Véritable ovni de la pop, Faux Real investit ce mercredi soir la scène des Congés annulés aux Rotondes. Le projet de ces deux frères franco-américains ayant grandi au Luxembourg promet de réinventer le concert et de rester dans les mémoires.
Avant-gardiste et «arty» à souhait, Faux Real a pourtant failli nous chanter une vieille rengaine que l’on a trop souvent entendue. Annulé, le concert des Rotondes, où les frères franco-américains Virgile et Elliott Arndt étaient annoncés comme l’une des dates incontournables du festival Congés annulés. «Un petit stress de cas contact» avant le week-end, rassurent-ils, mais les nombreux tests effectués depuis leur ont donné le feu vert.
Dès lors, il a fallu «désannuler le concert» : un coup de pression supplémentaire, mais tout est bien qui finit bien. «On est heureux d’être là», soufflent-ils. D’autant plus que, longtemps avant de s’adonner à des chorégraphies décomplexées en vestes à franges et pantalons en cuir, les frères Arndt ont grandi au Luxembourg, où ils ont «fait toute (leur) scolarité». «Alors revenir ici, surtout en ce moment, ça nous émeut, c’est sûr», dit Elliott.
Ce soir, Faux Real investira donc la scène en plein air des Rotondes pour une expérience unique. Avec à son actif quelques clips et singles, un EP de cinq titres paru en mai 2020 mais surtout beaucoup de concerts, le groupe a défini les contours fluides d’une pop expérimentale et sexy. Maîtres du «DIY» et du décalage – horaire, esthétique, musical… –, les «performers» prouveront une nouvelle fois que l’on peut monter sur scène sans musiciens ni instruments et partager une expérience transcendante avec le public.
Vos clips témoignent d’une esthétique très particulière et bien définie. Si le concert ne s’était pas fait, aviez-vous envisagé de vous tourner vers le streaming?
Elliott Arndt : On aurait effectivement pu se tourner vers ça, mais on en a déjà beaucoup fait, et ce n’est pas pareil. Notre univers visuel est déjà accessible en ligne. Ce qu’on voudrait faire, ce sont des performances interactives qui prennent le lieu en compte, uniques à chaque fois. Quand c’est à travers un écran, ça ne fonctionne pas.
Les Congés annulés se déroulent en plein air. Quelle différence y a-t-il pour vous entre jouer à l’extérieur et dans une salle fermée?
Virgile Arndt : On essaie, pour nous et pour le public, de travailler au cas par cas. Voir ce qui peut rendre ce concert particulier, mémorable et jouer avec les éléments qui nous sont offerts : parfois on a un escalier, parfois on a un chemin qui traverse la foule, parfois on est dans un lieu tout petit, très bas de plafond…
J’aime parler de performance, car (…) le mot concert n’est peut-être pas tout à fait adapté à ce que l’on fait
E. A. : J’aime parler de performance, car ce que l’on fait sur scène est, pour utiliser un mot anglais, “sight-specific” (NDLR : propre à la vue). Le mot concert n’est peut-être pas tout à fait adapté à ce que l’on fait.
Est-ce que Faux Real a vocation à redéfinir la notion de concert?
E. A. : Dans nos vies, on a fait beaucoup de concerts, mais on en a beaucoup vu, aussi. Pour l’artiste, chaque soir est différent, mais le public, lui, voit souvent les concerts dans les mêmes salles qui sont autour de lui. Il en faut un peu plus que juste un groupe différent, il faut donner au public une expérience à part, et c’est ce que l’on essaie de faire.
V. A. : Surtout quand le groupe en question n’a pas d’instruments sur scène. On se doit d’être inventifs, physiquement par exemple. Le fait de ne pas avoir de musiciens présents nous pousse à la créativité dans d’autres champs. C’est un challenge, certes, mais c’est hyper revigorant pour nous de faire ça.
