garçons se sont retrouvés curieusement liés par leur passé, au sein du vestiaire eschois. C’est que Nouvier avait quitté Cluj depuis quelques petites semaines seulement quand le F91 était venu y décrocher sa place en phase de poules de l’Europa League, le 30 août 2018, d’une victoire d’anthologie (2-3, après le succès 2-0 de l’aller). «Je m’en souviens bien parce que c’était incroyable. Le F91 était tellement au-dessus, tellement solide, je ne pensais pas que cela se passerait comme ça. Stelvio m’en a reparlé. Il m’a dit que les Roumains les avaient pris de haut, qu’ils les avaient chambrés. Moi, je lui ai rappelé que j’étais parti juste avant, mais qu’il avait raison, que c’était exactement ça.» Nouvier ne commettra cette erreur avec personne cette saison. Ses ambitions sont ailleurs. Lui qui a été privé de cette humiliation de l’été 2018 adorerait vivre sa première campagne en 2022. «On va faire une belle saison et tout donner pour viser l’Europe !»
Julien Mollereau