Les députés devront inscrire dans un registre toutes leurs rencontres avec des personnes pouvant influencer leur travail législatif. Les exceptions font déjà grincer des dents.
Comment instaurer la transparence dans les relations entre les députés et les groupes d’influence sans piétiner la vie privée de chacun dans ce petit Luxembourg où tout le monde se croise et trinque ensemble? Un tel registre revient à demander aux députés d’y inscrire la moindre de leurs entrevues, programmée ou pas, avec des individus abordant un sujet politique et intervenant dans le processus législatif.
C’est pourtant ce que tente de faire la Chambre des députés en créant dans son règlement un registre des représentants d’intérêts intervenant dans le processus législatif, comme l’avait annoncé timidement l’accord gouvernemental. Les choses se sont précipitées après les recommandations du Greco, le Groupe d’États contre la corruption, qui pointait cette lacune du doigt.
Donc, «toute personne qui souhaite approcher un député devra s’inscrire préalablement sur un registre», selon le texte proposé.
Les députés devront rendre publics les contacts qu’ils ont eus avec les personnes extraparlementaires qui ont tenté d’influencer le travail législatif du député ou le processus de décision de la Chambre. Ne sont pas visés les contacts entre les députés et les citoyens qui leur rendent compte de leur situation personnelle ou de leurs intérêts privés.
Ne sont pas concernés non plus les chambres professionnelles ou les avocats. Les critiques fusent à cet égard. Le secrétaire général de la Fédération des artisans, Romain Schmit, n’est pas forcément opposé à un registre, mais «alors qu’il soit valable pour tout le monde», juge-t-il. Un tel registre existe déjà à Bruxelles où la fédération est d’ailleurs enregistrée, donc la notion même ne le fâche pas le moins du monde. «Nous n’avons rien à cacher, au contraire, très souvent nous prenons même des photos qui sont publiées sur nos sites respectifs pour dire que l’on a eu un échange fructueux», fait remarquer Romain Schmit.
Alors «pourquoi toute cette usine à gaz?», s’interroge-t-il. «La crainte que nous avons, c’est que la presse ou un parti politique reproche à un député d’avoir vu telle ou telle organisation plus souvent qu’une autre et que des conclusions hâtives soient tirées», dit-il.
Des exceptions qui gênent
«On ne va pas faire une conférence de presse à chaque fois que l’on voit un député», s’inquiète le secrétaire général de la Fédération des artisans. Non, juste une inscription sur un registre pour le député concerné.
«Ce qui me dérange, par exemple, c’est que Nora Back, en tant que présidente de la Chambre des salariés, pourra déjeuner avec un député sans que cela soit inquiétant, mais Nora Back qui déjeune avec ce même député en sa qualité de présidente de l’OGBL doit être mentionnée au registre», relève Romain Schmit. Alors que Patrick Dury, le président du LCGB, ne pourra pas passer entre les mailles du filet
Selon lui, chaque politicien est président d’une association ou d’un club sportif ou de jardinage et il estime que le Coin de Terre et du Foyer est «aussi lobbyiste» que lui, mais «à un autre niveau». «On ne va pas mentionner chaque présence d’un député à une assemblée générale de l’Amiperas!», ironise-t-il.
Idem pour Tom Oberweis, le président de la Chambre des métiers, qui ira voir tel député et ne sera pas inscrit, mais s’il y va avec sa casquette de président du secteur alimentaire artisanale, il le sera. Le contrôle s’avère difficile, selon Romain Schmit, même si l’avis est déjà automatiquement sollicité dans la procédure législative en ce qui concerne les chambres professionnelles, d’où leur exception à la règle.
Comme les études d’avocats ou les juristes, qui ne sont pas concernés non plus. « Ce sont les plus grands lobbyistes pourtant!», dénonce le secrétaire de la Fédération des artisans.
Le registre sera bien sûr public. Il fonctionnera selon le principe de la bonne foi et du respect des règles. Gare à celui qui se fera attraper, il prendra un blâme.
Geneviève Montaigu