On remarque que dans la musique, comme sur scène ou dans les clips, Faux Real s’empare d’un espace vide, blanc, et s’emploie à le remplir…
E. A. : On n’a jamais eu de discussions là-dessus, c’est devenu évident instantanément. Démarrer avec rien et occuper un espace particulier, c’est intéressant. Le DIY, le minimalisme absolu, ça nous attire dans beaucoup de disciplines différentes. Tout ce qu’on a, ce sont nos corps, nos costumes et notre musique : à partir de là, on essaie de faire un spectacle, quelque chose de très vivant.
V. A. : Faux Real, c’est des chansons et du live, mais notre envie de remplir l’espace existe aussi dans nos clips. La vidéo, c’est une manière de réfléchir à tout ce qu’on fait sous le nom de Faux Real, c’est l’essence de la chose. Le moteur de ce projet, c’est juste nous. C’est une extension de qui on est en tant qu’artistes et en tant que frères. Au départ, on s’est dit que ce serait intéressant d’écrire des chansons ensemble pour s’amuser, puis on en a fait quelques-unes de plus, puis d’autres, on a commencé à les faire écouter. Quand on a commencé à nous proposer des concerts, on a envisagé le projet, étape par étape. Créer ensemble, c’est quelque chose qu’on fait naturellement, et c’est de là qu’a découlé ce projet.
On est encore en train d’écrire le Manifeste du faux réalisme. On en est déjà à 600 pages, mais ce n’est pas assez
Pouvez-vous nous éclairer sur le concept de faux réalisme, que vous avez inventé?
V. A. : On est encore en train d’écrire le Manifeste du faux réalisme (ils rient). On en est déjà à 600 pages, mais ce n’est pas assez…
E. A. : Ce qui est sûr, c’est que tout en haut du texte, il est écrit : “Prendre autant de place que possible”, en énorme! (ils rient).
V. A. : On ne peut pas en dévoiler plus, c’est encore un « work in progress »…
Votre premier EP est sorti pendant le confinement. Comment avez-vous vécu cette période?
V. A. : Ça a été le grand silence pendant un an et demi. On a été stoppés en pleine tournée américaine en mars 2020, ce qui a représenté un an et trois mois sans concerts pour nous, même si on a fait quelques concerts enregistrés. Cet été, on est retourné sur scène, et ça fait un bien fou!
E. A. : Dès qu’on en a fait un, ça a remis la machine en route. Bien sûr, on fait ce qu’on peut et ce qui est possible : on voyage un peu moins – et moins facilement – qu’avant. Cette pandémie a changé à jamais les voyages et les tournées, mais on s’adapte, et ça nous fait plaisir. On fait nos premières dates depuis longtemps, mais c’est aussi, pour une bonne partie du public, les premiers concerts. Il y a une vraie émotion, qui agrémente le cocktail qu’est Faux Real.
Avez-vous continué à écrire de la musique pendant le confinement?
V. A. : Bien sûr. On en a profité pour écrire beaucoup, peaufiner des trucs dans différents domaines, apprendre des choses ensemble et séparément… On pense revenir grandis!
E. A. : On a eu pas mal de périodes différentes : on était d’abord coincés au Mexique, puis en Californie, dans le sud de la France ensuite, avant de retourner à Londres… Et comme beaucoup de musiciens, on a écrit 53 albums pendant le confinement (il rit).
Le premier attend toujours de sortir…
V. A. : On va sortir une chanson pour commencer, mais les projets se forment à l’horizon.
E. A. : On a toujours plein de choses en cours…
Cette pandémie a été vécue par tout le monde comme une période étrange. C’est une première manifestation à grande échelle du faux réalisme?
V. A. : On est en plein dedans! On n’arrive pas à démêler le vrai du faux. Parfois, c’est frustrant, parfois drôle, parfois enivrant… Nous, on essaie de vivre ça aussi pleinement que possible.
E. A. : C’est la première fois qu’on fait une véritable expérience collective en tant qu’humains. Ce truc qui relie tout le monde donne aussi une autre dimension aux luttes individuelles de chacun. C’est un moment vraiment intéressant.
Valentin Maniglia
Rotondes – Luxembourg.
Ce soir à 20 h.
Egal waat……..